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Page daccueil Les Chroniques de Cybérie
Le mardi 19 juin 2001

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

  «J'Accuse» accuse, l'AFA réplique
Une autre affaire de censure remoue l'Internet français.  Cette fois, l'association «J'accuse -!… action internationale pour la justice» (AIPJ) exige que treize fournisseurs d'accès français prennent «respectivement toutes les mesures de nature à rendre impossible toute consultation à partir du territoire français et/ou par leurs abonnés situés sur ce territoire du site www.front14.org ainsi que des sites “utilisateurs” qui s'y trouvent hébergés et/ou présentés».  Dans son document d'assignation déposé devant le Tribunal de grande instance de Paris, l'organisme accuse le site Web «de regrouper ou d'abriter, en tant que tels, plusieurs centaines de sites suprémacistes xénophobes parmi les plus violents [...] et de leur offrir un large éventail de services en ligne parfaitement calibrés et ciblés, allant du courrier électronique à l'hébergement en passant par le référencement, la publicité et l'animation de site.»

L'AIPJ a été créée en mars dernier et a pour but, selon ses statuts de «combattre le racisme, l'antisémitisme et négationnisme sous toutes ses formes, et pour objet de lutter contre leur diffusion par tout moyen de communication au public, et en particulier par voie de télécommunication sur le réseau Internet.» Vaste programme, comme aurait dit un certain général, mais les cadres de l'association ont une certaine expérience de la chose.  Le président de l'AIPJ est Marc Knobel, membre de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), et a pour avocat Stéphane Lilti, également avocat de l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), deux organismes mieux connus pour leur initiation de l'affaire Yahoo! (voir plus bas).

Mais voilà : le site Front14.org est hébergé aux États-Unis et, dans l'état actuel de la jurisprudence, échappe donc aux lois françaises, d'où la demande auprès des fournisseurs d'accès de censurer l'accès au site depuis le territoire français.

L'Association des fournisseurs d'accès et de services Internet - AFA (aussi mise en cause dans l'assignation de l'AIPJ) refuse d'endosser le blocage de l'accès au site Front14.org.  Dans un communiqué émis le 12 juin dernier, l'AFA rappelle que «de fait, le fournisseur d'accès peut se comparer au gestionnaire d'une autoroute : il assure le bon fonctionnement de son infrastructure au plan technique, mais son pouvoir d'intervention sur ses utilisateurs est limité à la fourniture d'un service conforme [...] Les fournisseurs d'accès ont un rôle certes important, mais ce n'est pas celui de contrôler ni de limiter de leur propre chef les allées et venues sur Internet de tous les citoyens ni les informations qu'ils échangent.  Ce rôle de contrôle appartient aux seuls pouvoirs publics.» Le quotidien Libération dresse le compte-rendu d'une conférence de presse houleuse de l'AIPJ, le 13 juin dernier, au cours de laquelle Jean-Christophe Le Toquin, délégué permanent de l'AFA est venu exprimer le point de vue des membres de l'Association.  Disant qu'il partageait la révolte de l'AIJP par rapport au site Front14.org, il a répété que le rôle des intermédiaires techniques n'était pas de jouer à la police du réseau.  Les membres de l'AIJP se seraient donné huit jours pour réévaluer la pertinence de leur action juridique.

Le nom de domaine Front14.org est enregistré au nom de John Gill de Eagle River (Arkansas).  Il s'agit d'un service d'hébergement spécialisé offrant une vaste gamme de produits destinés aux webmestres qui souhaitent monter un site à caractère rasciste ou suprémaciste.  Au 18 juin, on comptait 335 sites (dont quelques-uns en français).  Mais Gill déclare n'accepter aucune nouvelle demande d'inscription depuis le 22 février de cette année, date à laquelle il attendait une douzaine de clients additionnels pour bonifier son offre de services.  Faudrait-il en déduire qu'il n'a pu attirer, depuis cinq mois, cette douzaine de clients additionnels?

En complément de lecture, sur le minirezo, «Une association vertueuse pour la promotion de l'aveuglement moraliste» et aussi «Petit historique des procès antifachos : Discernement, calme et dignité».

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  Affaire Yahoo! : un tribunal américain affirme sa compétence
Suite au jugement prononcé contre la société Yahoo! Inc.  obligeant cette dernière à bloquer les accès à son site en provenance du territoire français, Yahoo! avait demandé à un tribunal californien de se prononcer sur l'applicabilité du jugement français sur le territoire américain.

Dans une décision circonstanciée de quinze pages (disponible en format PDF sur le site du Center for Democracy and Technology), rendue publique le 7 juin dernier, le juge de district de Californie Jeremy Fogel estime qu'un tribunal des Éats-Unis a toute la compétence pour déterminer si, oui ou non, le jugement d'un tribunal étranger est applicable aux États-Unis.

Le juge Fogel cite entre autres le «caractère raisonnable» (reasonableness) en vertu duquel il estime que le tribunal a compétence.  Il estime que les intimés (LICRA/UEJF) ont sciemment accédé au site de Yahoo! hébergé sur des serveurs aux États-Unis, fait parvenir une mise en demeure par courrier électronique au siège social situé à Santa Clara (Californie), eu recours à des agents/huissiers américains pour signifier des sommations, et ont cherché à obtenir, et obtenu, un jugement exigeant la reconfiguration de serveurs situés en territoire américain (dont certains en Californie).

Mis en cause par Yahoo! devant le tribunal californien, la LICRA et l'UEJF ont tenté de faire valoir que la défense dans ce litige leur imposait un fardeau financier indu.  Le juge Fogel ne retient pas l'argument et affirme que les intimés n'en ont nullement fait la preuve.  Il reconnaît que pour deux organismes sans but lucratif exerçant leurs activités en France, les coûts d'un procès entendu aux États-Unis ne sont pas négligeables.  Toutefois, il ne juge pas qu'ils sont déraisonnables et portent atteinte aux droits constitutionnels des intimés.  Fogel souligne qu'ils peuvent conférer avec leur procureur par téléphone, utiliser la télécopie et le courrier électronique.  Comme la cause portera en grande partie sur des points de droit, il ne sera pas nécessaire de faire comparaître une foule de témoins.  Fogel rappelle également que les lois californiennes permettent de témoigner par téléphone, ce qui économise aux intimés les frais de déplacement et de séjour.

Arrive l'épineuse question de la souveraineté d'un État étranger pour laquelle nous citerons la décision dans le texte : «La cause devant nous a pour seul objet de déterminer si ce tribunal devrait reconnaître, et faire appliquer, l'ordonnance d'un tribunal français qui exige que Yahoo! censure les services qu'il offre depuis les États-Unis, et ce afin de se conformer au droit pénal français.  Bien que ce tribunal accorde respect et déférence à l'intérêt souverain de la France de faire respecter les jugements de ses tribunaux, cet intérêt doit être apprécié en fonction de l'intérêt propre des États-Unis à protéger les droits et garanties constitutionnelles de ses propres citoyens.»

Le juge Jeremy Kobel a donc donné vingt jours aux intimés pour répondre.  Nous avons tenté, mais sans succès, d'obtenir les réactions des responsables de la LICRA et de l'UEJF.

Le procureur des deux organismes, Ronald S. Katz, a signifié au service Newsbytes/Washington Post son intention d'en appeler de la décision du juge Fogel.  Pour Scott Morris, porte-parole de Yahoo!, quelle que soit l'issue, il s'agira d'une décision historique sur la question de juridiction sur Internet.

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  Consolidation de l'offre, plafonnement de la demande
Selon le cabinet de cybermétrie Jupiter Media Metrix (JMM), on assisterait à une vaste consolidation de l'offre de contenus en ligne.  Si en mars 1999, les sites Web de 110 entreprises s'accaparaient 60 % du temps passé en ligne par les utilisateurs, deux ans plus tard, on ne compte plus que 14 de ces pôles d'attraction.  Si on examine le groupe de sites Web qui monopolisent 50 % du temps de consultation, le nombre de pôles est passé de 11 à 4 entreprises, soit : AOL Time Warner (32 %), l'ensemble des sites Microsoft (7,5 %), Yahoo! (7,2 %) et Napster (3,6 %). 

Les analystes de JMM citent trois facteurs ayant contribué à cette consolidation.  La vague de fusions et acquisitions aurait réduit le nombre de joueurs, comme AOL et Time Warner qui, auparavant, étaient considérés comme deux entités et qui maintenant n'en font plus qu'une.  Les entreprises de médias traditionnels ont considérablement bonifié leurs contenus Internet et massivement investi dans le médium, surclassant en quantité et en qualité les contenus des entreprises «pur Web».  Enfin, les économies d'échelle réalisées par les grands diffuseurs leur ont permis de survivre à l'effondrement boursier qui a emporté nombre de concurrents.

Le maillage de sites, d'une même entreprise ou avec des sites partenaires, constituerait selon JMM un autre facteur majeur qui creuse l'écart entre les indépendants et les grands groupes.  Au début, tout était affaire d'infrastructure, mais le marketing et la publicité, en ligne et hors ligne, pèsent lourd dans les chances de réussite.

Chez Nielsen//NetRatings, les statistiques de mai révèlent une très faible hausse de l'utilisation.  D'avril à mai, la moyenne des séances d'utilisation mensuelles est passée de 31 à 32 (+3,2 %), celle du nombre de sites consultés de 20 à 21 (+5 %).  Le cumul du temps mensuel, la durée des séances d'utilisation, ainsi que la moyenne du temps consacré à chaque page sont demeurés presque inchangés.

Parallèlement, la firme de sondages Ipsos/Reid estime qu'environ le tiers des personnes en mesure d'utiliser le réseau boudent toujours le branchement.  Les résultats d'une enquête menée dans une trentaine de pays indiquent que 40 % des non branchés vivant dans des pays industrialisés n'en voient tout simplement pas l'utilité.  Le tiers des répondants ne possèdent pas d'ordinateur, 25 % ne sont pas intéressés par le réseau, 16 % disent ne pas savoir l'utiliser, 12 % citent des facteurs de coûts, et 10 % affirment ne pas avoir le temps nécessaire.  La ventilation par pays des statistiques d'utilisation (format PDF) de 1999 à 2000 est fort révélatrice.  Croissance zéro aux États-Unis où le taux d'utilisation (30 derniers jours) est tout de même de 59 %, ainsi qu'au Japon (taux d'utilisation de 33 %).  Augmentation du taux d'utilisation de 56 à 60 % au Canada, de 45 à 51 % en Suisse, de 53 à 65 % en Suède, de 40 à 57 % aux Pays-Bas, de 28 à 36 % en Belgique, de 22 à 30 % en France.

Dans les pays aux infrastructures moins développées, les installations inadéquates et le coût du matériel et du branchement sont les facteurs le plus souvent évoqués.  Néanmoins, en Inde (zones urbaines), de 1999 à 2000, le taux de branchement est passé de 5 % à 9 %, soit presque le double. 

Ipsos/Reid prévoit qu'à terme, dans les pays industrialisés, le branchement rejoindra la majorité des habitants, tout comme le téléphone, mais les années de croissance exponentielle du taux de branchement sont bel et bien terminées.  Dans le cas de certains pays moins développés, les structures d'accès public (maisons d'enseignement, bibliothèques, bornes publiques, cybercafés) joueront un rôle crucial dans le déploiement du réseau.  L'étude laisse entrevoir quelques marchés qui devraient connaître une hausse sensible du taux de branchement, comme la Corée du Sud, et les zones métropolitaines de la Malaisie, de l'Inde, du Mexique et de l'Afrique du Sud.

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  Bon voisinage, mauvais recyclage
Les relations de bon voisinage entre les partenaires de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) ont parfois leurs travers.  On apprenait hier certains détails du libre échange de déchets dangereux entre le Canada et son voisin du Sud.  Par exemple, en 1999, le Canada exportait environ 260 000 tonnes de déchets dangereux vers les États-Unis et recevait en contrepartie plus de 650 000 tonnes.  Le Québec recevait environ 330 000 tonnes de ces importations douteuses.  On lisait dans Le Devoir que selon le sous-ministre adjoint aux Milieux industriels du ministère québécois de l'Environnement, Robert Lemieux, on retrouve dans ces déchets des «milliers de tonnes de matériel informatique, de vieux ordinateurs et restants de production envoyés par train à la raffinerie Noranda directement de la Silicon Valley, en Californie.  Les écrans, dit-il, sont classés déchets dangereux parce que le verre contient du plomb.  On retrouve par ailleurs toutes sortes de métaux lourds dans les “chips” qui sont, ici, récupérés à la sortie des fondoirs de la Noranda.»

Ce qui nous amène à parler (de nouveau) de la place qu'occupe le matériel informatique désuet dans le volume de rebuts sans cesse croissant dans nos sociétés, et du peu de cas que l'on fait des techniques de recyclage.

Aujourd'hui, 19 juin, trois organismes californiens publieront un rapport détaillé sur les rebuts électroniques (electronic waste, e-waste) et les matières toxiques qu'ils contiennent.  La Silicon Valley Toxics Coalition et les groupes Californians Against Waste et Materials for the Future estiment qu'en Californie seulement, il en coûtera près d'un milliard de dollars aux contribuables pour gérer les rebuts électroniques générés par les particuliers et entreprises de cet État.

Aux États-Unis, les rebuts électroniques représenteraient entre 2 et 5 % du volume des sites d'enfouissement municipaux.  En Europe, où le problème serait aussi sérieux, des études révèlent que la croissance du volume des rebuts électroniques s'établirait entre 3 et 5 % par année, soit le triple de la croissance des autres catégories de déchets.  La désuétude rapide, conjuguée au faible prix de remplacement, implique un roulement du matériel accéléré, que l'on parle de téléphones mobiles, balladeurs, et autres objets personnels.  Mais le principal responsable, selon l'étude, est l'ordinateur et son écran.

Le cycle de vie utile des ordinateurs est maintenant d'environ 18 mois, alors qu'il était il y a seulement quelques années de plus de 48 mois.  Les Californiens achètent annuellement 2,2 millions d'ordinateurs, et la plupart des propriétaires d'ordi ont deux ou trois vieux systèmes en rangement à leur domicile.  Selon une étude du National Safety Council, en 1999, seulement 11 % des ordinateurs jugés désuets étaient recyclés, comparativement à 28 % du volume des autres catégories de rebuts municipaux.  En Californie, le taux de recyclage des ordinateurs s'établirait entre 5 et 15 %, comparativement à 42 % pour les autres catégories de rebuts, et à 70 % pour les gros appareils ménagers.

L'enfouissement de rebuts électroniques, ou encore leur incinération, pose un problème écologique de taille.  Par exemle, un écran cathodique contient, selon la taille et le modèle, entre quatre et huit livres de plomb dans le verre.  Les auteurs du rapport affirment que les rebuts électroniques représentent 40 % du plomb que l'on trouve dans les sites d'enfouissement, et 70 % des autres métaux lourds comme le mercure et le cadmium.  Au fil du temps, ces métaux sont libérés et peuvent facilement contaminer les sols et rejoindre la nappe phréatique, d'où le risque pour la santé des populations environnantes.

Si on s'entend sur l'importance (voire la nécessité) du recyclage, les modèles font moins consensus.  Les auteurs du rapport croient que la Californie devrait suivre l'exemple de l'Union européenne qui, en mai dernier, adoptait une directive responsabilisant les fabricants pour le recyclage de leurs produits. 

Les auteurs du rapport formulent d'autres recommandations.  Par exemple, les fabricants devraient réduire, et là où c'est possible éliminer, l'utilisation de produits dangereux dans leurs produits.  Ils devraient également mettre sur pied à leur frais une infrastructure efficace de collecte des produits désuets, sans que les consommateurs aient à débourser pour le recyclage de leurs produits.  Cette mesure aurait pour effet d'inciter les fabricants à reduire l'utilisation de matières dangereuse.  Là où des organismes locaux gèrent la collecte des rebuts dangereux, ils devraient pouvoir refiler aux fabricants les coûts de recyclage des rebuts éledctroniques.

Le rapport est dévoilé aujourd'hui, et il est donc encore trop tôt pour connaître la réaction des politiques et de l'industrie.  L'administration Bush, comme on l'a vu dans d'autres dossiers, tend à rendre la vie facile aux grandes entreprises et préfère une attitude de laisser-faire plutôt que de réglementer leurs activités.

Californie, Amérique du Nord, Europe, le problème est mondial.  Même dans les pays en voie de développement où des entreprises peu scrupuleuses, de connivence avec les responsables locaux, déversent des déchets dangereux à l'encontre des normes internationales.

Une chose est certaine, et reconnaisons tous notre part de responsabilité, nous sommes paresseux.  Proposons donc aux élus et aux fabricants le marché suivant : s'ils mettent en place des structures de collecte des ordinateurs et autres appareils techniques désuets, et s'ils nous informent adéquatement des modalités, nous secouerons notre apathie et participerons aux efforts de recyclage.

Ce serait quand même plus sain, comme attitude, que de laisser les cambrioleurs nous soulager du matériel désuet...

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  Les «IMC» : affrontements à Göteborg...
Le réseau des Independent Media Center (IMC) fait encore parler de lui.  Il y a quelques jours, à Göteborg, alors que se tenait une réunion des pays membres de l'Union européenne à laquelle le président George Dubya Bush était invité, l'IMC de Suède a documenté les affrontements entre policiers et manifestants.  Des «tute bianche» (combinaisons blanches) issus de la faction européenne du mouvement Ya Basta et qui militent pour une «Europe sociale», aux traditionnels «Black Bloc» anti-mondialisation, les journalistes alternatifs en ont vu de toutes les couleurs. 

On a été plus à même de comprendre qui manifestait, et contre quoi on manifestait, car il n'y a pas nécessairement communauté de vues entre les divers groupes militants.  Et comme pour chaque contribution d'un correspondant s'ouvre un forum en ligne, article par article, sujet par sujet, la lecture d'autres points de vues est également éclairante.

Agenda militant chargé : à surveiller au cours des prochaines semaines, la contre-conférence anti Banque mondiale à Barcelone du 22 au 25 juin; du 24 au 27 juin, à San Diego, la conférence Bio 2001 qui réunira les chefs des transnationales des industries pharmaceutiques et biologiques; la rencontre du Forum économique mondial à Salzbourg du 1er au 3 juillet; le Sommet sur les questions climatiques à Bonn du 16 au 27 juillet; puis le Sommet des pays membres du G-8 à Gênes du 20 au 22 juillet.  Un été chaud qui se prépare sur le Web, et pour les collectifs sanitaires Black Cross...

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  ...  Le FBI fait marche arrière à Seattle
Nous vous parlions en mai dernier de la perquisition des bureaux du collectif Independent Media Center de Seattle par la police fédérale américaine, le FBI.  Les agents, munis d'un mandat, exigeaient que les responsables leur remettent le fichier journal du serveur de leur site Web contenant tous les détails des connexions des dernières 48 heures. 

On était alors en plein Sommet des Amériques à Québec et certains documents, présumément dérobés d'un véhicule de police et faisant état des plans de déploiement des forces de sécurité, avaient été diffusés sur le site de l'IMC de Seattle.  Le FBI prétendait que l'itinéraire des déplacements du président étasunien (nom de code POTUS) avait également été diffusé sur le site Web par un correspondant anonyme et on voulait établir son identité à l'aide du fichier journal des accès au serveur.

Le mandat émis aux agents contenait une interdiction, pour l'IMC, de rendre publique la perquisition et tout détail s'y rapportant.  Sept jours plus tard, la juge qui avait signé le mandat de perquisition levait la consigne de silence imposée à l'IMC de Seattle sur l'affaire.  L'Electronic Frontier Foundation (EFF) et le Electronic Privacy Information Center s'étaient joints à l'IMC de Seattle pour protester contre ce qu'ils qualifiaient d'«expédition de pêche» et de tentative d'intimidation menée contre un organe de presse, et surtout l'interdiction de publication sur la perquisition. 

L'IMC de Seattle avait refusé de livrer le fichier journal des accès à son site voulant ainsi protéger l'identité de ses correspondants et lecteurs; il s'attendait à ce que le FBI s'adresse à un tribunal pour le contraindre à le livrer.  Cependant, mercredi dernier, le FBI annonçait qu'il renonçait à obtenir les fichiers en question, et ce bien qu'il se soit écoulé des semaines depuis l'arrestation des présumés coupables du vol des documents à Québec.

L'IMC de Seattle s'est dit satisfait de la tournure des événements, mais ne renonce pas lui-même à intenter des poursuites contre la police fédérale pour ce qu'elle qualifie d'«expédition de pêche» destinée à intimider les médias alternatifs.  Le porte-parole de l'organisme a déclaré que, à tout le moins, l'IMC et le public ont droit à des explications.

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  ...Des médias encore trop «alternatifs»?
Le réseau des Independent Media Center a vu le jour en novembre 1999 à Seattle, à l'occasion de la désormais célèbre réunion de l'Organisation mondiale du commerce.  L'IMC de Seattle s'inspirait d'une expérience de couverture alternative menée le 18 juin 1999, lors de la réunion des pays du G-8 à Londres.  Avec environ 100 000 $ en argent et matériel offerts gracieusement, un groupe d'acteurs des médias alternatifs avait décidé de faire contrepoids à ce qu'ils appellent les «médias corporatifs» qui ne rapportent toujours qu'un seul côté d'un événement, celui des gouvernements et des entreprises.  Rapidement, le modèle s'est imposé et on a vu naître, au fil de la tenue de grands événements de concertation mondiale, près d'une quarantaine d'IMC locaux à travers le monde.

La formule est simple et varie en ampleur selon les moyens : on installe un centre de coordination, point de rassemblement des journalistes dits «alternatifs», et on met à leur disposition du matériel et des installations techniques.  Les journalistes peuvent diffuser sur Internet, depuis l'IMC local, textes, enregistrements sonores, photos et bandes vidéo.  À l'intention de qui? D'abord les millions d'utilisateurs du réseau qui adoptent graduellement les médias alternatifs.  Puis les entreprises de médias communautaires (radios, télévision, imprimés) pour qui le travail de l'IMC offre une source de contenus.  Souvent ponctuels, certains IMC poursuivent leurs activités après l'événement qui a suscité leur création et se transforment en agence de presse.  Lors du Sommet de Québec en avril, le Centre des médias alternatifs du Québec (CMAQ 2001) a servi, malgré les assauts policiers, de point de rassemblement à 520 journalistes alternatifs.

Fin mai, l'heure était au bilan pour tout le monde, y compris pour la section locale de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) qui tenait une assemblée publique portant sur la couverture réalisée par les médias lors du Sommet.  Véronica Rioux du CMAQ y était et nous propose un texte fort intéressant, «Des médias encore trop “alternatifs”?», dans lequel elle parle d'un «sentiment plus ou moins important d'inconfort par rapport à une catégorie pourtant non négligeable du milieu journalistique, qui était évidemment aussi interpellée par l'assemblée [...] les médias alternatifs.»

Selon Madame Rioux, le CMAQ faisait partie du «maigre» 2 % de médias à qui on a refusé une accréditation, et ce d'après les statistiques du Bureau du Sommet.  Mais la méfiance envers les médias alternatifs ne s'arrête pas là selon elle : «l'inquiétude ou à tout le moins une forme d'inconfort par rapport aux médias alternatifs n'était pas seulement palpable chez le représentant officiel du Sommet.  Du côté des journalistes de grands médias aussi, on ne semble pas savoir tout à fait comment prendre ces “autres joueurs” de l'arène médiatique, qui n'ont pas encore acquis toutes leurs lettres de noblesse.»

De conclure la journaliste, «les questions persisteront, à moins que les représentants de toutes les formes de média parviennent à vider le débat sur ce qui doit constituer une information de qualité, rigoureuse, accessible, diversifiée [...] Tant le discours officiel qui cultive la suspicion la plus grande envers les médias alternatifs, que l'attitude de journalistes qui préfèrent ne pas savoir ce qui les touche, comme s'il s'agissait de tout sauf de confrères et consoeurs du métier, contribuent au contraire à donner l'impression que nous sommes encore loin de la maturité nécessaire à un tel dialogue.» Matière à réflexion.

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Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et toutes une excellente semaine.

Site personnel de Jean-Pierre Cloutier

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