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Les Chroniques de Cybérie
10 octobre 2000

© Les Éditions Cybérie inc.

10 octobre 2000

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

Carnivore : on laisse l'EPIC sur sa faim
Microsoft : divergence sur le calendrier
des procédures d'appel
Apple : coup d'oeil dans le rétroviseur
Le Web a dix ans, son inventeur dénonce la censure
Politique réseau : certains canulars ont la vie dure
Mosel Vitelic : retard de l'annonce, dispense à la Loi 101
En bref...
Beau détour

 Carnivore : on laisse l'EPIC sur sa faim
On se souviendra que l'Electronic Privacy Information Center (EPIC) avait obtenu, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, que la police fédérale américaine (FBI) divulgue toute l'information dont elle dispose sur le système de surveillance du courrier électronique Carnivore. Le FBI s'était objecté à fournir ces renseignements, mais l'EPIC avait porté sa demande devant un juge et ce dernier avait enjoint le FBI à dévoiler ces documents.

Voilà que le FBI a commencé à livrer la marchandise, mais non à l'entière satisfaction de l'EPIC. La semaine dernière, le FBI faisait parvenir à l'organisme un premier lot de documents, 565 pages des 3 000 que la police fédérale dit détenir sur Carnivore. Peu concluant : 200 de ces pages ont fait l'objet d'une exemption de divulgation, et le reste des documents contiennent des passages entièrement biffés.

On apprend cependant que le système a vu le jour en février 1997 sous le nom «Omnivore» et était exploité sous plate-forme Solaris X86. En juin 1999, on change le nom pour «Carnivore» et on passe sous Windows NT4. Pour le reste, dont le code source du logiciel de surveillance, le FBI refuse de dévoiler quoi que ce soit.

Par voie de communiqué, Marc Rotenberg, directeur exécutif de l'EPIC, a réitéré l'intention de l'organisme d'obtenir l'ensemble des documents relatifs à Carnivore : «Nous ne remettons nullement en cause le besoin d'assurer la sécurité du public et de poursuivre les contrevenants sur le réseau. Mais le recours à des méthodes d'enquête qui contrôlent les échanges sur Internet et interceptent les communications privées d'utilisateurs honnêtes soulèvent d'importantes questions relatives au respect de la vie privée, et doivent faire l'objet d'un examen public.» Selon le calendrier convenu, le FBI devrait livrer à l'EPIC, d'ici cinq semaines, un autre lot de documents «épurés» sur le système Carnivore.

Et concernant l'examen de Carnivore par un collège d'experts pour en déterminer le risque pour la vie privée des citoyens, la controverse se poursuit. Le choix du Illinois Institute of Technology's Research Institute (IITRI) ne fait pas l'unanimité, plusieurs observateurs reprochant aux membres du comité d'experts des liens trop étroits avec les instances gouvernementales, liens qui compromettraient l'indépendance et l'objectivité de l'examen. Rappelons que l'échéance de la remise du rapport préliminaire d'examen est fixée pour la fin de novembre, et celle du rapport définitif pour le début de décembre.

Et toujours dans le dossier Carnivore, dans Libération, une entrevue avec Wayne Madsen, ancien agent des services secrets américains, converti aux valeurs citoyennes d'Internet et qui connaît bien le système Carnivore. «Ce dispositif est capable de copier tous les paquets de données échangés par les abonnés : contenu des e-mails, adresses web visitées, etc. En pratique, pour "cibler" un individu, Carnivore utilise des filtres prédéfinis en fonction de la nature de l'écoute, que la police obtient après avoir reçu un mandat officiel d'un juge ou d'un procureur, selon les types d'écoute.»

Est-il possible pour le FBI de contourner cette obligation légale? «Bien sûr, et le FBI lui-même a dû le reconnaître [...] Officiellement, le FBI affirme qu'il ne capture que l'adresse de l'expéditeur et du destinataire. Mais il nous prend pour des naïfs : avec les systèmes webmail de type Hotmail (courrier électronique hébergé sur des sites web, ndlr), par exemple, vous pouvez aussi récolter le sujet du message et surtout son contenu... Ils ont donc abusé de leur autorité en utilisant un type de mandat non approprié au regard des données interceptées. Le Congrès et la Maison Blanche n'ont pas du tout apprécié.»

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 Microsoft : divergence sur le calendrier
des procédures d'appel

Microsoft proposait un calendrier de procédures d'appel étalé sur cinq mois, plus une période de vingt jours permettant de soumettre des annexes, avant le début des plaidoiries orales. Trop long, selon le DoJ, qui voudrait que la date limite pour le dépôt de brefs soit fixée au 22 décembre prochain. De plus, le DoJ refuse la proposition de Microsoft sur la longueur des documents soumis, qui est de 56 000 mots, quatre fois plus que la longueur des brefs habituellement soumis.

Dans sa réponse aux suggestions de calendrier de procédures, présentée deux jours avant le délai fixé, les procureurs du DoJ écrivent : «Il n'y a aucune justification pour appuyer cette requête extraordinaire. Il s'agit d'un appel, il ne s'agit pas de reprendre tout le procès. Malgré les tentatives de Microsoft de conférer à cette cause un caractère exceptionnellement complexe, un examen de l'annexe contenant les principales questions de droit qu'elle entend soulever illustre bien qu'elles ne diffèrent nullement dans leur portée ou leur complexité de toute autre cause anti-trust.»

Entre temps, les attorney generals des 18 États et celui du District de Columbia qui ont fait front commun avec le DoJ pour combattre le monopole de Microsoft disent que quel que soit le résultat de l'élection présidentielle de novembre, ils continueront de réclamer le fractionnement de la société. On sait qu'une nouvelle administration ayant George «Dubya» Bush à sa tête pourrait être tentée de laisser tomber la poursuite anti-trust intentée contre Microsoft, et d'instruire le DoJ de chercher un compromis à l'amiable.

Richard Blumenthal, attorney general du Connecticut, a déclaré à l'agence Associated Press que quoi qu'il arrive, «Les États sont engagés à mener l'affaire jusqu'au bout.» Même son de cloche pour l'attorney general de l'Iowa, Thomas Miller, qui affirme que les États sont solidaires dans cette poursuite et ont un statut de plaignants qui les autorise à maintenir leur action.

Pour William Kovacic, spécialiste en droit anti-trust de l'Université George Washington, il n'est jamais arrivé qu'une nouvelle administration abandonne une cause héritée d'une administration précédente, surtout une cause de l'ampleur de celle de Microsoft. Il reconnaît toutefois que George Bush serait enclin à envisager un règlement hors cour.

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 Apple : coup d'oeil dans le rétroviseur
Nous vous parlions la semaine dernière de la période trouble que traverse la société Apple, tout comme d'autres fabricants d'ordinateurs, précisons-le. L'annonce surprise de ventes inférieures aux prévisions a été sévèrement sanctionnée par les marchés, et la valeur de l'action Apple a baissé de moitié. Dur coup pour les investisseurs, remise en question pour la direction qui assure toutefois ne pas envisager de mises à pied.

Les analystes de OneChannel.Net ont cependant offert une explication à ceux et celles qui n'avaient pas vu venir le coup, une explication basée sur les chiffres de vente en ligne d'ordinateurs Apple qui ne tient cependant pas compte des chiffres de vente du site marchand de Apple, le AppleStore. D'après Lisa Stapleton et Tim Haight de OneChannel.Net, les ventes de systèmes Apple par des détaillants en ligne auraient connu un sommet en avril, puis un autre pic en mai. L'effet cumulé de ces périodes fastes aurait eu une incidence sur les chiffres du deuxième trimestre se terminant le 30 juin et pour lequel on rapportait une hausse de 2,5 % sur le trimestre précédent. Cependant, selon les analystes, la période de mévente s'est amorcée en juin, et se serait maintenue tout au long de l'été.

Cette rapide dégringolade des ventes échappait à l'analyse financière trimestrielle, mais la cueillette d'informations hebdomadaires sur les chiffres de ventes en ligne aurait pu servir d'avertissement selon OneChannel.Net.

OneChannel.Net base l'analyse sur les données de son service ChannelMetrics, et on peut supposer que ce genre de rapport sert bien des objectifs commerciaux, soit faire la promotion de son service de veille commerciale. On ne peut toutefois nier que dans des conditions de marchés si volatiles, il faille tenir compte des moindres indices offerts par les données ponctuelles.

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 Le Web a dix ans, son inventeur dénonce la censure
C'est en 1990 que Tim Berners-Lee, alors employé au CERN, écrivait le premier logiciel destiné à écrire et consulter des pages Web. On connaît la suite. Des milliards de pages Web sur des centaines millions de sites, du meilleur au pire en passant par des médianes douteuses.

Dimanche dernier, le journal britannique The Guardian publiait des extraits d'une entrevue exclusive avec l'inventeur du Web dans laquelle ce dernier rejette avec force toute idée de réglementation ou de censure. «La réglementation est une censure. C'est un adulte qui dit à un autre adulte ce qu'il a le droit ou non de voir. Pour moi cette idée est horrible. L'universalité est la clé; vous devez pouvoir représenter n'importe quoi sur le Web.»

Berners-Lee ne prône pas la décriminalisation de ce qui est illégal, comme la pornographie juvénile. En revanche, il reconnaît que les normes acceptables varient d'un pays à l'autre, qu'un grand nombre de cultures cohabitent sur la planète et qu'elles sont en perpétuelle évolution. «Ce qu'un type du Tennessee peut penser de ce qui est acceptable en matière de nudité peut être très différent de ce qu'en pense un type en Finlande.»

Plutôt que d'imposer une réglementation, il estime que c'est aux parents d'effectuer un rattrapage technologique par rapport à la nouvelle génération et d'enseigner aux jeunes comment utiliser le Web en toute sécurité et reconnaître les écueils à éviter.

Et l'avenir du Web? «Un Web sémantique... un nouveau réseau plus puissant, plus interactif qui permettra vraiment au commerce électronique et aux autres activités en ligne de décoller. Mais je ne veux pas en dire plus, sinon tout le monde va venir sauter dedans à pieds joints et tout gâcher...».

Un sens de déjà vu? À suivre.

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 Politique réseau : certains canulars ont la vie dure
«C'est là un exemple de la cupidité du gouvernement qui tente de s'approprier l'argent des contribuables auquel, en toute franchise, il n'a pas droit. Il faut nous assurer que le gouvernement n'exerce pas de mainmise sur Internet.»

C'est Rick Lazio, candidat républicain au Sénat pour l'État de New York, qui s'exprimait ainsi lors d'un débat l'opposant à Hillary Clinton, candidate démocrate au Sénat pour le même État. Plus posée, Madame Clinton a pour sa part a déclaré : «Je n'appuierais pas un tel projet de loi qui ne me semble pas justifié et lourd sur le plan bureaucratique.»

La question? Elle a été posée par courrier électronique au modérateur du débat, qui acceptait les questions du public en direct et les retransmettait aux deux candidats. La question visait à connaître la position des deux candidats à l'égard du «projet de loi fédéral 602-P» qui imposerait une taxe de 0,05 $ sur chaque courrier électronique expédié.

Et voilà, le canular refaisait surface. Comme nous l'expliquions l'an dernier, il n'y a aucune vérité dans cette information qui ne résiste pas aux vérifications de base (nomenclature des projets de loi, parrains présumés, etc.).

On le sait, canulars et légendes urbaines ont la vie dure sur Internet. Ce dernier incident, avouons-le cocasse, nous en fait la preuve. Ce qui est moins drôle, c'est que des candidats qui éventuellement devront se pencher sur de véritables projets de loi ayant une incidence sur Internet connaissent si mal le sujet. Ce qui est encore moins drôle, c'est qu'en toute méconnaissance de cause, ces politiciens se prononcent avec force et véhémence sur un canular.

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 Mosel Vitelic : retard de l'annonce, dispense à la Loi 101
Le projet d'implantation d'une usine de semi-conducteurs au Québec (voir notre chronique du 12 septembre) continue de susciter des commentaires. Cette fois, dans la perspective du déclenchement probable d'une élection générale, la Presse canadienne rapporte qu'un député du Bloc québécois (opposition) a pressé le ministre fédéral de l'Industrie de préciser les modalités d'appui de son gouvernement au projet. Le ministre, John Manley, a répondu que les négociations entre ses fonctionnaires et les dirigeants de Mosel Vitelic se poursuivaient et qu'il n'avait encore rien à annoncer.

Estimé à trois milliards de dollars, le projet a déjà l'appui du gouvernement provincial par l'entremise de la Société générale de financement (SGF) qui investirait 500 millions de dollars dans Mosel Vitelic. L'entreprise bénéficierait également d'un congé fiscal provincial allant jusqu'à 1,7 milliard sur 10 ans. L'éventuelle participation du gouvernement fédéral se chiffrerait à 500 millions de dollars, et le Bloc québécois craint que le gouvernement ne retarde l'annonce d'une décision dans ce dossier pour se faire du capital politique pendant la prochaine campagne électorale.

Plus tôt, la semaine dernière, deux institutions financières concurrentes, le Mouvement Desjardins et la Banque Nationale, faisaient voix commune pour se prononcer en faveur du projet de Mosel Vitelic qu'ils qualifient d'importance stratégique pour le Québec.

Puis, un quotidien anglophone de Montréal s'est réjoui de la grande souplesse dont faisait preuve l'Office de la langue française (OLF) à l'égard de Mosel Vitelic, comme c'est le cas avec nombre de grandes entreprises. Selon le Montreal Gazette, l'usine projetée sera dispensée de certaines dispositions de la Loi 101 et de la Charte de la langue française dont celles de l'article 144 de la Charte. L'article prévoit que «L'application des programmes de francisation à l'intérieur des sièges sociaux et des centres de recherche peut faire l'objet d'ententes particulières avec l'Office afin de permettre l'utilisation d'une autre langue que le français comme langue de fonctionnement.»

Pour Gérald Paquette de l'OLF, cité par The Gazette, cela ne signifie pas que le personnel doive travailler physiquement dans un siège social ou un centre de recherche pour que l'entreprise jouisse d'une dispense, mais que dans le cadre de son travail il entretienne des contacts avec ces établissements, «Ce n'est pas l'immeuble, c'est l'emploi.»

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 En bref...
D'après le Ottawa Citizen, la Gendarmerie royale du Canada aurait présenté une demande de crédits de l'ordre de 600 000 $ pour établir un centre de coordination de la lutte à la cybercriminalité. C'est en vertu de la Loi sur l'accès à l'information que le recherchiste Ken Rubin aurait obtenu les détails de cette demande. Le centre serait doté d'un effectif de quatre ou cinq agents dont le travail consisterait à recueillir des plaintes, les acheminer aux autorités compétentes ou aux fournisseurs d'accès, ou encore à intervenir directement auprès des personnes responsables. Selon la GRC, le travail du centre permettrait de déterminer si une plainte constitue un cas isolé ou si elle s'inscrit dans un cadre de criminalité plus étendu. Qualifiant d'explosive la cybercriminalité à incidence financière (commerce électronique, courtage en ligne), la demande précise que le centre pourrait fournir des données sur le type et la fréquence d'actes criminels, établir des tendances, élaborer des méthodes de prévention et d'enquête, et échanger des informations avec d'autres corps policiers.

Aux États-Unis, la Commission fédérale du Commerce (Federal Trade Commission - FTC) a porté des accusations de fraude contre une société irlandaise, Verity International Ltd., dont les agissements auraient fait plus de 100 000 victimes. Verity promettait à ses clients l'accès à du matériel pornographique à partir d'un serveur situé sur l'Île de Madagascar moyennant des frais de 3,99 $ US la minute. En fait, le point de chute de la connexion était un serveur situé en Europe, l'appel n'aurait dû coûter que quelques sous et Verity empochait la différence. Comme tel, le matériel pornographique n'était pas illégal, mais c'est à la fausse représentation que la FTC s'est attaquée. Selon la FTC, au cours d'une seule semaine en septembre, quelque 67 000 foyers américains ont reçu des factures de Verity par l'entremise de la société Integretel chargée de la facturation; ces factures en moyenne s'élevaient à 222 $, certaines atteignant 4 000 $.

La Commission sur l'application de la Children Online Protection Act (COPA), chargée en octobre 1998 de recommander des méthodes techniques pour réduire l'accès à du matériel offensant en ligne par des personnes d'âge mineur, se prépare à déposer son rapport devant les législateurs américains. La Commission ne suggérera pas une voie interventionniste trop dure au législateur, préférant opter pour une plus grande sensibilisation du public et des parents. Toutefois la Commission entend proposer de rendre illégales certaines pratiques largement utilisées par les exploitants de certains sites XXX. Au nombre de ces pratiques, les réclames trompeuses sur le contenu véritable d'un site, l'utilisation de mots clés dans les balises META des pages, qui favorisent un bon classement dans les résultats de moteurs de recherche mais qui n'ont aucun rapport avec le contenu d'un site, et l'utilisation de javascripts du type «piège à souris» qui font en sorte qu'une fois dans un site il s'avert impossible d'en sortir à moins de fermer complètement son système. L'application de ces mesures serait confiée à la Commission fédérale sur le Commerce. Le rapport, qui sera déposé ce mois-ci devant le Congrès américain, est le fruit d'une vaste consultation de tous les milieux concernés et recueille même l'aval de l'industrie du XXX en ligne, des défenseurs de la liberté d'expression et des critiques de la porno en ligne.

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 Beau détour
Cette semaine, le portfolio en ligne de Cassegrain Photographe, Paysage et architecture.

Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et toutes une excellente semaine.

Écrire à Jean-Pierre Cloutier


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