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Les Chroniques de Cybérie
2 mai 2000

© Les Éditions Cybérie inc.

2 mai 2000

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

Microsoft : le DoJ propose le démantèlement
Pas de nuits blanches à Seattle
NASADQ Canada à Montréal...
...  et bataille de noms de domaines
Le Condor réduit au silence
Paris : conférence du G-8 sur la cybercriminalité
Le droit de savoir, le droit de se faire oublier
En bref...
Beau détour

 Microsoft : le DoJ propose le démantèlement
Venant confirmer les rumeurs qui circulaient depuis une semaine, le ministère américain de la Justice (DoJ) et 17 États co-plaignants (et non 19, voir plus bas) ont proposé au juge Thomas Penfield Jackson d'ordonner le démantèlement de Microsoft en deux entités.  Une première entité verrait au développement et à la commercialisation des systèmes d'exploitation Windows, une seconde prendrait en charge la balance des opérations de Microsoft (applications, matériel, activités Internet).

En vertu de la proposition, il serait interdit aux deux entités de travailler de concert pour une période de dix ans.  En outre, la proposition est accompagnée de conditions dites «de conduite».  Ainsi, Microsoft devrait pouvoir permettre aux fabricants d'ordinateurs de proposer un système d'exploitation autre que Windows et de retirer, s'ils le souhaitent, le fureteur Web Explorer.  Microsoft devrait aussi divulguer toute modification à Windows aux développeurs indépendants au même moment où ces informations sont communiquées aux développeurs internes de Microsoft.  Elle devrait également n'imposer aucune mesure de rétorsion contre les fabricants qui offrent des systèmes ou produits concurrents, et avoir une grille de prix uniforme pour tous les fabricants.  Enfin, il serait interdit à Microsoft d'ajouter à Windows des fonctionnalités qui ne puissent être désactivées par l'utilisateur, sans compromettre le fonctionnement du système.

Dix-sept États co-plaignants, et non les dix-neuf faisant partie du front uni contre Microsoft, ont endossé la proposition de démantèlement et les conditions de conduite.  C'est que les attorney generals de l'Illinois et de l'Ohio ont présenté une proposition minoritaire au juge Jackson.  Reconnaissant les arguments soutenus par le juge Jackson dans ses conclusions de faits et de droit, les attorney generals des deux États dissidents se sont dit «réticents à proposer l'imposition de mesures structurelles avant que l'on ne prenne le temps de déterminer si la simple imposition des mesures de conduite ne suffiraient pas à changer les pratiques anti-concurrentielles de Microsoft.» Les deux attorney generals ont donc proposé une période de surveillance et d'imposition de mesures de conduite de Microsoft d'une durée de trois ans, après quoi on procéderait à un réexamen de la situation.

Les réactions à la confirmation de la proposition de démantèlement de Microsoft ont été nombreuses, et prévisibles, à commencer par celle de Microsoft.  En téléconférence, vendredi après-midi, Bill Neukom (premier conseiller juridique de Microsoft) a bien résumé la position de la société : «Les exigences excessives du gouvernement nécessiteront des mois d'audiences et de dépositions, et nous estimons que c'est très regrettable.  Microsoft tient à un dénouement équitable et expéditif de cette cause.  La cour et toutes les parties reconnaissent que ce sont les tribunaux d'appel qui trancheront.  Les propositions formulées aujourd'hui par le gouvernement ne font donc que retarder le règlement de la cause.»

Microsoft a jusqu'au 10 mai pour répondre officiellement à la proposition de démantèlement, mais certaines indications laissent croire qu'elle demandera un report de cette étape.  Après quoi on passera à de nouvelles audiences devant le juge Jackson (prévues pour le 24 mai), puis à la prise en délibéré par celui-ci.  Un jugement est attendu au plus tôt en juin.  Puis ce sera la phase de l'appel que Microsoft entend interjeter.

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 Pas de nuits blanches à Seattle
Bastion de Microsoft qui y a son quartier général et y emploie plus de 25 000 personnes, la région de Seattle n'a pas connu une si mauvaise journée après l'anti-climax de vendredi dernier, et personne ne semble y passer des nuits blanches (du moins, pas à cause des tribulations provoquées par la poursuite anti-trust).  Le Seattle Times rapportait le même va-et-vient que d'habitude dans les environs du «campus Microsoft» : microsoftiens en blue jeans qui jasent Porsche et voiliers, population locale largement sympathique aux retombées attribuables à la présence de Microsoft dans la région.  Et pourquoi pas.

En bourse, l'action Microsoft a à peine bougé.  Le titre Microsoft a perdu plus de 30 % depuis un mois? Et alors.  Depuis le début du procès, en 1998, il avait gagné 300 %.  Une action de Microsoft achetée en 1986 a connu depuis une appréciation de 46 000 %, rien de moins.  Lundi dernier, Steve Ballmer a même promis aux salariés de Microsoft que le programme d'options d'achat d'actions serait revu pour compenser la récente baisse du titre, et qu'une augmentation substantielle des salaires est à l'étude.

Le fractionnement de Microsoft, tel que proposé, verrait la naissance de Microsoft/Applications (à défaut d'un autre nom).  Le secteur applications de Microsoft génère 46 % des recettes de la société (chiffres du dernier trimestre), et s'articule principalement autour des produits de la suite Office, dont le logiciel de traitement de texte Word, part de marché de plus de 90 % du secteur traitement de texte.  Les analystes estiment que Microsoft/Applications aurait une capitalisation boursière de 230 milliards de dollars.

Microsoft/Windows (toujours à défaut d'un autre nom) aurait une capitalisation boursière de 170 milliards de dollars, une part de marché de plus de 90 % dans le secteur des systèmes d'exploitation.  Windows compte pour 41 % des revenus de Microsoft (au dernier trimestre).

Mais comme le souligne à juste titre Matt Marshall du Mercury News, il est difficile de prévoir comment les deux entités se comporteraient si le fractionnement en venait à être imposé, et si les consommateurs seraient mieux servis par deux géants plutôt qu'un seul.  Si les avis sont partagés, personne ne semble trop s'inquiéter des conséquences à long terme.

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 NASADQ Canada à Montréal...
C'est à Montréal que la bourse électronique NASDAQ établira sa passerelle d'entrée au Canada.  L'annonce, faite mercredi dernier à New York en présence de Frank G. Zarb, premier dirigeant de NASDAQ, de Lucien Bouchard, premier ministre du Québec, et de Bernard Landry, ministre des Finances, a réjoui les milieux technologiques et financiers québécois.

La stratégie d'implantation de NASDAQ Canada (NASADQuébec, disait en boutade Bernard Landry) se déploiera en trois étapes.  Cet été, les courtiers montréalais disposeront de terminaux permettant de transiger directement sur la bourse électronique (sans passer par l'intermédiaire de courtiers américains).  En mars 2001, on verra la création officielle d'une plate-forme canadienne du NASDAQ permettant une inscription plus facile des entreprises canadiennes à cette place d'échange.  Puis, on verra l'intégration de NASDAQ Canada au réseau mondial prévu pour la bourse électronique (Japon, Hong Kong, Europe), un immense marché international fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Il y a présentement environ 5 000 sociétés inscrites à la bourse NASDAQ, la plupart américaines, mais 128 sont canadiennes (plus que tout autre pays exception faite des États-Unis).  En 1999, il se transigeait en moyenne 988 millions d'actions par jour sur cette bourse.  Le chroniqueur financier du Journal de Montréal, Jean-Philippe Décarie, dresse un portait révélateur de l'influence des titres technos transigés sur NASDAQ «94 % de toutes les sociétés publiques de logiciels; 88,8 % de toutes les sociétés publiques de fabricants d'ordinateurs; 86,8 % de toutes les sociétés publiques de fabricants d'équipements de communications; 81,9 % de toutes les sociétés publiques de composantes électroniques; 87 % des sociétés publiques en biotechnologie.»

À terme, pour l'investisseur moyen, l'arrivée de NASDAQ Canada changera peu de choses sauf que les frais de transaction seront diminués en raison de l'élimination d'intermédiaires.  Pour les courtiers, l'accès direct sera un net avantage.  Pour les sociétés déjà inscrites en bourse, et pour celles qui envisagent un placement de titre, ils auront à Montréal (et en français) accès à toute l'information nécessaire (banquiers en investissement, courtiers, avocats, conseillers).  Et si NASDAQ Canada, en tant que tel, créera peu d'emplois, il en est tout autrement pour le secteur des services financiers connexes.  Dans une des nombreuses entrevues qu'il a accordées, le ministre des Finances, Bernard Landry, a parlé de «milliers d'emplois» ainsi créés.

Mais comme tout est politique en ce pays, et bien que NASDAQ Canada profitera à l'ensemble des sociétés canadiennes, la presse anglophone hors Québec, qui aurait bien voulu voir le NASDAQ s'installer à Toronto, a eu des réactions prévisibles au lancement du satellite montréalais de NASDAQ.

On lisait dans le Globe & Mail de Toronto : «Le gouvernement du Québec a piégé (lured) l'imposante bourse NASDAQ pour son installation à Montréal, envoyant une onde de choc dans les marchés canadiens et créant une menace potentielle à la domination de Bay Street [Ndlr.  secteur des finances de Toronto] dans le paysage financier.»

Pour le Financial Post : «La nouvelle, manifestement un coup politique pour le gouvernement séparatiste au pouvoir à Québec, crée un puissant concurrent potentiel pour la Bourse de Toronto, et ce au moment même où le système canadien des valeurs boursières que l'on venait de restructurer commençait à se stabiliser» (voir à cet égard l'article de Jean-Philippe Décarie).  Le lendemain, le Financial Post en remettait, citant un observateur anonyme : «Ce n'est qu'un coup de publicité qui entretient l'illusion des souverainistes qu'ils peuvent avoir leur propre pays...  et leur propre place boursière.  La réalité est que dans le “cybermonde” que nous sommes en train de créer...  quel est le besoin d'avoir son propre marché boursier?»

Dans le Ottawa Citizen, on se penche sur l'avenir professionnel du fils du premier ministre Bouchard : «Alexandre Bouchard, fils du premier ministre québécois Lucien Bouchard, ne rêve pas de chausser les patins des Canadiens [Ndlr. équipe de hockey de Montréal] lorsqu'il sera grand.  Le chef du Parti québécois et leader du mouvement séparatiste a déclaré que son fils de dix ans a un objectif bien plus sérieux : faire carrière comme banquier investisseur à New York.»

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 ...  et bataille de noms de domaines
Entre temps, les responsables du NASDAQ intentent des poursuites contre une entreprise britannique, Deltacross Ltd., pour appropriation des noms de domaine NASDAQEUROPE.COM et NASDAQEUROPE.NET.  Le nom de domaine officiellement retenu pour NASDAQ Europe est NASDAQ-EUROMARKET.COM.  La poursuite est intentée en vertu de la loi américaine contre le cybersquatting qui interdit l'appropriation de noms de domaines évoquant des marques de commerce par des personnes autres que les ayants droit aux dites marques.

Cependant, aucune nouvelle des responsables de NASDAQ sur leurs intentions relatives aux détenteurs des noms de domaine NASDAQCANADA.COM, NASDAQCANADA.NET et NASDAQCANADA.ORG, dont aucun n'est directement relié à la bourse NASDAQ selon Internic Canada.  Et vérification faite (ce 2 mai), le nom de domaine NASDAQCANADA.CA est toujours disponible.

À ce compte là, si les déclinaisons se multiplient, le NASDAQ pourrait bien ravir au petit cubain Elian Gonzalez le titre de nom le plus «squatté» sur le Web.

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 Le Condor réduit au silence
Le Comité sénatorial américain sur les affaires gouvernementales a bien invité l'hacktiviste Kevin Mitnick, surnommé Le Condor, à venir éclairer sa réflexion sur la vulnérabilité de l'infrastructure de l'administration publique aux cyberattaques.  Mais c'est un privilège que l'administration américaine, par l'entremise du service fédéral des libérations conditionnelles, nie au grand public.

En effet, le service a informé l'agent de libération conditionnelle du Condor que ce dernier devait mettre un terme à une tournée de conférences qui, jusqu'au mois d'août, aurait pu lui rapporter environ 20 000 $ selon l'agence Associated Press.  À défaut d'obtempérer, les autorités pourraient invoquer un bris d'engagement et retourner Mitnick en prison.  Les conditions de remise en liberté du Condor, les plus sévères jamais imposées à un particulier par un tribunal fédéral américain, lui interdisent toute activité liée de près ou de loin à l'utilisation de la technologie.  Mitnick s'était donc tourné vers une activité technologiquement neutre, celle des conférences.

«C'est bon pour le public, et c'est sain pour moi car je me sens productif.  Je reconnais mes erreurs passées» dit-il.  Mais Mitnick croit que les autorités fédérales tentent de réduire sa visibilité publique.  «C'est une atteinte à mes droits en vertu du Premier amendement [Ndlr.  de la Constitution qui garantit la liberté d'expression], la mise en liberté sous condition n'a pas pour objet d'être punitive.»

Les agents du service de libération conditionnelle ont suggéré à Mitnick de se trouver un emploi dans un secteur autre que la technologie et l'informatique, mais il a refusé.  Après cinq ans en prison, Mitnick n'a pas l'intention de consacrer temps et argent à apprendre un autre métier, sutout que dans deux ans, les conditions de sa remise en liberté seront levées, et il pourra alors agir à sa guise.

Pour les fans du Condor, une entrevue sur l'affaire avec le principal intéressé chez News.Com.

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 Paris : conférence du G-8 sur la cybercriminalité
C'est à Paris, au Centre des conférences internationales, que se tiendra du 15 au 17 mai une importante conférence des pays du G-8 sur la cybercriminalité sous le thème «Dialogue entre les pouvoirs publics et le secteur privé sur la sécurité et la confiance dans le cyberespace».  On attend, pour l'occasion, plus de 300 représentants des secteurs privé et public; la présidence sera assurée conjointement par la France et le Japon.

Les échanges s'articuleront autour des points suivants : idées et expériences concernant la criminalité sur Internet; amélioration des relations entre le secteur des technologies de pointe et les services opérationnels, à l'échelle internationale; conciliation des intérêts communs du secteur industriel et du secteur public en matière de promotion de la sécurité et la confiance dans l'utilisation des technologies d'information et de communication.

D'après les documents disponibles sur le site Web du ministère français des Affaires étrangères, «Le principal objectif de la conférence est d'abord d'établir un dialogue et une pratique de contacts entre des partenaires qui n'ont pas souvent l'occasion de se rencontrer.  Les informaticiens n'ont pas toujours l'occasion de rencontrer des responsables de l'action répressive et inversement.  Pourtant, ils vont devoir sur certains enjeux apprendre à travailler ensemble et s'appuyer sur des solutions concertées.  La conférence est un premier pas en ce sens.»

Entre temps, la prestigieuse université américaine Canegie Mellon a ouvert un Centre de cybersécurité (CyberSec) pour appuyer les organismes et entreprises à mieux analyser leurs vulnérabilités, et à prendre les mesures nécessaires afin d'améliorer la sécurité de leurs infrastructures.

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 Le droit de savoir, le droit de se faire oublier
Un cas délicat qui oscille entre la liberté d'expression et le respect de la vie privée, entre le droit d'une collectivité de savoir, et le droit d'individus de se faire oublier.

Une résidante de Jonquière (Saguenay), Anne-Claude Girard, anime le site Web «Protégeons nos enfants» destiné à mettre en garde la population contre les actions de pédophiles connus.  Témoignages, trucs et conseils, commentaires sur le travail des policiers, et aussi, les photos, avec description des actes commis, de quatorze pédophiles reconnus, jugés et condamnés.  Certains sont encore en détention, d'autres ont purgé leur peine et ont été relâchés.

Anne-Claude Girard, qui travaille à compléter les diverses sections de son site Web, écrit : «Devant des soins quasi inexistants pour nos victimes, des sentences très légères et un gouvernement qui fait la sourde oreille, j'ai décidé de prendre des moyens afin de nous donner des outils qui nous aideront à protéger nos enfants, et peu importe ce qu'il en coûtera, nos enfants n'ont pas de prix!» Madame Girard dit savoir de quoi elle parle : il y a six ans, sa fille alors âgée de dix ans était victime d'agression sexuelle.

Aux États-Unis, l'État du New Jersey adoptait en 1994 la «Loi de Megan».  Une fillette de sept ans, Megan Kanka, avait été violée et assassinée par un voisin.  L'homme avait déjà, à deux reprises, été reconnu coupable d'agressions sexuelles.  La Loi de Megan oblige les agresseurs sexuels remis en liberté à s'enregistrer auprès des autorités policières dans la collectivité où ils choisissent de vivre. 

Les services correctionnels doivent, en outre, informer les procureurs locaux de la remise en liberté des agresseurs.  Les procureurs ont pour mandat de déterminer le degré de risque pour la collectivité (élevé, modéré ou faible).  Les voisins des agresseurs à risque élevé sont avisés officiellement de leur présence dans leur quartier.  Dans les cas de risque élevé ou modéré, on avise aussi les organismes communautaires qui oeuvrent auprès des enfants ou des victimes d'agressions sexuelles, ainsi que les responsables des écoles, des garderies, des camps d'été, etc.

On entend ainsi mettre en garde les collectivités contre la présence des agresseurs sexuels dans leur milieu, espérant ainsi que la population sera plus vigilante.  En aucun cas, cependant, n'est-il question de diffusion grand public, ou par des particuliers ou organismes, hors des quartiers de résidence des agresseurs, des informations comme le nom, la photographie, et autres détails sur les agresseurs.  La Loi de Megan a été contestée en 1995 (Artway vs Attorney General of New Jersey), mais les tribunaux ont maintenu sa validité.  Depuis, une vingtaine d'États américains ont adopté des lois semblables.

Au Canada, la «Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition» donne aux autorités assez de latitude pour communiquer des renseignements sur les délinquants à certains membres du public, et autorise le responsable d'une institution fédérale à communiquer de tels renseignements sans le consentement de l'individu concerné, lorsqu'il estime que des raisons d'intérêt public justifient nettement une éventuelle violation de sa vie privée.

Au Manitoba et en Colombie-Britannique, il existe des comités mandatés pour évaluer le degré de risque de la présence d'un délinquant sexuel dans une collectivité, et la pertinence d'en informer le public.  L'Alberta et la Saskatchewan envisagent des mécanismes semblables depuis un certain temps.  Soulignons que nulle part, dans la loi canadienne, n'est-il fait mention d'initiatives personnelles de notification par des particuliers ou organismes non mandatés en raison des trop grands risques d'erreurs et du manque d'encadrement.

Le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada s'est penché sur la question et, après une analyse exhaustive des politiques existantes, conclut ce qui suit : «Le système d'inscription obligatoire auprès de la police et la communication obligatoire de renseignements à la collectivité qui existe dans bien des États américains peut paraître beaucoup trop sévère, surtout lorsqu'on se demande si la société est mieux protégée pour autant [...] Les approches adoptées en Colombie-Britannique et au Manitoba semblent par contre être des modèles raisonnables, puisqu'elles réussissent à concilier l'intérêt du public à être informé de la présence d'une personne potentiellement dangereuse dans la collectivité avec le droit de cette personne à sa vie privée.  Nous tendrions à favoriser des approches comme celles-là [...] Dans le cas des provinces qui n'ont pas de mécanismes de ce genre, nous serions favorables à la création d'un comité nommé par le gouvernement fédéral et composé de représentants du gouvernement et du public qui serait chargé de faire des recommandations [...] sur l'opportunité de communiquer des renseignements sur les délinquants pour des raisons d'intérêt public.»

Dans le cas du site «Protégeons nos enfants» de Anne-Claude Girard, le cadre juridique canadien et nord-américain n'interdit pas, ni ne sanctionne, la diffusion de photographies de personnes reconnues coupables de crimes.  Ces dernières pourraient cependant se prévaloir de recours juridiques pour mettre un terme à la diffusion des photos en question.

Madame Girard nous a précisé ses motifs : «Mon site ne vise pas a prévenir les récidives de ces agresseurs.  Il a pour but de permettre aux parents et/ou aux enfants de connaître les pédophiles de leur quartier.»

Les principales critiques formulées à l'égard de la Loi de Megan soulevaient la question de l'exclusion sociale et de l'obstacle à la réhabilitation des inculpés découlant des pratiques d'avis à la collectivité.  «Personnellement je ne crois pas que cela soit un obstacle» nous dit Madame Girard, «je trouve au contraire qu'il oblige le pédophile à regarder son problème en face plutôt que de le fuir et étant donné que le problème de pédophilie est un problème de société, il est normal que nous soyons au courant.  Selon moi, s'il ne voulait pas en être réduit à ça, il n'avait qu'à respecter les droits des enfants.»

Les mêmes critiques font valoir que, parfois, la famille des agresseurs (qui n'a rien à voir avec les gestes posés) souffre aussi de l'exclusion sociale qui découle de la diffusion des photos.  «Certaines familles, je dis bien “certaines”, sont également victimes dans une telle situation, mais doit-on taire les cris de nos victimes pour autant?» de dire Madame Girard.

Comme nous le disions plus haut, le cas est délicat.  D'un côté, la liberté d'expression amplifiée par le médium à accès facile qu'est le Web, et sur une question qui malgré son expression boiteuse, dans le cas présent, vise à protéger la collectivité.  D'un autre côté, la situation des contrevenants qui, ayant purgé leur peine, s'en voient imposer une seconde, celle de l'exclusion sociale.

Délicat et complexe. 

Pour David Jones, président de Frontière électronique Canada (FEC) et observateur aguerri de ces questions, il y a un sentiment de malaise dans de tels cas.  «Il y a quelque chose d'imprécis, quelque chose qui accroche dans l'esprit.  Il y a quelques années de ça, j'ai vu des pratiques semblables au Texas.  Mais c'est parfaitement légal.  Je suis d'accord qu'il y a des risques de dérive, d'imprécisions de l'information véhiculée lorsque ce sont des amateurs qui le font plutôt que les autorités.  Mais alors, si des personnes se croient victimes de diffamation, elles n'ont qu'à poursuivre en justice.  Personne n'a de sympathie pour les personnes reconnues coupables d'agression sexuelle, et peu de gens seraient disposés à défendre leur droit à la vie privée.»

Par ailleurs, une personne militant dans des organismes de défense des droits (et qui souhaite garder l'anonymat) nous a décrit un cas précis.  «Dans le cas de “X”, il a purgé une peine de prison pour ses crimes et malgré l'aspect “dégueulasse” de ses fautes, il a aujourd'hui le droit de vivre librement.  Du point de vue légal (pour la morale, libre à chacun...), ces personnes (les placardés) pourraient à la rigueur s'adresser à la Commission des droits de la personne.  On est au Canada ici, pas en Iran! [...] D'autre part, tant qu'à être dans la délation, je me demande lorsque des organismes comme la police de Seattle met des photos de manifestants sur son site Web pour qu'ils soient identifiés et dénoncés par leur concitoyens, est-ce plus éthique? Ces manifestants n'ont pas été jugés et ils sont déjà condamnés par les forces de l'ordre comme étant des dangers.»

Mais Anne-Claude Girard n'en démord pas.  «Ce qu'il y a sur mon site est rapporté par les journaux “avec preuve à l'appui” et les documents concernant les conseils, la prévention, etc., sont rapporté par des écrits de nos professionnel de la santé.  Notre gouvernement n'est pas en mesure de protéger nos enfants, donc il nous oblige a prendre les moyens qu'il faut pour que nous, parents, puissions les protéger.»

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 En bref...
Conformément au calendrier annoncé, le ministère québécois de l'Industrie et du Commerce a dévoilé les détails du programme «Brancher les familles sur Internet» annoncé en mars dernier.  Site Web très complet avec tous les détails à l'intention des familles qui veulent se prévaloir du programme, et à l'intention des fournisseurs qui souhaitent s'inscrire.  Pour les familles, on trouvera la liste complète des fournisseurs Internet inscrits (69 entreprises), la liste complète des détaillants de micro-ordinateurs admissibles (par codes postaux et par régions).

L'Internet Society (ISOC), regroupement international, sans but lucratif, de personnes et d'entreprises consacré à la promotion d'Internet a maintenant sa section québécoise.  Le 26 avril dernier on procédait à l'élection du conseil de direction, et à cette occasion le professeur Jean-Claude Guédon, bien connu pour ses nombreuses publications, interventions et conférences sur le cyberespace, a été élu président de l'ISOC-Québec.  Ceux et celles qui souhaiteraient se joindre à l'ISOC-Québec ou encore se renseigner sur le mandat et les activités de l'organisme peuvent consulter le site Web isoc.qc.ca.

«Shocking, my Dear».  Rien de moins.  Le Sunday Times de Londres rapporte que le service britannique de renseignement MI5 est en train de mettre en place un système de surveillance de tous les messages de courrier électronique échangés, reçus et transmis depuis la Grande Bretagne.  Nom de code GTAC (government technical assistance centre), le système exigera que tous les prestataires de services disposent d'un lien physique au centre de surveillance du MI5.  Les services de renseignement devront obtenir une autorisation du ministère de l'Intérieur (Home Office) pour intercepter des messages, mais pourront obtenir des mandats généraux pour exercer une surveillance spécifique d'organismes ou d'entreprises.  On s'attend à une levée de boucliers des organismes de défense des cyberdroits qui verront les techniques de surveillance gravir un autre «Echelon».  Mais d'ici là, une autre controverse est soulevée, soit celle du coût de l'opération.  Pour les services de renseignement, la mise sur pied du GTAC coûtera environ 40 millions de dollars US.  En revanche, les frais d'installation des liens directs au GTAC pourraient atteindre 25 millions de dollars US, une note que devront se partager les 400 prestataires de services britanniques, ce qui pourrait avoir une incidence sur les frais d'accès.  Shocking indeed.

Un des meilleurs plans de rémunération de l'industrie, des options d'achat d'actions, le prestige de travailler pour un leader de l'industrie...  Tout ça ne semble pas suffisant pour certains employés de Microsoft qui auraient tenté d'arrondir leurs fins de mois.  Le USA Today rapporte qu'en une semaine, 23 copies de l'édition «serveur avancé» du logiciel Windows 2000 (prix de détail, 3 400 $ US) ont été mises aux enchères sur le site eBay par des personnes habitant à moins de 25 kilomètres du campus Microsoft à Redmond (Washington).  Aucun commentaire de Microsoft sur les questions de politique interne.  Certains vendeurs ont reconnu avoir reçu gratuitement leur copie directement de leur employeur et vouloir la revendre car ils n'en avaient aucune utilité.  D'autres ont dit l'avoir acheté à rabais d'un détaillant.  Quoiqu'il en soit, la plupart des copies de Windows 2000, dont le prix de revente pouvait atteindre 1 300 $ US, ont été retirées des enchères.

Encore un sondage sur l'utilisation d'Internet en milieu de travail.  Cette fois, c'est le cabinet Greenfield Online qui a mené l'étude pour le compte du site de jeux en ligne Pogo.Com et dont l'agence Newsbytes rend compte.  Si 64 % des répondants avouent avoir utilisé leur accès Internet en milieu de travail à des fins personnelles, seulement 9 % croient que leur productivité au travail en a souffert.  Dix pour cent des répondants disent rester au bureau, après les heures de travail, pour avoir accès à Internet, une plus forte incidence correspondant à une rémunération supérieure de ceux et celles qui s'attardent ainsi.  Pour 14 % des répondants, l'utilisation personnelle de l'accès Internet au bureau se fait à l'heure du lunch, en grignotant un sandwich ou une collation minute.  Si 74 % des répondants vérifient leur boîte aux lettres électronique entre une et cinq fois par jour, 8 % le font plus de quinze fois dans la journée.  Parmi ces compulsifs du courrier, deux fois plus d'hommes que de femmes, et plus de jeunes que de vieux, soit 21 % des répondants de moins de 25 ans et 1 % âgés de 55 ans ou plus.

Non, ne m'écrivez plus pour savoir s'il est vrai que les bananes du Costa Rica sont porteuses de la bactérie mangeuse de chair.  Ou pour savoir s'il est vrai que votre fournisseur versera quelques sous pour le traitement d'un enfant malade pour chaque message de courrier envoyé décrivant la terrible situation de l'enfant.  Après le courrier électronique non sollicité (spam), les légendes urbaines véhiculées sous forme de chaînes de lettres (qu'il ne faut pas briser sinon on ira en enfer) polluent de plus en plus nos boîtes aux lettres.  L'institut de recherche économique National Policy Administration (NPA), ayant ses bureaux à Washington, n'apprécie guère, non plus.  Selon CNNfn, un message récent citait un de ses responsables affirmant que Microsoft vous verserait 203,15 $ pour chaque personne à qui vous feriez suivre (forward) le message.  Le message était signé (faussement) d'un responsable de la NPA et portait le numéro de téléphone de ses bureaux.  Standard téléphonique engorgé par les fausses réclamations, perte de productivité, les coûts sont difficiles à évaluer pour la NPA, mais sont considérables selon les responsables.  Et avez-vous entendu celle du...

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 Beau détour
Cette semaine, vers le portfolio de Sanjay Kothari, photographe de mode qui donne aussi dans le montage avec un style inédit.

Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et toutes une excellente semaine.

Écrire à Jean-Pierre Cloutier


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