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Page daccueil Les Chroniques de Cybérie
Le mardi 2 octobre 2001

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

  Genoa : un Napster pour lutter contre le terrorisme?
Nom de code : Genoa.  Description : programme de recherche, développement et mise en place d'outils pour favoriser la compréhension rapide de la nature de crises et déterminer une intervention appropriée découlant d'un raisonnement collectif.  Promoteur : la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA).

Selon certains documents de la DARPA décrivant Genoa : «Le nombre croissant de menaces transnationales met en lumière la nécessité de comprendre rapidement la nature des menaces et de déterminer des moyens pour en réduire les effets.  Plus l'autorité nationale de commandement (National Command Authorities) est en mesure de détecter une crise rapidement, plus il est facile par la suite d'élaborer des stratégies préventives ou de réduction des effets.  Les objectifs [Ndlr.  de Genoa] sont de passer d'un cycle décisionnel mesurable en jours à un cycle mesurable en heures, d'accroître le nombre de situations pouvant être gérées simultanément, par ordre d'importance, et de réduire le nombre de déploiements militaires.»

Quelle similitude entre le logiciel d'échange de fichiers musicaux Napster et Genoa? C'est que, tout comme Napster, Genoa repose en grande partie sur un environnement collaboratif d'échange de poste à poste (peer-to-peer), en plus de l'acquisition de connaissances par l'entremise d'agents technologiques intelligents.  Selon le lieutenant-colonel Doug Dyer, responsable du programme à la DARPA, avec qui nous avons communiqué à ses bureaux d'Arlington (Virginie) : «On peut certainement comparer la technologie réseau de base de Genoa à celle de Napster, c'est-à-dire un système robuste et la possibilité de créer des groupes ad hoc de collaborateurs ou participants.  Toutefois, le système Groove [Ndlr. logiciel de travail collaboratif] que nous utilisons offre une bien meilleure synchronisation et une sécurité renforcée, sans oublier, bien sûr, plusieurs applications pré-arrimées.»

Le projet Genoa a été lancé en 1997 et le produit pourrait être livré en version opérationnelle dans quelques mois.  La DARPA s'est adjointe de nombreuses entreprises pour la réalisation du projet, et parmi elles la société Syntek Technologies dont le premier vice-président est l'ex-vice-amiral John Poindexter (début des années quatre-vingt, administration Reagan).

Depuis les attentats du 11 septembre, le président des États-Unis a déclaré à maintes reprises que nous faisions face à une nouvelle forme de conflit.  Des outils d'analyse et de décision comme Genoa feraient-ils partie du nouvel arsenal?

Un cédérom de démonstration de Genoa met en scène un scénario où trois cadres des services de renseignement cherchent des informations, dans leurs bases de données respectives, sur Ousama Ben Laden et son groupe.  Chacun met sa collection de fichiers à la disposition des autres, et les recherches se font à partir d'une mise en commun des fichiers de tous les participants.  Ils partagent cette recherche, en tirent une analyse, puis publient leurs résultats directement en format HTML sur l'intranet des agences de renseignement étasuniennes Intelink, les rendant accessibles aux autorités. 

Interrogé par le magazine Federal Computer Week, Poindexter a précisé que Genoa était encore à l'étape d'expérimentation et d'évaluation, et qu'il était donc trop tôt pour savoir s'il aurait pu aider à prévenir les attaques ou à en minimiser les impacts.

Quant au nom, Genoa, d'où vient-il? Le lieutenant-colonel Dyer explique : «Pendant un certain temps, nous avions des projets qui portaient tous des noms de voilures maritimes.  Comme «Genoa» (littéralement, génois, grand foc en tissu léger).  C'est seulement un nom.» Avis, donc, à ceux et celles qui voudraient tirer un parallèle avec la ville de Gênes...

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  L'ICANN se penchera sur la sécurité du réseau
L'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (Société pour l'attribution des noms de domaine et numéros sur Internet ICANN), organisme gestionnaire de l'adressage des noms de domaines, tiendra sa prochaine assemblée générale annuelle du 13 au 15 novembre à Marina del Rey (Los Angeles, Californie). 

Bien que l'ordre du jour de l'assemblée générale ne soit pas encore établi de manière définitive, la direction de l'ICANN a substantiellement modifié les grands thèmes qui seront abordés et, récents événements obligent, mettra l'accent sur la sécurité et l'intégrité du système d'adressage. 

Dans un communiqué émis le 26 septembre, l'ICANN déclare que les attentats terroristes contre New York et Washington appellent à un examen de la stabilité du système d'adressage, donc de sa sécurité.  «L'ICANN n'est pas, de manière générale, responsable de la sécurité d'Internet.  Toutefois, en vertu de ses responsabilités en matière d'adressage des noms de domaines et numéros, et vu le nouveau contexte dans lequel la communauté internationale est plongée, il serait irresponsable de ne pas procéder à un examen en profondeur de la sécurité et de l'intégrité de ces systèmes et, au besoin, de prendre des mesures pour renforcer le réseau.  Il s'agit là de questions urgentes et de portée internationale» peut-on lire dans le communiqué.

Les responsabilités de l'ICANN comportent l'attribution des adresses IP (Internet Protocol), soit des numéros constitués de quatre nombres entiers séparés par des points qui identifient de façon unique un ordinateur connecté au réseau Internet et en permet la localisation (source: OLF), l'attribution des paramètres de protocoles, la gestion des noms de domaines existants ou nouveaux ainsi que celle des serveurs routeurs, une espèce d'agent de circulation qui dirige les requêtes d'accès et le transfert de données.

Tout le système d'adressage des numéros et noms de domaines (DNS) repose sur 13 serveurs routeurs qui contiennent les noms de domaines de 255 suffixes (.com, .net, .ca, .fr, etc.) et leurs numéros IP correspondants.  De ces 13 points névralgiques du réseau, un est situé au Japon (Keio), deux en Europe (Londres et Stockholm) et dix aux États-Unis (quatre en Californie, quatre en Virginie, et deux au Maryland). 

On comprendra donc la vulnérabilité d'un tel système.  Malgré les principes de redondance qui font en sorte que si un point relais s'effondre, le trafic est acheminé par d'autres points relais, la mise hors service de deux, trois ou quatre points relais aurait pour effet de réduire considérablement l'échange de données sur l'ensemble du réseau, voire de le congestionner.

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  Zimmermann précise
La semaine dernière, nous citions un article du Washington Post selon lequel Phil Zimmermann, auteur du logiciel de cryptographie PGP, ressentait une certaine ambivalence à l'idée que des groupes terroristes aient pu utiliser son logiciel pour dissimuler leurs agissements.

Depuis, Zimmermann a réagi à l'article qui, selon lui, donnait une fausse impression de ses sentiments à l'égard de l'utilisation possible du PGP par les personnes ou groupes ayant perpétré les attentats du 11 septembre.  Zimmermann écrit : «L'auteure de l'article [Ndlr.  Ariana Cha] affirme qu'à titre d'inventeur du PGP, j'éprouvais de “profonds sentiments de culpabilité”.  Je n'ai jamais laissé entendre ça au cours de l'entrevue, je me suis même efforcé d'insister auprès d'elle que ce n'était pas le cas, et je lui ai même demandé de répéter ma position à ce sujet pour qu'il n'y ait pas de méprise dans l'article.  C'est une erreur sérieuse car elle laisse percevoir que sous le choc d'actes terroristes, j'aurais révisé mes principes sur l'importance de la cryptographie pour la protection de la vie privée et des droits civils à l'ère de l'information.»

Zimmermann ne jette pas le blâme à la journaliste, mais déclare que l'article original, dont elle lui a lu de larges extraits avant de le transmettre à la rédaction du journal, était plus étoffé que l'article publié.  «Je ne peux en conclure que ses supérieurs ont pris l'initiative inappropriée d'abréger mes états d'âme et de les résumer dans une capsule inexacte sur le fond» d'écrire Zimmermann.

Il admet s'être senti mal à l'aise à l'égard d'une possible utilisation de PGP par des terroristes, «mais je crois également que ces sentiments cèdent préséance au fait que PGP soit un outil au service des droits de la personne à travers le monde, ce qui était mon intention quand je l'ai mis au point il y a dix ans.»

En complément de lecture, si vous ne l'avez déjà lu, un extrait du Manuel de PGP 6.0 (août 1998), «Pourquoi j'ai écrit PGP» par Phil Zimmermann.  Et sur le même thème, notre chronique du 21 août dernier sur Dave Del Torto, fondateur de la CryptoRights Foundation, au sujet duquel nous écrivions : «L'essentiel du message de Del Torto [...] est que de nombreux groupes voués à la défense des droits de la personne ont besoin d'aide et de formation en matière de cryptographie, de chiffrement de messages et d'utilisation des ordinateurs et des réseaux.  À titre d'exemple, il a cité le cas du Guatemala où les personnes responsables de documenter les assassinats de paysans en régions rurales sont très vulnérables sans une protection adéquate de leurs données, et s'exposent à des représailles de la part des forces dites de “sécurité” et des escadrons de la mort.»

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  En marge de la crise : on censure des cartes; on veut calmer les h@ckers avec de la pub télé; on censure la Voix de l'Amérique; et on se calme avec une bonne dose de sexe
Psychose cartographique.  Aux États-Unis, la National Imagery and Mapping Agency (NIMA - Agence d'imagerie et de cartographie) a décidé de retirer de son site Web certaines cartes sur lesquelles figuraient des installations militaires, jusqu'à ce qu'elle détermine si elles constituent des risques pour la sécurité physique de ces installations.  On lisait dans le périodique GovExec que la NIMA a aussi interdit à certains distributeurs de ses produits de continuer de vendre des cartes et relevés topographiques, et à la bibliothèque du Congrès et au service des archives nationales d'offrir l'accès à ces documents.  Un conseiller privé en matière de renseignement a confié à GovExec que cette décision n'était peut-être pas la meilleure puisque le service Mapquest offre des renseignements cartographiques très détaillés.  Illustration du propos sur le site de Mapquest.

L'organisme Cyberangels, mieux connu pour sa défense des bonnes moeurs sur Internet, lance une campagne de publicité télévisée d'intérêt public (le temps d'antenne est alloué gracieusement par les chaînes) pour demander aux h@ckers «éthiques» de ne pas déclencher de représailles à la suite des attentats du 11 septembre.  On sait qu'un groupe d'une soixantaine de hackers voulaient unir leurs efforts pour s'en prendre à des sites Web et à des installations afghanes et palestiniennes, puis qu'un autre groupe, pro-palestinien cette fois, avait l'intention d'attaquer des serveurs situés aux États-Unis.  C'est Vinton Cerf, un des «pères de l'Internet», qui figure dans les spots télévisés (voir transcription du texte) et qui demande aux h@ckers de travailler de manière constructive à la lutte au terrorisme.  Reste à savoir si beaucoup de h@ckers sont de fervents téléphiles.

Comment comprendre si on n'entend pas? On apprenait du Freedom Forum le 25 septembre que la Voix de l'Amérique (VOA), le service de radio par ondes courtes du gouvernement des États-Unis, s'est vue interdire de diffuser une entrevue avec le dirigeant taliban, le mollah Mohammad Omar.  C'est le Département d'État qui s'est objecté à la diffusion de l'entrevue, estimant qu'elle pourrait semer la confusion chez des millions d'auditeurs qui écoutent des émissions reflétant les positions du gouvernement des États-Unis.  Cette décision a, on le comprend, offusqué les responsables et journalistes qui ont déclaré ne vouloir que présenter les vues du mollah dans le cadre d'un reportage tentant d'expliquer l'esprit du régime au pouvoir en Afghanistan et ses réactions aux déclarations de George Bush .  Le lendemain, 26 septembre, le Freedom Forum rapportait que le Département d'État avait finalement consenti à la diffusion du reportage, ce qui a fait écrire à l'éditorialiste du Washington Post : «l'incident met en lumière la tentation de camoufler des faits qui s'exprime souvent en cas de conflit ou de quasi conflit, une tentation qui ne perd rien de son caractère malsain, même lorsqu'elle est promptement réprimée.»

Henry Kissinger a déjà affirmé que le pouvoir était le plus puissant aphrodisiaque.  À la suite des attentats du 11 septembre, pourrait-on dire que le danger est tout aussi susceptible d'éveiller des pulsions sexuelles? Deux articles du netmag Salon traitent d'une vague de fond dans le psyche newyorkais, le «terror sex», cette terrible envie d'un rapprochement intime pour échapper à la terreur et à l'effroi provoqué par les attentats. 

Cole Kazdin signe «Sex in a time of terror», le récit qui relate comment bon nombre de personnes ont ressenti ce besoin de rapprochement et se sont retrouvées presque inconsciemment dans les bras de quasi étrangers ou de leurs conjoints, à faire l'amour comme si c'était la dernière fois, comme si c'était la fin du monde.  Autre perception, cette fois de Jennifer Howze dans son article «Single survivor» qui écrit en contrepoint qu'après un tel désastre, les rapports sociaux sans profondeur prennent un caractère absurde.  «Qui peut se payer le luxe de passer quelques heures avec quelqu'un qu'on ne reverra peut-être jamais?» demande-t-elle.  New York était reconnue comme la Mecque des psys en tous genres, la plus haute proportion per capita de divans et de salles de consultation au monde.  Parions que les récents événements ne feront que confirmer cette statistique.

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  Microsoft : «Négociez!»
C'est en somme ce que la juge Colleen Kollar-Kotelly a dit aux procureurs de Microsoft et des États co-plaignants vendredi dernier lors de la première comparution des parties dans cette nouvelle phase du procès anti-trust.  Les négociations devraient être intensives, selon la juge qui a donné aux parties jusqu'au 2 novembre pour en arriver à une entente sur d'éventuelles sanctions auxquelles Microsoft devrait se soumettre. 

Cette première audience, initialement prévue pour le 14 septembre, a été reportée en raison des attentats.  D'une part, le fonctionnement des bureaux du ministère de la Justice (DoJ) à Washington avait été perturbé, situation identique pour un des principaux cabinets travaillant pour Microsoft, Sullivan & Cromwell, dont les bureaux sont à proximité du WTC.  L'ordonnance de la juge Kollar-Kotelly concorde avec une demande conjointe des deux parties, déposée le 20 septembre, stipulant qu'elles souhaitaient poursuivre des négociations privées de règlement à l'amiable en parallèle aux travaux de la cour.

À défaut d'une entente entre les parties avant le 2 novembre, la juge Kollar-Kotelly pourrait entamer en mars une procédure d'audiences sur les sanctions à imposer en fonction des huit atteintes aux lois anti-trust retenues par la Cour d'appel, c'est-à-dire : ententes exclusives avec des fabricants d'ordinateurs pour qu'ils utilisent des produits Microsoft; barrières imposées au choix par les utilisateurs d'un fureteur autre que Internet Explorer; arrimage des codes de Windows et de Internet Explorer qui interdit de supprimer ce dernier; ententes de promotion exclusive de Internet Explorer avec 14 des 15 grands fournisseurs d'accès aux États-Unis; contrats exclusifs avec des concepteurs de logiciels pour qu'Internet Explorer soit le fureteur implicite; exclusivité d'Internet Explorer en plate-forme MAC sous menace de mettre un terme au développement de la suite Office pour Mac; fausse déclaration quant au caractère multi-plate-forme de Java Microsoft; pression sur Intel pour qu'elle abandonne sa propre version multi-plate-forme de Java.

Malgré les protestations d'une coalition de groupes de défense des consommateurs, dont la Consumer Federation of America, la voie semble donc ouverte pour le lancement de Windows XP le 25 octobre, et ce en plein Times Square à New York.  Dans son communiqué annonçant la venue de l'événement, Microsoft cite le maire de New York, Rudolph Giuliani, qui se dit heureux du choix de sa ville pour le lancement, ce qui constitue selon lui «une affirmation de l'engagement de la ville de New York à demeurer la capitale mondiale du commerce.»

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  Écriture Web : faut-il écrire pour les moteurs?
Le sujet de l'écriture pour le Web revient souvent dans nos échanges et nos conversations.  Cette forme d'écriture se différencie-t-elle des autres formes (journal, périodiques, romans, nouvelles ou simple correspondance)? Est-ce à proprement parler une nouvelle forme d'écriture ou une adaptation de principes traditionnellement respectés par les artisans du stylo et du clavier?

On lisait dans SearchDay, il y a quelques jours, le compte rendu d'un atelier animé par Jill Whalen et Heather Lloyd-Martin de la société RankWrite sur le thème d'une écriture pour le Web qui consiste à répondre aux attentes des lecteurs et lectrices, mais aussi à faciliter le repérage de vos pages Web par les moteurs de recherche, donc une forme d'écriture pour les moteurs.

Pour Jill Whalen, il importerait de glisser dans le texte d'une page Web une phrase ou une expression qui correspondrait, en langage naturel ou en mots clés, à ce qu'un utilisateur inscrira dans la case d'interrogation d'un moteur de recherche.  On établirait ainsi un plus haut degré de correspondance entre le contenu d'une page et l'interrogation éventuelle d'utilisateurs, ce qui se traduirait par un meilleur positionnement de vos pages dans les résultats de recherche.

Whalen soutient que les concepteurs de contenus misent trop sur les balises meta (invisibles) des pages Web contenant des mots clés choisis, et pas suffisamment sur le fait que ces mots apparaissent ou non dans le contenu visible des pages.  (En contrepartie, lire le bulletin de Gerry McGovern du 1er octobre sur l'importance des balises meta, «Why metadata is important».)

Pour sa part, Heather Lloyd-Martin a abordé la question de la qualité d'écriture sur le Web; elle affirme que le contenu textuel des pages Web ne devait pas strictement se confiner à des notions informationnelles, mais également chercher à provoquer une réaction émotive.  De plus, Lloyd-Martin y est allée d'une suggestion pour évaluer un texte sur le Web : le lire à voix haute.  Il faudrait donc, selon elle, interpeller plus directement les lecteurs qui, en retour, sentiront que vous avez confiance en eux et que vous répondez à leurs attentes.

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  Le courriel a trente ans
Comme le temps passe.  On ne peut attribuer de date précise à la naissance du courriel, mais on s'entend pour parler de l'automne 1971.  La messagerie électronique arrive avec Ray Tomlinson, un diplômé du MIT à l'emploi de la société Bolt Beranek and Newman (BBN), un sous-traitant du gouvernement américain pour le projet ARPANET.  Tomlinson met au point un petit programme, SNDMSG (send message - envoyer un message) qui fonctionne localement sur un ordinateur.  Avec SNDMSG, les chercheurs qui travaillent sur un même ordinateur peuvent s'y laisser des messages dans des répertoires désignés.  SNDMSG, comme d'autres programmes du genre à l'époque, n'est en fait rien de plus qu'un pigeonnier, un babillard pour les chercheurs qui se partagent l'utilisation d'une même machine.

Tomlinson travaillait parallèlement sur un protocole de transfert de fichier, le CPYNET à l'aide duquel on pouvait copier simultanément un fichier sur les quinze ordinateurs interconnectés qui composaient alors ARPANET.  C'est alors que l'idée vint à Tomlinson : si on pouvait échanger des fichiers entre ordinateurs, pourquoi pas adresser des messages en texte?

Adresser, certes, mais à quelle «adresse»? Tomlinson retient alors l'arobase, @, pour séparer le nom du destinataire de celui de l'ordinateur sur lequel il est inscrit.  Les avantages sont manifestes.  D'une part, l'@ ne fait pas partie des noms communs ou propres et ne peut donc, sur le plan de la syntaxe, porter à confusion.  D'autre part, il comporte une puissante symbolique car @, en anglais, se prononce «at», c'est-à-dire «chez» ou «à» en français.  C'est ainsi que tomlinson@bbn-tenexa devint la première adresse de courrier électronique de l'histoire : BBN pour le nom de l'employeur de Tomlinson, tenexa en raison du système d'exploitation Tenex qu'utilisait alors BBN.  Notons l'absence de suffixe de domaine (.com, .net, ou autre) qui ne devait apparaître que quelques années plus tard.

En modifiant légèrement le programme SNDMSG, Tomlinson se créa donc deux boîtes aux lettres électroniques sur deux ordinateurs situés côte-à-côte chez BBN et réussit à «adresser» un message d'un ordinateur à un autre.  Et le contenu de ce premier courriel de l'histoire? «QWERTYUIOP», soit la deuxième rangée des touches sur un clavier anglais.

Jerry Burchfiel, un collègue de Tomlinson chez BBN confiait en entrevue à la revue Forbes, en 1998, que l'inventeur du courrier électronique se voulait discret sur ce qu'il venait de mettre au point.  «Lorsqu'il me l'a montré, il m'a dit “n'en parle à personne, nous sommes censés travailler sur autre chose”» raconte-t-il.

Mais les craintes de Tomlinson furent vite dissipées lorsque Larry Roberts, un des directeurs de la DARPA (organisme gouvernemental de tutelle d'ARPANET) adopta le courrier électronique pour toutes ses communications officielles avec les chercheurs.  Ces derniers, tributaires de Roberts et de la DARPA pour leurs budgets de recherche, n'eurent d'autre choix que de se mettre au courrier électronique.  Deux ans plus tard, une étude révélait que le courrier électronique représentait 75 % du trafic sur ARPANET.

Il faudra attendre 1975 pour que John Vittal conçoive MSG, le premier logiciel intégré de gestion du courrier électronique à inclure les fonctions d'envoi, de réponse, de renvoi et de classement des messages.  La première liste d'échange (modérée) voit aussi le jour cette année là, MsgGroup, ainsi que la première liste de discussion «non technique», SF-Lovers, qui traite de science-fiction.

Autour de ce trentième anniversaire, pour les férus d'histoire, rappelons notre texte de septembre 1999, «Internet a trente ans, biographie sommaire».  Bruno Giussani nous proposait en début d'année «The secret life of @», un texte fort intéressant sur l'origine de l'arobase et ses diverses significations culturelles.  Enfin, comme toujours, le site @robase, tout sur le courrier électronique, et en français.

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  Et si on parlait bouffe...
Bouffe et Internet ont toujours fait bon ménage.  Certains des premiers sites Web personnels ont été montés par des passionnés qui visaient à partager des recettes, à échanger des trucs et des astuces, ou à documenter un secteur précis de l'art culinaire.  De plus, parmi les premiers sites portails ou dits de «convergence», on trouvait une bonne ration des sites sur la cuisine et tout ce qui entoure la présentation et le service des plats petits et grands.

Une enquête/sondage toute fraîche du cabinet de recherche InsightExpress, menée auprès de 797 «personnes qui font la cuisine au foyer» aux État-Unis, nous apprend que la première source d'information sur la cuisine demeure les livres de recettes pour 34 % des répondants et répondantes.  Élément nouveau : les sites Web sont passés au deuxième rang (23 %), devant les magazines et périodiques spécialisés (21 %), et bien devant les journaux (5 %) et les émissions de télévision (5 %).

Et quelles sont les préférences Web de ces cyberchefs? Les sites indépendants sont consultés par 49 % des répondants, suivis par les sites corporatifs (grandes chaînes d'alimentation, distributeurs d'aliments, 40 %), les portails spécialisés (38 %), les sites Web de magazines ou de périodiques (37 %), les sites Web d'émissions télévisées (28 %), et ceux des fabricants d'appareils ménagers et d'accessoires (7 %).  Les sites de grandes marques, enfin disons plus exactement des grandes sociétés d'aliments préparés, font recette et pas moins de 44 marques différentes ont été citées par les répondants.  Les plus populaires : Kraftfoods.com est consulté par 33 % des répondants, Bettycrocker.com par 30 % et Campbellsoups.com par 25 %.

Et qu'est-ce qu'un site indépendant, selon la terminologie de InsightExpress? C'est un site autonome, sans pendant de médias traditionnels, mais qui parvient à assurer son fonctionnement avec de la publicité.  InsightExpress cite dans son rapport le cas de Allrecipes.com lancé il y a cinq ans.  D'après les chiffres de Nielsen//NetRatings, société de mesure d'achalandage Web, Allrecipes.com est consulté deux millions de fois pas mois, et sa lettre d'information par courriel rejoint 800 000 abonnés.  Comme dirait l'autre, ça fait du monde à la table.

Comment expliquer cet engouement pour le Web culinaire? Pour Lee Smith, premier dirigeant de InsightExpress, le Web est un modèle informationnel plus efficace car il est moins figé que les périodiques ou les journaux.  On y trouve des opinions, des évaluations personnelles, des trucs de substitution de produits ou de préparation.  De plus, le Web offre la possibilité de comparer les résultats et d'échanger avec d'autres personnes qui font la cuisine, un ingrédient fort prisé par l'ensemble des répondants.

Contrairement à de vilaines rumeurs qui circulent à son sujet, le Cybérien aime bien manger, manger bien, et surtout cuisiner.  Ses goûts vont de la cuisine de bistro (avec l'indispensable guide des 200 recettes de Patricia Wells), aux italienneries tomatées et crémées en passant par les délices asiatiques thaï ou viêt.

Quelques références Web de la cuisine cybérienne.  D'abord, le site d'accompagnement de l'émission de Daniel Pinard, «Les pieds dans les plats», vient agréablement compléter le contenu de cette excellente émission, parfois insolente et iconoclaste, mais liant toujours l'utile au très agréable.

Le très complet «Saveurs du monde» fait office de référence depuis déjà quelques années.  On aime bien les thèmes saisonniers des recettes (c'est la saison des pommes!), mais aussi la section des encyclopédies et des répertoires.  Essentiel dans les signets bouffe.

En anglais, notre incontournable est «Epicurious» avec ses 13 000 recettes en ligne et ses forums de discussion, et le site de Jacques Pépin (qui a cuisiné pour Charles de Gaulle et refusé deux fois le poste de chef à la Maison Blanche sous l'administration Kennedy) à qui on doit une merveilleuse technique pour désosser entièrement et de l'intérieur un poulet que l'on farcira par la suite.  Hors du commun, vous épaterez vos convives à coup sûr.

Pour ce qui est des périodiques qui publient généreusement des recettes sur le Web, l'incontournable est le Atlantic Monthly et les chroniques de Corby Kummer.  Kummer ne présente pas que des recettes; il nous peint des contextes géographiques et historiques autour de ces recettes.  C'est de saison, essayez sa recette de chaudrée de maïs en prenant soin de respecter la liste des ingrédients et les mesures.  Si vous aimez les soupes/repas, c'est divin.

Mais ce ne sont là que quelques sites sélectionnés, et que les autres dizaines de milliers de sites nous excusent de les passer sous silence.  Bon appétit.

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Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et toutes une excellente semaine.

Site personnel de Jean-Pierre Cloutier

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