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Page daccueil Les Chroniques de Cybérie
Le mardi 23 octobre 2001

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

Crise et baromètres Web : données de septembre pour le Canada; évolution aux États-Unis
Il y a deux semaines, nous vous parlions de la hausse de consultation des sites Web par les utilisateurs du réseau aux États-Unis, augmentation attribuable aux besoins de s'informer à la suite des attentats du 11 septembre (notre chronique du 9 octobre).  On dispose maintenant de chiffres permettant de constater que les utilisateurs canadiens ont eu un comportement semblable à ceux de leurs voisins du sud et ont investi en force les sites d'information.  Selon le cabinet de mesure d'achalandage Jupiter Media Metrix (JMM), 14,2 millions de canadiens ont consulté le Web en septembre, une hausse de 4,4 % sur l'utilisation rapportée pour le mois précédent. 

Grand gagnant de cette infophagie soudaine, le site de la chaîne CNN consulté par 1,8 millions de Canadiens, une augmentation de 198 % sur les chiffres du mois d'août.  JMM a aussi enregistré une hausse du temps de consultation du site de CNN par les Canadiens qui est passé de 15,1 minutes en août à 22,7 minutes en septembre.  Suivent le site de la chaîne MSNBC, consulté par 1,1 million de canadiens (+71 %), celui de la chaîne publique anglophone CBC.CA (un million, +43 %), de la chaîne publique francophone RADIO-CANADA.CA (906 000, +40 %), et du quotidien The Globe and Mail (715 000, +53 %).

Trois autres sites Web d'information ont franchi pour la première fois en septembre le cap des 200 000 consultations par le public canadien, soit celui du Washington Post, du USAToday et de la chaîne de télévision privée CTV.

Les Canadiens sont également allés aux sources : 193 000 ont consulté le site de la police fédérale des États-Unis (FBI), 181 000 celui de la Croix Rouge, 160 000 celui du ministère canadien de la Défense, et 168 000 celui de Snopes.Com, le site Web qui déconstruit les rumeurs et légendes urbaines.

Ce nouveau réflexe des utilisateurs de s'informer auprès de sites «officiels» est d'ailleurs confirmé par la maison Nielsen//NetRatings qui, pour les États-Unis, a publié les données de fréquentation des sites Web pour la semaine se terminant le 14 octobre (format PDF), soit en pleine psychose provoquée par la découverte de cas d'infection au bacillus anthraxis

Par exemple, le site du ministère de la Justice (DoJ) a enregistré une hausse de 62 % de ses consultations comparativement à la semaine précédente avec 227 000 visiteurs uniques.  Plus de 39 % des pages consultées contenaient des photographies et des informations sur les criminels les plus recherchés.

Le site Web du Center for Disease Control, principal organisme fédéral de recherche et de prévention sanitaire aux États-Unis, a vu son achalandage grimper de 118 % pour atteindre 515 000 visiteurs uniques au cours de la semaine; 59 % des consultations ont porté sur des pages d'information sur la maladie du charbon.  Ce vendredi, 19 octobre, le site du CDC était encore très achalandé, au point où il a été inaccessible durant quelques heures.

Le site Web du FBI (police fédérale) a pour sa part connu une hausse de 518 % du nombre de visiteurs qui a atteint 908 000 au cours de la semaine.  Dans une proportion de 67 %, les visiteurs ont consulté des photographies et des informations sur des terroristes recherchés, la fiche d'information sur Oussama ben Laden représentant 25 % de l'achalandage sur le site.

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  Crise : cryptage ou non? Un expert s'exprime
Les réseaux terroristes ont-ils utilisé ou non des méthodes de cryptage pour dissimuler leurs communications électroniques? Les nouvelles lois antiterroristes devraient-elles interdire le cryptage de messages? Les autorités aimeraient bien le croire, mais la situation serait tout autre selon Duncan Campbell.

Campbell est journaliste et documentariste, spécialiste des questions de surveillance, à qui l'Unité d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (STOA) du Parlement européen avait confié en 1998 le mandat de confirmer officiellement l'existence du système de surveillance mondial Echelon (voir notre chronique du 29 mai 2001).

Dans un article publié par le périodique allemand Telepolis, Campbell relève les différentes déclarations de politiciens et d'autorités policières, tant aux États-Unis qu'en Grande Bretagne, qui laisseraient croire en un vaste réseau de communications hyperprotégé qu'utiliseraient les réseaux terroristes.

Rien de tel pour Campbell qui remet certaines pendules à l'heure : les réseaux terroristes ont dissimulé leur présence, leurs préparations et leurs stratégies en jouant aux caméléons, en s'intégrant de manière fort discrète à leur milieu de vie aux États-Unis.

De nombreux rapports véhiculés par la presse (USA Today, 19 juin 2001) faisaient état de communications secrètes entre Oussama ben Laden et ses agents en poste par l'entremise de messages dissimulés dans des images pornographiques.  Fin septembre, le directeur adjoint du FBI affirmait que les terroristes avaient utilisé Internet et le Web de manière experte.  En Grande Bretagne, le secrétaire de l'Extérieur Jack Straw a accusé les médias et les défenseurs des libertés civiles d'avoir ouvert la voie aux terroristes et d'avoir empêché son gouvernement d'adopter des mesures législatives contre le cryptage.

Or, souligne Campbell, aucune de ces affirmations sur le recours par les groupes terroristes à des technologies sophistiquées ne se révèle exacte.  Quelques jours avant les attaques du 11 septembre, un groupe de chercheurs invalida la thèse des codes cachés par méthode stéganographique dans des fichiers graphiques sur le Web.  Non que la technique n'existe pas, mais bien qu'une analyse de deux millions d'images s'était avérée négative.  Puis, les enquêtes du FBI auprès de fournisseurs de services et de services de courriel Web (comme Hotmail) ont bel et bien révélé l'utilisation du courriel par les agents terroristes, pour des communications aux États-Unis et à l'étranger, au cours des 30 à 45 jours qui ont précédé les attaques.  Cependant, ils avaient accès à Internet principalement depuis des points de connexion publics, comme des bibliothèques, et rédigeaient leurs messages en clair, sans avoir recours à des méthodes de cryptage.

Campbell dénonce aussi le traitement accordé à Phil Zimmermann, inventeur du logiciel de cryptage PGP, par le Washington Post dans un article récent (voir notre chronique du 2 octobre).  Campbell écrit : «Bien que le FBI ait déclaré ne détenir aucune preuve de l'utilisation de méthodes de cryptage par les terroristes, on a dit aux lecteurs du Post que Zimmermann éprouvait “de profonds sentiments de culpabilité” à l'idée que son logiciel ait pu servir à des fins malveillantes.»

De conclure Campbell : «Tout indique que les terroristes ont utilisé des codes simples et en clair dans leurs communications pour dissimuler l'objet de leurs échanges.  Cette méthode “low-tech” fonctionne.  À moins de déterminer à l'avance une cible de surveillance, même le système Echelon ne peut faire le tri entre ces messages et l'ensemble des autres messages échangés [...] Les terroristes n'ont eu aucun comportement suspect, jusqu'à ce qu'ils commettent l'acte abominable.»

Bref, une surveillance accrue des télécommunications ou l'interdiction du cryptage n'auraient pas servi, pas plus que le mythique bouclier anti-missiles, à éviter les attentats.

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  Afghanistan : le mythe de l'opium
On a entendu beaucoup de commentaires sur le rôle que jouerait la production de l'opium dans le financement du gouvernement taliban en Afghanistan et/ou de l'organisation El Quaada d'Oussama ben Laden.  Le 3 octobre dernier, Asa Hutchinson, administrateur de la Drug Enforcement Agency (DEA - organisme de lutte contre la drogue) témoignait devant un comité de la Chambre des représentants et affirmait que le commerce illicite de l'opium profitait largement au régime taliban et à Oussama ben Laden, tout en reconnaissant que l'interdiction de la culture du pavot par le régime taliban avait fait chuter considéralement la production.

Le chef de la DEA ajoutait toutefois que son organisme n'avait constaté aucune diminution de la disponibilité de l'opium dans les États avoisinants malgré une hausse temporaire des prix, mais aucune augmentation sensible du prix dans les États consommateurs.  Selon Hutchison : «Depuis l'interdiction de la production d'opium imposée par les taliban en juillet 2000, le prix du kilo d'opium est passé de 40 $ US à plus de 400 $ US.  Cette hausse du prix, qui s'est limitée à la région immédiate et ne s'est pas répercutée sur les marchés internationaux, semble être un moyen pour les taliban de profiter d'une denrée sur lequel ils exercent une quasi totale mainmise.»

Baisse de production, aucune rareté, hausse des prix ponctuelle dans le marché régional qui ne se répercute pas à l'extérieur de ce marché, il y a de quoi perdre son latin.  La DEA et d'autres sources offrent comme explication que le régime taliban disposait d'énormes stocks avant d'imposer son interdiction de production, et que c'est l'écoulement de ces stocks qui continuerait de financer le régime.

Pour sa part, le Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues (PNUCID/UNDCP) publiait la semaine dernière son rapport annuel (format PDF) sur la production de drogues en Afghanistan.  On y affirme, comme à la DEA, que la production d'opium a chuté de 94 % au cours de la dernière année, passant de 3 276 tonnes à 185 tonnes.  On fait, là aussi, allusion aux stocks qui seraient écoulés et qui maintiendraient un niveau d'approvisionnement des marchés.

Toutefois, au PNUCID, on précise qu'un seul des lieux de culture de l'opium toujours en exploitation, sur les 25 recensés, est en territoire taliban, et que les 24 autres sont situés au nord de l'axe Jellalabad/Konduz, donc en territoire sous contrôle de l'Alliance du Nord, les alliés pressentis par les États-Unis.

D'ailleurs, il existe une différence marquée entre les cartes des régions productrices d'opium en Afghanistan fournies en appui aux déclarations de la DEA, et celles venant appuyer les dires du PNUCID.

Certains observateurs des Nations Unies estiment que la chute du régime taliban, et l'accroissement du pouvoir politique de l'Alliance du Nord, entraînerait une reprise à grande échelle de la production d'opium.  Par exemple, dans un bulletin d'information en date du 18 octobre, la Fondation des Nations Unies rappelle que le régime taliban avait déclaré qu'en cas d'attaques aériennes de la part des États-Unis, l'interdiction de la production d'opium serait levée.  Le régime de Kaboul, ou ce qu'il en reste, n'a rien annoncé de tel jusqu'à maintenant, mais on craint qu'en l'absence des taliban pour faire respecter l'interdiction, la production reprendra de plus belle à l'échelle du pays.

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  Au fil des recherches : guerre bactériologique
Incroyable, ce qu'on trouve sur Internet.  Par exemple, en cherchant de la documentation sur les armes chimiques et bactériologiques, on apprend que le premier cas recensé d'utilisation d'armes chimiques remonte à 429 av.  J.-C.  lors de la guerre du Péloponnèse.  Selon le Center for Nonproliferation Studies du Monterey Institute of International Studies, les guerriers spartiates auraient utilisé des émanations de combustion de souffre et de brai de goudron pour incommoder l'ennemi.  La naissance des armes chimiques.

Il faudra attendre (personne n'était pressé) à 1346 pour le premier cas de guerre bactériologique.  Les Mongols, qui assiégeait les Génois occupant les fortifications de Kaffa (Crimée), catapultèrent des cadavres de pestiférés par dessus les murs pour contaminer les occupants.  On croit que la technique fut imitée par les Russes contre les Suédois lors de la Guerre du Nord (1710 à 1718).

Le premier cas d'utilisation d'armes bactériologiques en Amérique remonte à 1763, alors que les forces de Lord Jeffrey Amherst, commandant des forces britanniques, étaient assiégées à Fort Pitt (maintenant la ville de Pittsburg).  L'historien Peter d'Errico de l'Université du Massachusetts rapporte avec de nombreuses références à l'appui qu'un certain capitaine Siméon Écuyer livra aux autochtones de la tribu des Ottawa qui assiégeait le fort et qui était dirigée par le chef Pontiac, des couvertures et des morceaux de tissus infectés du virus de la variole qui faisait déjà rage à l'intérieur des fortifications.  La stratégie eut pour effet de déclencher une épidémie dans les rangs des autochtones, moins armés sur le plan immunitaire pour combattre les «maladies des blancs».

Le 29 juillet 1899, la Convention de La Haye sur les règles de guerre interdisait l'emploi de poison ou d'armes empoisonnées dans des conflits.  Mais malgré ce traité et d'autres qui suivirent, les armes chimiques et bactériologiques ont toujours fait partie de l'arsenal des belligérants, et les récents incidents ne viennent que s'ajouter à une longue liste de cas.

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  Combien nous coûtera le Pakistan?
Dans le jeux des alliances imprévues, mais que la situation commande, on a vu le secrétaire d'État Colin Powell se rendre au Pakistan et promettre au président Pervez Musharraf une «aide au développement» de 500 millions de dollars US.  Pour sa part, le Canada emboîte le pas et «salue la position courageuse que prend le Pakistan contre le terrorisme dans la région et considère que son rôle devrait être reconnu et appuyé par la communauté internationale».  C'est pourquoi «le Canada assouplira les sanctions contre Islamabad [Ndlr.  imposés après des essais d'armes nucléaires] et convertira jusqu'à 447 millions de dollars [Ndlr. canadiens] en prêts impayés, dus par le Pakistan à l'Agence canadienne de développement international (ACDI), qui seront utilisés pour un programme de développement en faveur du secteur social.» Lire le communiqué officiel.

En juin dernier, l'organisme Transparency International publiait son Indice de Perceptions de la Corruption 2001 qui reflète «le degré de corruption ressenti comme existant» dans les services publics et la classe politique de 91 pays.  Note maximale (haut niveau de probité) de 10.  La Finlande arrive au premier rang (9,9), le Canada se classe septième (8,9), les États-Unis seizième (7,6 ), la France vingt-troisième (6,7) et la Belgique vingt-quatrième (6,6). 

Pour ce qui est du Pakistan, il se classe au 79e rang (2,3), sur le même pied que la Russie et l'Équateur.

Comme ça, en passant.

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  Chutes publicitaires = publications en difficulté
Deux publications européennes ayant une importante présence sur le Web ont annoncé des coupures de postes et un remaniement de leurs produits Internet, et dans les deux cas la situation serait attribuable à la chute des recettes publicitaires.

Au quotidien parisien Libération, on supprimera dix-huit postes et le site Web proposera un menu allégé.  Serge July, directeur de la publication, expliquait vendredi : «les annonceurs n'ont cessé de se désengager depuis le mois de février, depuis l'effondrement de la nouvelle économie [...] cette tendance s'est aggravée avec ce que certains économistes ont appelé le “krach lent” [...] depuis les attentats du World Trade Center, ce phénomène a fait boule de neige.»

July affirme que le site Web de Libération est une réussite sur le plan de la portée avec ses trois millions de connexions mensuelles (chiffres de septembre), mais qu'il a perdu l'essentiel de ses recettes publicitaires.  D'écrire July : «Libération est depuis la première heure un pionnier de ce nouveau média mais celui-ci n'a toujours pas trouvé de modèle économique viable.  Nous entendons évidemment poursuivre nos investissements dans le Net, mais de manière temporairement plus réduite.  À côté de l'accès gratuit au site, dont le cœur restera l'actualisation de l'information et les services interactifs, nous étudions la mise en ligne d'abonnements payants.»

On lisait dans Le Journal du Net (JdN) que 11 des 18 suppressions de postes se feront aux services Internet de Libération qui compte 22 personnes, et que la rédaction électronique sera réduite à six journalistes.  Mais le JdN affirme que le site Web, qui en 2000 avait généré des revenus publicitaires avoisinant les neuf millions de francs (1,9 million $ CAN) contre des coûts d'exploitation d'environ 10 millions de francs, est aussi aux prises avec des difficultés d'ordre technique : «Les responsables du site ont retardé d'au moins neuf mois la mise en ligne de la nouvelle version du quotidien en ligne, alors que son architecture et sa charte graphique n'ont quasiment pas changé depuis l'ouverture.  Les responsables Internet rencontrent en effet de sérieuses difficultés d'adaptation d'une solution logicielle [...] Autant dire que la réflexion sur la définition d'éventuels modules payants, un sujet qui préoccupe tous les éditeurs de sites médias, n'est pas vraiment d'actualité.»

Outre-Manche, c'est le Financial Times, propriété du groupe d'édition Pearson, qui a annoncé la suppression de 15 % de son effectif de 1 050 salariés, et ces coupures toucheront tant l'imprimé que les opérations Internet du Times.  On mise sur le départ par attrition ou les retraites anticipées pour atteindre les objectifs de diminution de personnel, à défaut de quoi la direction cherchera à éliminer l'excédent de personnel.  The Guardian rapporte que le groupe Pearson a annoncé une baisse de 40 % de ses profits par rapport au dernier exercice financier.  De plus, The Guardian précise que d'avril à août, les recettes publicitaires du Financial Times ont chuté de 37 %.  Soulignons que le site Web du Financial Times proposait à la fois des contenus à accès libre et des sections à contenus payants, en plus de services de diffusion de dépêches sur dispositifs PDA.

Tous deux aux prises avec des recettes publicitaires en chute libre, Libération songe aux contenus payants, et le Financial Times n'y réussit pas.  Mais le modèle économique de l'utilisateur payeur ou encore des services à valeur ajoutée, à la Salon.Com, est-il viable? C'est qu'en fait, souligne le cabinet de recherche Forrester, les utilisateurs hésiteront à payer pour des contenus en ligne tant qu'ils jugeront que ces derniers sont superflus et, qu'à valeur informationnelle égale, ils ne leur épargnent pas une dépense dans des médias traditionnels.  Pour Forrester, une stratégie de contenus payants devra tenir compte de trois facteurs, soit l'exclusivité du produit, son intérêt et son utilité, et son potentiel de substitution à un produit média traditionnel.

Cette grille d'analyse est d'ailleurs reprise par Gerry McGovern dans la plus récente livraison de son bulletin «New Thinking».  McGovern écrit que, d'une part, l'idée qui prévaut est que tout ce qui se trouve sur Internet devrait être gratuit, mais qu'il en coûte cher pour assurer la qualité des contenus.  D'ici deux ans, les sites qui produisent un contenu de qualité auront soit fermé, soit emboîté le pas au modèle payant, car suffisamment de gens en auront assez de consulter des sites gratuits, mais de qualité douteuse.

Signe de la mouvance chez les sites d'information pur Web, une récente révision de notre page de ressources médias «Repères» s'est soldée par le retrait d'une quinzaine d'adresses périmées, de sites disparus ou tout simplement laissés en jachère.  Dommage.

En complément d'information, dans 01.Net, un dossier révélateur axé sur la mouvance vers le payant de la presse en ligne française.

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  Ordinateurs gratuits : Ford fait marche arrière
Le fabricant automobile Ford a annoncé qu'il mettait un terme à son programme «Model E» qui visait à doter gratuitement chaque employé d'un ordinateur et d'une imprimante.  Selon l'agence Reuters, la direction de Ford a informé ses 346 000 salariés vendredi dernier de sa décision, invoquant la situation économique difficile que traverse le fabricant.  On estime que depuis son lancement en février dernier (voir notre chronique du 8 février 2000), environ 166 000 salariés de Ford (la plupart aux États-Unis) s'étaient prévalus de l'offre qui était assortie d'un forfait d'accès Internet à 5 $ par mois. 

Plus tôt, la semaine dernière, Ford avait annoncé un second trimestre déficitaire consécutif, sa plus mauvaise performance depuis 1992.  Ford envisage un plan de restructuration qui pourrait signifier la mise à pied de 10 % de son personnel en Amérique du Nord.  Selon Ford, le ralentissement des ventes de véhicules neufs depuis le début de l'année, suivi des contrecoups des attaques terroristes de septembre et du climat d'incertitude qui influe sur la confiance des consommateurs, exigent ces mesures de redressement.

Mais le programme «Model E» de Ford avait déjà connu des ratés en juillet alors que le fournisseur d'ordinateurs et d'accès Internet pour le programme, PeoplePC, avait annoncé la fin de l'entente qui le liait au fabricant automobile pour la prestation de nouveaux services.  Les employés de Ford déjà inscrits au programme continueront cependant de bénéficier de tous les avantages du programme, y compris du forfait d'accès Internet et du soutien technique.  PeoplePC est un des spécialistes des programmes d'accès matériel et de branchement du personnel, et gère de tels forfaits pour le transporteur aérien Delta et le conglomérat médias Vivendi Universal, Bertelsmann, le New York Times Co.  et la société Cinergy. 

Ces programmes visant à faciliter l'accès aux ordinateurs et à Internet ont pour but de familiariser le personnel aux nouvelles technologies, et d'appuyer des initiatives des sociétés en matière de services en ligne.  Par exemple, le cas de la First Union Bank (notre chronique du 24 août 1999) qui proposait à son personnel un rabais de 500 $ à l'achat d'un ordinateur de marque Dell et un crédit bancaire au taux préférentiel de 8 % (avantageux à l'époque) pour financer la balance, visait à faciliter l'offre de services bancaires en ligne.  On réduisait du coup les dépenses en formation des salariés qui apprenaient sur le tas les rudiments des ordis et du réseau, et l'ajout d'un portail corporatif réservé au personnel contribuait au maintien de l'esprit d'équipe.

Mais, sans parler de recul, force est de constater que la conjoncture actuelle se prête mal aux initiatives du genre.

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  Lectures rapides : Libé, «La Toile» et site perso
Dans Libération, propos recueillis par Florent Latrive et Édouard Launet, l'auteur et sociologue Patrice Flichy soutient que «Le réseau est une construction sociale».  Dans un livre qui vient de paraître, «L'Imaginaire d'Internet» (Éditions La Découverte), Flichy examine le rôle des utopies et des idéologies dans le développement du réseau à partir de ses observations aux États-Unis : «Les discours californiens de l'époque, souvent issus de la contre-culture, décrivent une société dans toutes ses composantes : identité, rapport au corps, vie communautaire, économie, politique.  Dans tous ces registres sont apparus des discours nouveaux, on a même parlé de “nouvelle économie”.  C'est l'un des rares cas dans l'histoire des techniques où l'on associe à une nouvelle technologie une nouvelle forme d'organisation économique.»

Moins rapide comme lecture, et sur papier, nous nous sommes attaqués au roman de Jean-Pierre Balpe, «La Toile» (Éditions Cylibris, collection Anticipation), dont l'action débute à Montréal et se déplace par la suite, entre autres, en Sibérie (l'autre).  SitartMag nous dit : «Entre anticipation et enquête policière, [Balpe] décrit minutieusement et à travers nombre de péripéties ce que selon lui sera notre monde en 2015 ou ce qu'il pourrait devenir si les leçons de l'histoire n'étaient pas assimilées ou bien si l'on croit en l'éternel retour des phénomènes historiques [...] l'espèce humaine se compose bien de deux groupes : les "intégrés", qui, avec et grâce au Web, vivent paisiblement dans des quartiers "sécurisés" (on pense aux châteaux-forts mais aussi à certaines villes américaines ...) et les "désintégrés", ceux qui n'ont pu ou su avoir les moyens économiques et culturels pour accéder à la connaissance virtuelle; en marge d'une société élitiste, ils vivent de troc et d'expédients, tout comme les pays de l'hémisphère sud, le fossé s'étant bien entendu creusé [...] L'occasion pour le lecteur de s'introduire dans chaque caste d'une société déformée et dominée par la toile...  Car c'est bien elle le protagoniste omniprésent du roman.» Extrait de 12 pages en format PDF sur le site de Cylibris.  Merci à l'expéditrice de la version papier.

Dans uZine 2, sous le pseudonyme Grosse Fatigue, un texte à plusieurs niveaux sous le titre «À quoi sert un site perso?».  Les pages et sites personnels sur le Web constituent un phénomène qui ne semble pas altéré par la concentration de l'achalandage sur les méga-sites.  Pourquoi monter un site personnel? Plusieurs raisons, selon l'auteur, et entre autres : «En fin de semaine, le compteur va afficher 100 000.  Comme pour une bagnole.  Faut-il pour autant faire une révision? Bôf.  Une vidange peut-être? 100 000 visiteurs, ça ne veut pas dire grand-chose sur Internet.  Dérisoire pour TF1.fr, ça fait une matinée pour un site porno, et 2 ans pour mon site perso.  Ça fait une ville moyenne.  Ça fait les trois quarts par hasard qui reviendront plus, mais ça fait quand même un monde incalculable d'habitués, de causants, de silencieux.  C'est ainsi qu'on se raccroche aux chiffres, même pas matheux, pour trouver, in fine, une légitimité au site perso : y'a du monde qui passe, du monde qui vient voir, c'est déjà ça.»

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Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et toutes une excellente semaine.

Site personnel de Jean-Pierre Cloutier

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