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Page daccueil Les Chroniques de Cybérie
Le mardi 3 juillet 2001

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

  Napster : fermé pour cause d'inventaire
Dimanche soir, 1er juillet, le service d'échange de fichiers musicaux Napster a suspendu volontairement ses activités.  On explique, sur le site, qu'il s'agit d'une mise à jour des serveurs permettant d'installer et de valider les nouvelles techniques d'authentification des contenus devant éviter l'échange de fichiers musicaux protégés par les droits d'auteurs.  En outre, Napster a désactivé tous les logiciels de consultation en circulation, et invite les usagers à télécharger les nouvelles versions (2.0 beta 10.3 pour Windows ou 1.0 beta 2 pour Mac) en attendant la remise en service des bases de données et le service par abonnement payant.

Dans une FAQ sur l'interruption de service, Napster dit avoir reçu les titres de 800 000 pièces musicales que les compagnies de disques et d'édition musicales voulaient voir retirées de ses bases de données.  Devant l'immensité de la tâche, et ayant constaté des failles dans son système de filtrage, Napster a préféré suspendre ses activités temporairement et prendre le temps de mettre à l'essai la technologie qui pourra assurer le paiement de droits aux artistes dont les oeuvres sont échangées par l'entremise de son service.

On ne mentionne aucune date pour la reprise des activités outre «plus tard cet été».

À suivre.

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  Droit international privé : danger pour Internet
C'est du 6 au 22 juin dernier que se tenait une réunion importante de la Conférence de La Haye de droit international privé (CLHDIP), un organisme intergouvernemental visant à l'unification progressive des règles de droit international privé.  Les représentants des 52 États membres à cette conférence diplomatique y discutaient de compétence et jugements étrangers en matière civile et commerciale et des problèmes de droit international privé soulevés par les échanges de données informatisées.  Le sujet a une incidence directe sur Internet, le commerce électronique, la propriété intellectuelle, et l'application dans un pays de jugements relatifs à des «délits du Net» qui seraient prononcés dans un autre pays membre de la CLHDIP.

La CLHDIP n'est pas un organisme de création récente, issue d'une volonté de réglementer Internet ou de parer aux problèmes transfrontaliers qui émanent de l'utilisation du réseau.  Sa création remonte à 1893; dès 1902, elle adoptait des conventions pour régler entre les pays membres les conflits de lois en matière de mariage, de lois et de juridictions en matière de divorce et de séparations de corps, et de questions relatives à la tutelle des mineurs.  Par la suite, bon nombre des conventions adoptées portaient sur le commerce.

La Convention présentement à l'étude sur la compétence et les jugements étrangers en matière civile et commerciale vise à établir des règles en cas de poursuites transfrontalières entre parties privées, ce qui comprend les poursuites relatives aux brevets, à la propriété intellectuelle, aux cas de libelle et de diffamation.  Dans de tels cas, si la Convention est adoptée, les pays membres seraient tenus d'appliquer dans leurs pays les jugements prononcés dans d'autres pays membres (convention similaire à la Convention de Bruxelles signée par les pays de l'Union européenne).

Prenons pour exemple l'affaire Yahoo! où un juge français ordonne des sanctions contre une entreprise américaine.  Yahoo! a demandé à un tribunal californien de se prononcer sur l'applicabilité du jugement français sur le territoire américain, et le tribunal a estimé avoir compétence pour trancher le litige.  Or, si la Convention dont il est question à la CLHDIP était adoptée, Yahoo! ne disposerait pas d'un tel recours car la France et les États-Unis sont deux des États membres de la Conférence.  Allons plus loin : un citoyen canadien pourrait diffuser de l'information sur le Web, tout à fait légalement en vertu des lois canadiennes, mais se faire assigner par un ressortissant d'un autre pays membre.

Le problème est l'écart juridique qui sépare les pays membres, et le degré de liberté d'expression dont jouissent ou non leurs citoyens.  Ainsi, les citoyens du Canada, de la France, de la Belgique ou des États-Unis se retrouveraient, dans un étrange nivellement par le bas, sur le même pied que les citoyens de Bulgarie, de Chine, de la République de Corée, de Jordanie, du Maroc, du Pérou ou d'Uruguay (pour ne nommer que ceux-là).

Dans The Economist, on se préoccupe des effets que pourrait avoir l'adoption de cette Convention sur le commerce électronique.  Les cyberdétaillants devraient alors avoir recours au filtrage géographique (à la Gomez/Yahoo!) pour bloquer l'accès à leurs contenus aux citoyens de pays où ils risqueraient d'enfreindre la loi.  On mentionne aussi certains pays où les fournisseurs de services sont responsables des contenus qui transitent sur leurs infrastructures. 

L'opposition à l'adoption de la Convention n'est pas encore très structurée.  Elle rassemble des groupes de libraires, quelques cyberdétaillants, des groupes de consommateurs et des militants de la liberté d'expression.  Elle pourrait cependant prendre de l'ampleur au fur et à mesure qu'on décode le langage juridique hermétique des avant-projets, et qu'on en constate la portée réelle.  Pour Richard Stallman, président le la Fondation pour le logiciel libre, cité dans Internet News, «les gens ne se rendent pas compte de l'étendue du désastre qui pourrait en découler», affirmant que la Convention vise également à réglementer tous les logiciels, qu'ils soient commerciaux ou non.

Au Consumer Project on Technology (CPT), on s'inquiète des graves dangers que courent Internet et tout le système du domaine public.  Dans une analyse du déroulement de la séance de juin de la Conférence, le directeur du CPT, James Love, résume les enjeux : «La Convention, telle que proposée, diffère grandement de l'approche traditionnelle de la mondialisation.  Elle n'impose pas de réglementation subordonnée aux lois, les États sont libres d'adopter des lois qui leurs sont propres, différentes de celles des autres États, en matière de commerce.  La seule obligation faite aux États membres, en vertu de la Convention, est qu'ils respectent les règles sur la juridiction et acceptent d'appliquer des jugements étrangers.  Contrairement à l'approche retenue par l'OMPI (Ndlr.  Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) ou par l'OMC (Ndlr.  Organisation mondiale du commerce) qui tend à harmoniser les politiques de base, chaque pays est laissé libre de procéder comme il l'entend.  Ce que signifie la Convention, c'est l'application des lois de tous, sans égard à leur contenu [...] C'est un cadre juridique qui pouvait être acceptable dans une ère pré-Internet où les biens et services se prêtaient aisément à une interprétation de la juridiction basée sur une activité physique.  Le cadre se prête moins bien lorsqu'on l'applique à l'information diffusée sur Internet, et plus généralement aux questions de propriété intellectuelle.»

Les États-Unis et l'Australie se sont dits prêts à entamer des consultations auprès de la société civile sur le sujet, mais aucun des autres États membres n'a manifesté d'appui à cette suggestion.  Bien que la Chine, l'Égypte et plusieurs autres États membres s'adonnent à la répression de la dissidence et de la liberté d'expression, aucun des États membres de l'Union européenne n'a insisté pour que soient inclues au Traité des dispositions contenues dans la Convention européenne des droits de l'homme.

Concernant la propriété intellectuelle, certains groupes comme le CPT avaient pour objectif de soustraire la propriété intellectuelle aux dispositions de la Convention et avaient effectué des représentations auprès d'États membres.  En février 2001, le gouvernement des États-Unis avait menacé de ne pas donner son aval à la Convention si elle englobait toujours les questions de propriété intellectuelle.  Mais, de février à juin, et sous l'influence de Time AOL/Warner, de Disney, de la Motion Picture Association of America (MPA- association des producteurs et diffuseurs cinématographiques) et de la Recording Industry Association of America (RIAA - association de l'industrie du disque), la délégation américaine changeait sa position, de sorte que la propriété intellectuelle est réinscrite aux objets visés par le traité.  On remarquera cependant de quelle propriété intellectuelle il s'agit...

Passera, passera pas? La prochaine conférence diplomatique sur un traité régissant compétence et jugements étrangers en matière civile et commerciale se tiendra en 2002.  D'ici là, la société civile aura-t-elle le temps de mobiliser l'opinion publique et d'en bloquer l'adoption?

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  Microsoft : jugement rendu
Un jugement de 125 pages de la Cour d'appel (dont une vingtaine consacrées uniquement au comportement du juge Thomas Penfield Jackson), une conclusion en six lignes affirmant trois points de droit et qui se résume en peu de mots : Microsoft est en situation de monopole, mais le tribunal d'instance inférieure devra revoir les correctifs imposés.

Peu d'étonnement en Cybérie sur le contenu de cette décision, alors que nous écrivions la semaine dernière dans notre analyse de l'affaire : «Troisième scénario : la Cour d'appel accepte les conclusions du juge Jackson sur la situation de monopole dont jouit Microsoft, mais renvoie la cause devant la Cour de district pour qu'elle revoie les remèdes suggérés.»

Ce qui était inattendu, c'est le moment choisi pour rendre public le jugement, soit jeudi matin, avant l'heure de midi.  On prévoyait, par exemple, un vendredi après la fermeture des bourses; l'impact du jugement sur le titre Microsoft aura été atténué, jeudi dernier, par la suspension des transactions sur les actions MSFT durant près de deux heures.  En fin de séance, MSFT affichait un gain de 1,57 $ pour s'établir à 72,71 $.  Au cours des douze derniers mois, le titre MSFT a oscillé entre 40,25 $ et 82,87 $.

Toujours en marge de cette affaire, il importe de signaler l'efficacité de la Cour d'appel du District de Columbia dans la diffusion du jugement.  Les administrateurs de systèmes avaient mis à la disposition de la presse et du public un service d'avis par courrier électronique dès que le jugement interviendrait.  C'est ainsi qu'à 11 h 26, heure de Washington, l'avis et en pièce jointe le texte intégral du jugement (en format PDF) ont été expédiés à tous les inscrits.  L'astuce a donc permis à des dizaines de grands (et petits) médias et aux parties en cause (Microsoft, DoJ) d'offrir le jugement «en miroir» sur leurs propres sites, ce qui a évité l'engorgement des serveurs Web de la Cour d'appel.

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  Microsoft : ce que disent les juges
Ceci dit, examinons le contenu de ce jugement.  Les juges de la Cour d'appel donnent raison au juge Thomas Penfield Jackson en ce que Microsoft détient un monopole dans le secteur des systèmes d'exploitation, et qu'il a illégalement maintenu cette position de monopole par des pratiques anticoncurrentielles illégales en vertu de la loi des États-Unis.  Ils rejettent toutefois la conclusion de Jackson selon laquelle Microsoft a illégalement tenté d'imposer un monopole dans le secteur des logiciels fureteurs.

Cependant, les juges demandent au tribunal de première instance de revoir l'ordonnance de fractionnement de Microsoft, en plus de revoir la jurisprudence et les essais pratiques menés en cour et sur lesquels le juge Jackson s'est basé pour conclure que Microsoft avait agi illégalement en arrimant le fureteur Explorer au système d'exploitation Windows.

Comme nous le mentionnions plus haut, une vingtaine de pages du jugement qui en compte 125 sont consacrées uniquement au comportement du juge Thomas Penfield Jackson.  La Cour d'appel exige que la cause soit entendue par un autre juge que Jackson, dont le nom sera tiré au hasard.  Le très volubile Jackson avait déjà laissé entendre qu'il refuserait de revoir la cause si la situation se présentait; il s'était même récusé il y a quelques mois de l'audition d'une autre cause impliquant Microsoft (allégations de discrimination contre des employés de race noire) car il estimait qu'il avait un parti pris contre Microsoft.

Mais la Cour d'appel va plus loin dans ses reproches à l'endroit de Jackson.  Les juges écrivent : «Le juge qui a entendu la cause s'est engagé dans des contacts ex parte inadmissibles en accordant secrètement des entrevues avec des journalistes et en formulant publiquement des commentaires offensants pour les dirigeants de Microsoft, ce qui donne lieu à une apparence de partialité [...] ce comportement donnerait à tout observateur raisonnable et informé raison de croire en la partialité du juge lorsqu'il a ordonné le fractionnement de la société.» On se souviendra que Jackson avait comparé l'attitude des dirigeants de Microsoft à celle d'une bande de trafiquants de drogue, et avait comparé les velléités d'édification d'empire de Bill Gates à celles de Napoléon.  Plus loin, on lit dans le jugement : «Bien que nous ne disposions d'aucune preuve tangible de partialité, nous estimons que les actions du juge [Jackson] ont sérieusement entaché l'audition de la cause devant la Cour de district et mis en question l'intégrité du processus juridique.»

Il est évidemment question des entretiens que le juge Jackson a accordé au journaliste Ken Auletta, auteur du livre «World War 3.0: Microsoft and its ennemies», et dont nous vous parlions en février dernier.  Ces commentaires n'avaient pas eu l'heur de plaire à Microsoft et à ses procureurs.  Dans les documents présentés devant la Cour d'appel le 29 janvier dernier, les procureurs de Microsoft citaient pas moins de 22 extraits du livre ou d'articles de Auletta tendant à prouver que le juge Jackson manifestait un parti pris contre Microsoft.

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  Microsoft : la suite des choses
C'est donc là le plus récent chapitre de la saga Microsoft.  Doit-on s'attendre à ce qu'il soit suivi d'un ou de plusieurs autres, ou devrait-on espérer l'épilogue d'un règlement hors cour? Bien malin celui qui pourrait deviner la suite.

D'abord, le renvoi au tribunal de première instance introduit un autre délai car la Cour de district dispose de 45 jours pour désigner le juge qui entendra la cause.  Ce dernier devra alors se familiariser avec les milliers de pages de documents déjà présentés par les parties, et relire dans cette perspective le jugement de la Cour d'appel.  Le renvoi n'exclut pas non plus, du moins pour le moment, le dépôt d'autres éléments de preuves.  On sait que les attorney generals des États co-plaignants entendent soulever la question de l'arrimage d'applications au nouveau crû de Microsoft, Windows XP, qui doit être lancé en octobre avec un budget de promotion évalué à un milliard de dollars.

Sur le plan boursier, les analystes sont unanimes, Microsoft constitue toujours un bon placement, bien que le renvoi de la cause devant le tribunal de première instance constitue un atténuateur sensible.  Même si un règlement hors cour intervenait entre Microsoft et le DoJ, comme plusieurs le prévoient, reste toujours les 19 États co-plaignants qui ont manifesté leur intention de poursuivre la lutte, avec ou sans le DoJ.  Mais les délais impartis pour l'enclenchement d'un autre procès permettent aux investisseurs de dormir en paix pour le moment.

Il n'est pas encore clair si des recours collectifs privés seront enclenchés.  De nombreux procès avaient été intentés contre Microsoft par des groupes de particuliers, et sur la foi de renseignements selon lesquels Microsoft aurait surfacturé chaque version de Windows d'environ dix dollars.  Toutes ont été déboutées en cour pour des détails juridiques.  La reconnaissance, par la Cour d'appel, du statut de monopole dont jouit Microsoft pourrait inciter certains groupes de consommateurs à intenter de nouveaux recours collectifs.

Le Seattle Times suit à la loupe tout ce qui touche à Microsoft.  On comprend pourquoi : le siège social de Microsoft (et ses milliers d'optionnaires millionnaires) est situé à Redmond (Washington) dans la région du grand Seattle.  On imagine l'effet économique porteur pour la région de cette présence.

Au lendemain du jugement, le Times n'y est pas allé par quatre chemins en page éditoriale : réglez cette affaire au plus tôt! L'éditorial s'en est d'abord pris au juge Jackson : «Prendre une décision qui menacerait les intérêts de dizaines de milliers de salariés, de leurs dépendants, des actionnaires et de collectivités (comme celle-ci) exige qu'un juge ait le sens de la mesure.  L'ordonnance de fractionnement de Microsoft aurait été difficile à avaler venant d'un arbitre calme et rationnel.  Elle est inacceptable venant d'un homme motivé par la hargne.» Et de conclure l'éditorial : «La société Microsoft résume la cause en un point : son droit à l'innovation.  Et elle a raison.  Microsoft a le droit de continuer d'offrir ce que, de son avis, 90 % des consommateurs attendent, à condition qu'elle se conduise comme il se doit.  C'est le temps d'en finir.  En temps Internet [sic] cette cause s'éternise depuis un siècle.  Il est temps pour Microsoft et le gouvernement de trouver un terrain d'entente.»

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  Jugement Tasini : les suites
Si l'atmosphère était à l'optimisme à la National Writers Union (NWU) après que la Cour suprême eut émis un jugement favorable aux pigistes concernant le versement de droits pour la reprise de leurs articles, force est de constater que l'empire contre-attaque.

La NWU met en garde les journalistes pigistes contre une tentative de récupération initiée par le New York Times, un des médias condamnés par la Cour suprême à verser un dédommagement aux journalistes pour avoir repris sans leur autorisation leurs textes sous forme électronique.  Le New York Times propose sur le Web (et aussi dans ses messages d'auto-réponse téléphonique), aux journalistes visés par le jugement, d'accorder leur permission pour la reprise électronique de leurs articles.  Bon nombre des articles en question ont été éliminés de la base de données Nexis.  Le New York Times propose ce qui suit : «Si vous souhaitez que vos articles soient remis en circulation sur la base de données, vous consentez à ne pas être indemnisé, et vous dégagez le Times de toute responsabilité future pour l'inclusion de vos articles dans des archives électroniques comme celles de Nexis.»

«Intimidation!» clâme la NWU qui demande à ses membres, et à tous les autres pigistes de refuser de signer de telles décharges sans indemnisation.  «Ne signez aucun contrat proposé par le Times» lit-on sur le site Web du groupe, «Vous céderez vos droits à tout dédommagement financier pouvant découler de notre victoire devant la Cour suprême.» Cet avis a également été transmis par courrier électronique à tous les membres de la NWU.

Par ailleurs, le service de nouvelles Wired rapporte qu'il y a loin de la coupe aux lèvres pour les pigistes, malgré le jugement favorable de la Cour suprême.  Même avant le jugement, nombre de publications ont commencé à exiger des pigistes une cession complète des droits sur leurs articles, donc une renonciation aux droits de reprise sur médium électronique, et une interdiction de revente de leurs articles dans d'autres marchés.  Wired cite le cas du Boston Globe où on ne fait tout simplement plus appel aux pigistes qui refusent de signer de telles ententes.

Chez les bibliothécaires, on s'est réjoui de la décision de la Cour suprême.  Par voie de communiqué, la American Library Association (ALA) et la Association of Research Libraries (ARL) ont déclaré que le jugement établissait le rôle essentiel des bibliothèques dans la préservation du patrimoine et des documents historiques.  La plupart des bibliothèques utilisent la technique des microfiches pour constituer des archives de publications, technique qui respecte l'esprit de la loi, contrairement à la constitution de bases de données électroniques invalidée par la Cour suprême.

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  Crédibilité des médias : l'histoire de pêche de Slate
Une grande compagnie pharmaceutique peuple de singes rhésus une île inhabitée de l'archipel des Keys (sud de la Floride).  La colonie simiesque s'y reproduit, offrant ainsi à la pharmaceutique un stock toujours renouvelé d'animaux devant servir à des expériences en laboratoire.  Entre en scène un groupe de pêcheurs qui prend un malin et cruel plaisir à capturer à la ligne, à l'aide d'appâts comme des pommes ou des oranges, les pauvres bêtes.

C'est le récit que faisait le journaliste pigiste Jay Forman, dans le netmag Slate (propriété de Microsoft), le 7 juin dernier sous le titre «Monkeyfishing», la pêche aux singes.  L'article décrit comment Forman a été témoin en 1996 d'une de ces parties de pêche pour le moins sordides.  S'ensuit un long plaidoyer contre la cruauté faite aux animaux et les étranges concepts qui se cachent derrière des activités que l'on nomme sports.  Forman termine son article en précisant que les singes ont été retirés de l'île en 1999 en raison de leur effet néfaste pour l'environnement.

Faux, crie le lendemain OpinionJournal (un des sites Web du Wall Street Journal) qui affirme que la description de Forman de la soi-disant pratique est tout à fait absurde (preposterous).  Citant un lexique régional, OpinionJournal explique que l'expression «monkeyfishing» existe bel et bien, mais qu'elle sert à décrire le recours à des dispositifs électriques ou à de la dynamite pour pêcher le poisson.  Aucun primate, sauf les utilisateurs de ces techniques peu sportives, n'est impliqué par l'expression.

Interpellé par l'histoire qui commence à prendre de l'ampleur et fait l'objet d'échanges acerbes sur les forums de discussion de Slate, le rédacteur en chef Michael Kinsley intervient.  Dans une mise au point, Kinsley défend son journaliste et déclare que son adjoint, Jack Shafer, a pu confirmer les dires de Forman auprès d'un de ses amis.  Il soutient également la véracité des faits publiés dans des articles précédents de Forman qui passent sous la loupe des critiques.  Les articles en question demeurent sur le site de Slate mais sont précédés d'une note expliquant que certains détails clés ont été inventés de toutes pièces.

Les prochaines salves contre Slate sont tirées par le Washington Times (22 juin) et le New York Times (25 juin).  Wes Pruden du Washington Times qualifie l'affaire de «bonne blague», écrivant que la satire se sert mieux par les pince-sans-rire, rôle bien tenu par Kinsley, et que le Wall Street Journal a confondu la blague de Kinsley pour de la crédulité.  Dans le New York Times (inscription sans frais obligatoire), le journaliste Alex Kuczynski taille en menu filets, point par point, les faits mentionnés dans l'article de Forman.  Oui, l'île en question existe.  Oui, il y a eu implantation d'une colonie de signes rhésus.  Pour le reste, écrit Kuczynski, on repassera.

Le 25 juin, Michael Kinsley n'a d'autre choix que de présenter des excuses : «Toute inexactitude est mauvaise, et plus mauvaise encore est une inexactitude introduite volontairement, mais cette fabrication de faits va au coeur de l'article et en discrédite l'ensemble [...] Manifestement, nous devons nous interroger sur les deux autres articles de Forman publiés dans Slate [...] Depuis cinq ans, nous croyons avoir établi une réputation et un souci de l'exactitude égaux, sinon supérieurs, à toute autre publication en ligne ou hors ligne.  Ceci demeure notre objectif.  Nous devons maintenant travailler un peu plus fort pour l'atteindre.»

On ne peut contredire Kinsley : encore une fois, un média établi (Slate jouit d'une grande crédibilité dans les milieux journalistiques) s'est fait refiler un tissu de fabrication douteuse par un de ses journalistes.  Ce n'est certes pas la première fois, ni la dernière, malgré la vigilance accrue des chefs de rédaction.  Forman n'écrira plus dans Slate, et exprime ses regrets pour tout le tracas qu'il a causé au netmag.  Dans une rare entrevue accordée à Chris Rose du Times-Picayune, Forman a déclaré ne pas être un journaliste mais rédacteur de textes généraux (features), et ne jamais s'être décrit comme reporter.  «Je suis navré.  Je sens que j'ai laissé tombé mes chefs de rédaction.  Je sais qu'on ne fait pas ça en journalisme.  On ne ment pas.  On n'invente pas» a-t-il ajouté.

Cependant, une question se pose : a-t-on assisté à un règlement de comptes de certains grands médias traditionnels (Wall Street Journal, Washington Times, New York Times) à l'endroit de Slate? Sinon, comment expliquer toute l'attention (et l'espace) consacré à une histoire somme toute relativement banale? Slate publie quotidiennement une revue de presse fort prisée des accros de l'actualité.  Il lui arrive au passage d'écorcher certains des grands médias pour leurs revirements d'opinion.  Cherchait-on à porter atteinte à la crédibilité de Slate?

Quoiqu'il en soit, l'affaire n'en reste pas là, du moins pas pour l'expression qui a tout déclenché.  Six jeunes hommes, près du milieu des médias, on lancé Monkeyfishing, un Weblog qui porte un regard critique sur des sujets ou des points de vue exprimés dans la presse et qui méritent un examen plus poussé, que ce soit sur le plan de la logique ou des faits.  Thème principal ces jours-ci : la disparition à Washington de la jeune stagiaire Chandra Levy qui, croit-on, entretenait une relation intime avec, Gary Condit, membre de la Chambre des représentants.  Un récit de polar aux accents Lewinsky.

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  Vous partez en vacances?
Les calendriers et horaires de travail auront beau être chambardés pour certains, nouvelle économie oblige, il n'en demeure pas moins que juillet et août demeurent pour plusieurs la saison des vacances.  Vous débranchez-vous complètement du réseau, conservez-vous un minimum de liens ou encore trimballez-vous un portable? Quelle que soit la catégorie dans laquelle vous vous inscrivez, voici quelques conseils/ressources à ne pas négliger pour votre courriel.

Commençons par le site @robase.org, une des meilleures ressources francophones consacrées uniquement au courriel, qui nous propose une section fort à-propos «Partir et voyager avec l'e-mail».  D'abord, si on tient à consulter son courriel en vacances, à moins de disposer d'un portable, certains préparatifs s'imposent avant de partir.  @robase nous suggère certains trucs pratiques (explications techniques fournies en prime).  Puis, comment lire son courriel lorsqu'on est en vacances? Là encore, on trouvera dans @robase plusieurs cas de figure (portable, endroits publics), ainsi que des répertoires et moteurs de recherche permettant de repérer le cybercafé le plus près de votre endroit de séjour (6 000 cybercafés dans 170 pays).  Pour ceux et celles qui voyagent en «allégé», quel est le minimum à apporter avec soi : votre adresse électronique, votre mot de passe et le nom de votre serveur POP.

Pour les cybercafés du monde, le Cybercafé Search Engine semble le plus complet, malgré les mises en garde sur la «fraîcheur» des données en raison de la mouvance constante dans ce secteur.  Pour la France, nous vous suggérons L'Emailerie (so French) et sa carte de repérage pratique pour trouver un des 197 cybercafés ou stations Internet en Hexagone.

Au Canada, à défaut de trouver un cybercafé à Tsiigehtchic (Territoires du Nord-Ouest), à Souris (Manitoba) ou à Sainte-Émilie-de-l'Énergie (Québec), on trouvera un Centre d'accès communautaire Internet (CACI, prononcé kaki).  Ces centres (dont le nombre atteindra bientôt 5 000) ont vu le jour grâce au Programme d'accès communautaire (PAC) d'Industrie Canada.  Gérés par des comités locaux, ils fonctionnent un peu à la manière des bibliothèques publiques.  Fort bien dotés en matériel, ils offrent l'accès Internet à prix modique tant aux membres qu'aux non membres (en l'occurrence vous, le voyageur).  Par exemple, dans un de ceux que nous avons visité, il n'en coûte que 1 $ l'heure d'utilisation pour les membres, et 2 $ l'heure pour les non membres.  Une aubaine.

Que vous consultiez votre courrier en POP et laissiez vos messages sur serveur, ou sur interface Web, ou encore pas du tout, il faudra bien au retour de vacances gérer et classer le courriel reçu.  Débordés? Notre collègue Bruno Giussani écrivait récemment un article intéressant sur la gestion des courriels.  «Après une absence prolongée, une bonne pratique consiste à lire les e-mails en les filtrant et réorganisant selon l'expéditeur, ou selon le titre, de façon à identifier immédiatement si une même personne a envoyé plusieurs messages (et donc, si possible, de résumer toutes les réponses en une seule) ou si un sujet a déclenché une discussion (pour se faire une idée du développement et de l'état actuel du débat et éviter ainsi d'intervenir sur un point qui a déjà été traité).» L'intérêt de l'article de Giussani réside également dans les autres conseils qu'il prodigue pour, plus généralement, gérer efficacement son courrier, tant en aval (vous, le destinataire) qu'en amont (vous, l'expéditeur). 

Un point important, et ce sur l'utilisation de postes de travail dans des endroits publics (stations Internet, cybercafés, CACIs).  Quelle que soit la méthode utilisée pour consulter votre courrier (POP, Web), assurez-vous d'effacer l'antémémoire (cache) du fureteur après l'avoir utilisé.  Vous éviterez ainsi que l'utilisateur suivant puisse consulter vos messages laissés en mémoire sur le poste de travail.  Il est aussi de mise d'effacer l'antémémoire, l'historique et la barre d'adresses du fureteur pour les mêmes raisons.

Et dernier conseil : à moins de reconfigurer le logiciel utilisé pour consulter votre courrier sur un poste de travail public, de manière à y inscrire votre propre adresse de retour, ne répondez pas à votre courrier car vos messages afficheront l'adresse de retour du poste de travail public.  Si l'opération vous semble trop délicate, ou est interdite sur le poste de travail que vous utilisez, prévenez votre correspondant de ne pas vous répondre à l'adresse de retour qui sera affichée sur le message, mais bien à votre adresse personnelle que vous prendrez soin de lui rappeler.

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  Beaux détours
On les avait négligés, les beaux détours, et vous avez été nombreux à nous le souligner.  Pour nous faire pardonner, en voici deux d'un coup.

Qu'ont en commun le hissage du drapeau des États-Unis sur le mont Suribachi en 1945, l'attentat contre le militant noir James Meredith en 1966, la colère des résidants des camps de Sabra et Chatila en 1982, la tentative de coup d'État en Russie en 1991? Un photographe a saisi une scène, une image puissante, et le jury des Prix Pulitzer lui accorda le grand prix de la photo de presse.  Rétrospective intéressante sur le site du Newseum.

Jane Gottesman est journaliste de sports.  Elle vient de publier un livre, sélection de photographies de femmes, de tous âges, de tous milieux, pratiquant divers sports.  Fillettes de treize ans jouant au baseball, athlètes de haut niveau participant aux Olympiques, l'accès au milieu sportif, que l'on soit journaliste ou compétitrice, n'est pas toujours facile nous rappelle Gottesman.  Un livre, donc, une exposition au Smithsonian jusqu'au 2 janvier 2002, mais aussi une présentation impeccable de ces images sur le site du Washington Post.

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Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et toutes une excellente semaine.

Site personnel de Jean-Pierre Cloutier

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