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Page daccueil Les Chroniques de Cybérie
Le mardi 12 mars 2002

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine en Cybérie...

  Après le NY Times, c'est Fox qui purge ses archives en ligne
Après le New York Times qui a trafiqué ses archives en ligne pour amender un article compromettant pour les autorités (voir notre chronique du 19 février), c'est au tour de la chaîne Fox de retirer de ses archives en ligne les transcriptions de quatre reportages sur le démantèlement d'un présumé réseau d'espionnage israélien aux États-Unis.  «This story no longer exists» (ce reportage n'existe plus) peut-on lire à l'adresse où se trouvait, le 11 décembre, la transcription du premier d'une série de quatre reportages de Carl Cameron sur cette affaire d'espionnage. 

La censure a posteriori est-elle possible à l'ère d'Internet? De moins en moins.  Le site Web d'allégeance conservatrice FreeRepublic.Com a d'abord hébergé sur son site les transcriptions des reportages de Carl Cameron pour ensuite les retirer, mais des versions intégrales des transcriptions ont vite fait d'apparaître sur divers sites Web.

Du 11 au 14 décembre, Fox diffuse en rafale quatre reportages de Carl Cameron dans le cadre de son émission «Special Report» animée par Britt Hume.  Cameron, sur la foi de documents confidentiels, affirme qu'avant le 11 septembre 2001, 140 individus d'origine israélienne ont été détenus ou arrêtés dans le cadre d'une vaste enquête sur des activités d'espionnage de l'État d'Israël menées aux États-Unis.  Après le 11 septembre, une soixantaine d'autres personnes ont été arrêtées et ou détenues pour les mêmes motifs.

Selon Cameron, le réseau d'agents israéliens avait pour cible la DEA (agence de répression des drogues), le FBI (police fédérale), des douzaines d'installations gouvernementales, des bureaux secrets, et même les résidences privées de hauts cadres des services de renseignement étasuniens.  Mais les agents israéliens épiaient également de près les agissements de groupes islamistes aux États-Unis, certains très près des cellules responsables des attaques du 11 septembre.  Cameron lance alors la question explosive : comment pouvaient-ils [Ndlr. les agents israéliens] ne pas savoir ce qui se tramait? Dans ses reportages subséquents, Cameron implique des entreprises israéliennes du secteur de la haute technologie ayant pignon sur rue aux États-Unis (Amdocs, Comverse Infosys) qui auraient aidé les agents dans leurs activités de surveillance électronique.

Le 28 février, Guillaume Dasquié, rédacteur en chef du bimensuel Intelligence Online, dit détenir un rapport confidentiel de 61 pages qui confirme l'existence du réseau d'espionnage israélien.  Le journal Le Monde, dans son édition du 5 mars, reprend l'information et décrit le réseau : «une centaine d'agents israéliens, certains se présentant comme étudiants en beaux-arts, d'autres étant liés à des sociétés d'high-tech israéliennes.  Tous ont été interpellés par les autorités, interrogés et une douzaine d'entre eux seraient encore incarcérés.  L'une de leur mission aurait été de pister les terroristes d'Al-Qaida sur le territoire américain, sans pour autant en avertir les autorités fédérales.  Des éléments de cette enquête, repris par la télévision américaine Fox News, renforcent la thèse selon laquelle Israël n'aurait pas transmis aux États-Unis tous les éléments en sa possession sur les préparatifs des attentats du 11 septembre [...] Interrogé par Le Monde, Will Glaspy, du département Public Affairs de la DEA, a authentifié ce rapport, dont la DEA “détient une copie”.»

Autre information du Monde : «beaucoup des “étudiants en art plastique” soupçonnés d'activité illicite ont un passé militaire dans le renseignement ou des unités de technologies de pointe.  [...] Plusieurs sont liés aux sociétés de high-tech israéliennes Amdocs, Nice et Retalix.  Interpellée, une “étudiante” a vu sa caution de 10 000 dollars payée par un Israélien travaillant chez Amdocs.  Interrogés, deux autres reconnaissent être employés par Retalix.  Le Monde a obtenu d'autres informations non contenues dans ce rapport.  Six des “étudiants” interceptés possédaient un téléphone cellulaire acheté par un ex-vice-consul israélien aux États-Unis.»

Toujours le 5 mars, Ted Bridis de l'Associated Press (spécialiste des questions de surveillance, notre chronique du 4 décembre 2001), traite de l'affaire, mentionne le rapport de 61 pages obtenu par Intelligence Online, et précise que l'authenticité du dit rapport a été confirmée par le porte-parole de la DEA à Washington, Rogene Waite.  Bridis rajoute une information intéressante : en mars 2001, le National Counterintelligence Executive (agence gouvernementale des États-Unis) avait émis un avertissement aux employés de l'administration publique fédérale.  Le NCE faisait état des activités de groupes de personnes se décrivant comme «étudiants israéliens en beaux-arts» qui tentaient d'obtenir des renseignements sur des installations gouvernementales : «Des agents de la police fédérale ont arrêté deux de ces individus pour violation de propriété et découvert qu'ils étaient en possession de visas et permis de travail contrefaits.»

Mercredi, 6 mars, à Washington, des porte-parole de l'administration publique nient tout lien entre la présence de ces individus en sol étasunien et un soi-disant réseau d'espionnage.  Selon le Washington Post, on impute maintenant le rapport secret de 61 pages à un enquêteur de la DEA mécontent des conclusions auxquelles ses collègues du FBI et de la CIA en seraient arrivés, soit qu'il n'y avait pas de réseau d'espionnage.  On reconnaît qu'au cours des neuf premiers mois de 2001, on a arrêté et déporté des douzaines de ressortissants israéliens, mais qu'il s'agissait de personnes qui ne disposaient pas de documents en règle.

Puis, ce 11 mars, le périodique Insight on the News revient sur l'affaire, affirme que ses journalistes menaient eux aussi une enquête sur ce réseau d'étudiants en beaux-arts au comportement des plus étrange, et accrédite la thèse de Carl Cameron et de Intelligence Online.

Il s'agit d'un dossier éminemment délicat, mais on s'explique mal qu'une chaîne de télévision comme Fox supprime sans explication de ses archives en ligne les premiers éléments d'une enquête journalistique.  Comme dans le cas du New York Times, il s'agit d'une décision qui mine la crédibilité du médium et son potentiel d'archivage de documents.  Laisserait-on faire s'il s'agissait d'un autre médium?

D'autre part, aucune des sociétés israéliennes impliquées par le reportage de Fox n'a menacé de poursuivre la chaîne de télévision ou son journaliste.  La reprise sur d'autres sites Web des transcriptions n'a jusqu'à présent entraîné aucune menace de poursuite de la part de Fox pour violation de droits d'auteurs.  Devra-t-on par contre, dès que l'on consulte un dossier «sensible», s'empresser de s'en faire une copie personnelle de peur qu'il ne disparaisse?

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  Google aime la CIA, mais perd un contrat
La société britannique de sécurité informatique Matta a servi la semaine dernière un avertissement à la CIA sous forme de compte rendu, obtenu très légalement, sur son infrastructure de télécommunications.  Le document de 11 pages (format PDF), décrit avec précision les diverses composantes de communication de la centrale de renseignement et de son réseau de serveurs (illustration).

Le portrait composite de Matta a été élaboré grâce à des techniques enseignées dans des cours sur la sécurité, à divers outils accessibles à tout utilisateur d'Internet (recherche whois, requêtes DNS), ainsi qu'au moteur de recherche Google particulièrement efficace pour dresser la liste du personnel des services stratégiques, leur adresse courriel, leur numéro de téléphone.  Sans révéler de failles véritables, Matta a néanmoins découvert des vulnérabilités qui pourrait être exploitées à mauvais escient.

Puis, perte d'un important contrat pour Google.  Le 27 février, la General Services Administration (GSA - agence des services généraux de l'administration publique étasunienne) dévoilait la nouvelle version du portail gouvernemental FirstGov réalisée au coût de 350 000 $.  On voulait une interface plus légère, plus conviviale, et surtout plus facile à consulter.  Le site regroupe des liens vers 22 000 sites Web gouvernementaux, 51 millions de pages Web.  Le 8 mars, on apprenait de l'hebdomadaire Federal Computer Week (FCW) que la GSA verserait deux millions de dollars par année pour cinq ans à la société AT&T pour les services d'un moteur de recherche sur le portail FirstGov.  Ce qui n'a pas plus aux soumissionnaires concurrents, c'est que AT&T s'associera pour le projet à la société norvégienne Fast Search & Transfer (qui exploite le moteur de recherche AllTheWeb).

Déception chez Inktomi, qui fournissait déjà le service sur FirstGov et à qui plusieurs accordaient une longueur d'avance sur ses concurrents, surtout que cette société avait fourni le service gratuitement pour une période de trois ans.  On aurait toutefois estimé que Inktomi rapportait trop de résultats, et trop souvent des documents hors contexte par rapport aux objets de recherche. 

Mais selon un observateur cité par le FCW, Google (société étasunienne) aurait pu offrir les mêmes services pour deux millions de moins que les dix millions que coûtera l'entente signée avec AT&T/Fast.  On soulève aussi les arguments de «nationalisme économique».

Dans une déclaration écrite, la GSA a fait valoir les caractéristiques d'efficacité du robot indexeur de Fast, et le fait qu'il indexe les documents HTML, PDF , et d'autres formats.  Ce qui fait dire aux critiques que la plupart des moteurs de recherche, dont Google, offrent ces mêmes fonctionnalités.

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  Domaines : .EU, .KIDS.US, .ORG et resquilleurs, et un .BRIT?
Diverses nouvelles concernant les noms de domaines nous sont parvenues récemment.  Bref survol.

Le Parlement européen a adopté la recommandation de la Commission européenne sur le projet de mise en œuvre du suffixe de domaine de premier niveau .EU qui permettra aux citoyens, aux organismes et aux entreprises d'Europe d'enregistrer de tels noms de domaines.  Le commissaire européen, M. Erkki Liikanen, s'est réjoui de cette décision qui selon lui élargira le choix des entreprises et des citoyens européens, accélérera le démarrage d'Internet et renforcera le commerce électronique sur le marché intérieur européen.  De dire M. Liikanen : «Par exemple, cela permettra à une entreprise ayant des filiales dans plusieurs États membres de l'UE ou dans tous ces pays de manifester sa présence à l'échelle européenne sur l'Internet.  Ce domaine constitue en lui-même l'émanation tangible de l'Union européenne dans le cyberespace.» L'adoption finale du règlement par le Conseil des ministres de l'Union européenne devrait se faire sous peu, après quoi on procédera à la mise sur pied d'un organisme gestionnaire sans but lucratif pour le nom de domaine .EU.

À l'automne 2000, l'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), organisme responsable de gérer les noms et l'adressage des domaines Internet, retenait sept nouveaux noms de domaines de premier niveau (AERO, BIZ, COOP, INFO, MUSEUM, NAME, et PRO, voir notre chronique du 21 novembre 2000).  Un nom de domaine .KIDS, réservé aux contenus pour les jeunes, avait été proposé.  Toutefois, l'équipe d'évaluation de l'ICANN avait estimé que ces contenus étaient suffisamment bien desservis par les structures existantes. 

Aux États-Unis, certains législateurs tenaient à proposer un nom de domaine qui puisse désigner des contenus sans danger pour les jeunes de moins de 13 ans, c'est-à-dire qui ne contiennent aucune pornographie ou autres éléments jugés nuisibles pour eux.  Un groupe de législateurs membres du comité de la Chambre sur l'Énergie et le Commerce vient d'ouvrir la voie à la création d'un nom de domaine de deuxième niveau, soit le .KIDS.US (le .US étant le domaine de premier niveau pour les États-Unis, mais très peu utilisé).  Le comité a donc approuvé le projet de loi H.R. 3833, le «Dot Kids Implementation and Efficiency Act of 2002» qui, s'il est ratifié par l'ensemble de la Chambre des représentants, verra à la mise sur pied du .KIDS.US.  La gestion du domaine .KIDS.US sera confiée à la société NeuStar qui sera responsable de l'élaboration des normes et de leur respect.

Un des parrains du projet, le représentant Edward Markey (démocrate, Massachusetts) a déclaré devant le comité : «Le nom de domaine .KIDS sera dans le cyberespace un sanctuaire pour les contenus appropriés aux jeunes de moins de 13 ans et sera exempt de contenu qui pourrait nuire à ces jeunes [...] Que vous soyez au Tennessee, à Taïwan ou à Tombouctou, vous pouvez dire ce que vous voulez et le diffuser sur Internet.  Notre proposition ne modifie en rien votre droit à le faire dans des noms de domaines .COM, .NET, .ORG ou autres, elle ne fait qu'établir un sous-ensemble du commerce Internet dans l'espace .US.»

L'ICANN est à la recherche d'un gestionnaire pour le nom de domaine .ORG.  À compter du 31 décembre 2002, il est prévu que le gestionnaire Verisign (qui gère les .COM et .NET) ne sera plus responsable du .ORG, en échange d'une exclusivité de gestion du .COM négociée avec l'ICANN.  Cette semaine, l'ICANN se réunit à Accra (Ghana) et entretiendra des discussions sur l'avenir de la gestion du .ORG, soit la mise sur pied d'une nouvelle entité de gestion, soit le choix d'une entité existante.  L'ICANN a déjà publié un dossier fort étoffé sur la question importante de la transition de gestion du domaine .ORG, traditionnellement réservé aux organismes sans but lucratif ou communautaires.

Un conseil aux administrateurs de noms de domaines et de sites Web.  Lorsque votre régistraire agréé vous souligne que l'inscription de votre nom de domaine vient à échéance et qu'il faut le renouveler, ne tardez pas trop à le faire.  Un article de PC World dévoile les agissements de resquilleurs qui s'approprient les noms de domaines nouvellement expirés, des «agrégateurs d'achalandage».  Sous se vocable évocateur se cachent des personnes qui, une fois le nom de domaine approprié, redirigent son achalandage vers des sites pornographiques.  La technique est simple : certains services (légitimes) offrent des listes de noms de domaines non renouvelés.  Les resquilleurs s'accaparent de ces noms de domaines (en moyenne, 35 $ US pour un an) et redirigent les requêtes DNS vers des sites pornographiques.  Les exploitants de ces derniers versent aux resquilleurs une commission pour chaque visite sur leurs sites.

L'ICANN est sensible au problème, mais ne peut agir directement en vertu des droits à la liberté d'expression; elle suggère aux régistraires d'étendre les préavis de renouvellement pour donner plus de temps aux détenteurs légitimes de se manifester.  Les démarches juridiques pour les administrateurs spoliés de leurs noms de domaines et qui voudraient les récupérer peuvent être longues et coûteuses.

Parmi les victimes : le Special Interest Group on CD/DVD Applications and Technology (www.sigcat.org), un groupe OSBL d'échange sur la technologie vieux de 15 ans; le site d'Industrie Canada consacré au passage à l'an 2000 (www.can2k.com/); le site de l'Orchestre philharmonique de Washington (www.wsodc.org/); le site du gouvernement néerlandais sur la conférence de 2000 sur les changements climatiques (www.climatechange2000.org/) qui pointent tous maintenant vers le portail Adult City.

La Federal Trade Commission (FTC, organisme de réglementation du commerce aux États-Unis) a obtenu d'un tribunal la fermeture d'un site Web qui proposait des noms de domaines aux suffixes fictifs tels .USA et .BRIT.  Un groupe d'entreprises basées aux États-Unis et en Grande-Bretagne a aussi vu ses avoirs saisis de manière à ce que les consommateurs lésés puissent être dédommagés.  Le site Web www.dotusa.com (fermé) faisait sa promotion principalement par envois commerciaux non sollicités (pourriel) et vendait ces faux noms de domaines 59 $ US.  La FTC estime que ces fraudeurs auraient pu, en un an, empocher près d'un million de dollars.  Les consommateurs auraient dû se méfier car les suffixes de noms de domaines relatifs à des entités géographiques sont composés de deux lettres, conformément à la norme ISO 3166.  C'est un système relativement fixe, peu sujet à modification, sauf un cas récent lorsque l'Union soviétique a éclaté, et qu'on a permis que le suffixe .SU (Soviet Union) fonctionne en parallèle avec le .RU (Russia) et les suffixes des nouveaux États indépendants.  Il existe aussi certains cas de non utilisation pour des motifs évidents, comme le .AF (Afghanistan) et le .PS (État palestinien).  Peut-être, un jour... 

Un conseil : pour réserver un nom de domaine, faites toujours affaire avec des régistraires agréés auprès des autorités compétentes.  Par exemple, au Québec iWebréservation est agréé par l'ACEI (Association canadienne pour les enregistrements Internet) [Ndlr. iWebréservation est le prestataire de service des Éditions Cybérie].  En France, Gandi est agréé par l'ICANN.  Vous aurez également l'avantage des interfaces et des démarches administratives en français.

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  Pollution techno : pas prioritaire au Québec
C'est un dossier qui nous tracasse d'une part par l'ampleur des conséquences, et d'autre part par la relative simplicité avec laquelle on pourrait y apporter des solutions.

Fin novembre dernier, dans Multimédium, nous tentions d'attirer l'attention du ministre québécois d'État à l'Environnement et à l'Eau, André Boisclair, sur la question du recyclage des ordinateurs et autres dispositifs électroniques désuets.  Nous écrivions : «D'une part, il serait souhaitable de procéder avec célérité pour déterminer l'ampleur éventuelle du problème de l'”informatique-rebut” au Québec.  D'autre part, il conviendrait de revitaliser et d'étendre les projets actuels de recyclage, de récupération et de remise en valeur du matériel informatique.  En complément à ces actions, il importerait de lancer une vaste campagne d'information sur ces services et sur les dangers liés à la disposition non contrôlée du matériel informatique désuet de manière à développer chez nos utilisateurs le réflexe du recyclage et de la réutilisation.»

Le 20 février, nous recevions une aimable réponse de l'attaché politique de M.  Boisclair, six paragraphes dont l'essentiel tient en six lignes : «Un groupe de travail fédéral-provincial examine la problématique de façon à coordonner les initiatives provinciales et fédérales dans ce domaine, vu la nature des entreprises concernées [...] À l'échelle du Québec, le Ministère a mis en place un Programme d'aide aux entreprises d'économie sociale œuvrant dans le secteur de la gestion des matières résiduelles.»

Notre collègue Jean-François Parent de Multimédium publiait vendredi dernier les résultats d'une enquête exclusive sur la question : «Mille tonnes de déchets électroniques dangereux disparaissent chaque année au Québec».  Description chiffrée du problème : «En se basant sur les estimations d'Environnement Canada pour le tonnage total de déchets électroniques, on peut évaluer la production totale de déchets informatiques à 20 000 tonnes annuellement au Québec.  Pourtant, on n'en retrouve qu'environ 8 000 tonnes dans les processus d'élimination, de recyclage ou d'entreposage; 12 000 tonnes ne sont donc pas recensées.  Sachant qu'environ 9 % des composantes informatiques sont des produits toxiques, on conclut qu'il existe 1 080 tonnes de déchets dangereux dont on ne sait pas ce qu'il advient.»

Au ministère de l'Environnement, on admet que le problème est une source de préoccupation, mais on ajoute du même souffle qu'il y en a de plus importantes pour l'instant : «Nous n'avons d'ailleurs aucune donnée spécifique pour le Québec concernant cette question.  Bien sûr que l'oxyde de plomb présent dans les écrans pose problème, mais d'autres dossiers méritent priorité.  Au sens de la réglementation sur les matières dangereuses, il n'y a pas de “cause of concern” pour les déchets informatiques.»

Well, we beg to differ on this.

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  Daniel Pearl : suivi
Dimanche, 3 mars, le secrétaire d'État Colin Powell déclare en entrevue à la chaîne CNN n'avoir aucune preuve de l'implication des services secrets pakistanais (ISI) dans l'enlèvement du journaliste Daniel Pearl (voir transcription).  Le même jour, toujours à CNN, on demande à Maleeha Lodhi, ambassadeur du Pakistan à Washington, pourquoi le principal suspect Ahmed Omar Saeed Shaikh a été détenu et interrogé pendant sept jours par des cadres de l'ISI avant d'être livré aux autorités policières.  Réponse : ce qui comptait c'était de ne pas informer le public et les autres ravisseurs de sa détention (voir transcription).

Lundi, 4 mars, le gouvernement pakistanais informe officiellement les autorités étasuniennes que le principal suspect dans l'enlèvement du journaliste Daniel Pearl, Saeed Shaikh, sera d'abord jugé au Pakistan avant de procéder à toute demande d'extradition aux États-Unis.  Selon le quotidien pakistanais Dawn, le ministère public se heurte toutefois à certaines difficultés : les présumés complices de Saeed Shaikh sont toujours au large, les aveux qu'il a fait n'ont pas été enregistrés sous serment, donc inadmissibles devant un tribunal, et le corps de Pearl n'a pas été retrouvé.

Mardi, 5 mars, le quotidien Dawn qui cite des sources policières rapporte que ces dernières mettent en doute l'authenticité de la bande vidéo de l'assassinat de Pearl.  De plus, un fait nouveau qu'on s'explique mal.  Pearl a été enlevé le 23 janvier.  Le 4 février, un siège sur le vol PK-757 de la Pakistan International Airlines en direction de Londres est réservé en son nom.  Le billet est annulé le 8 février par l'acheteur qui demeure inconnu.  Mystère.

«Il cherchait à en savoir trop.  Il s'est trop investi dans son enquête.» C'est le président pakistanais Pervez Musharraf qui commentait ainsi, jeudi dernier, 7 mars, la disparition de Daniel Pearl (voir CNN).  Il a ajouté : «Il y a un danger dans cette profession.  Nous devons être prudents.» M.  Musharraf n'a pas précisé pour qui les journalistes curieux représentaient un danger, pas plus que ce qu'englobait ce «nous» qui doit être prudent.

Samedi, 9 mars, c'est dans un fourgon blindé que le principal suspect, Saeed Shaikh, a été amené devant un tribunal de Karachi pour l'audition d'un témoin important.  Un chauffeur de taxi aurait vu Saeed Shaikh accueillir Daniel Pearl au restaurant d'où il est disparu.  L'audience se tenait à huis clos, aucun journaliste n'a été admis (voir BBC).

Lundi 11 mars, le Times of India revient sur l'étrange déclaration de Pervez Musharraf et pose directement la question : Pearl aurait-il découvert certains secrets embarrassants pour les services de renseignement pakistanais, le ISI? Un observateur suggère : «Relisez le journal que Saeed Shaikh tenait alors qu'il était emprisonné en Inde.  Il est rempli de références élogieuses à l'endroit de l'homme qui l'a inspiré.  Et cet homme est Shah sahab», l'ancien agent de renseignement de l'ISI à qui Saeed Shaikh s'est rendu le 5 février.

Mardi, 12 mars, un tribunal de Karachi accordait un délai ultime au ministère public, le 20 mars, pour inculper formellement Saeed Shaikh pour sa participation dans l'affaire Daniel Pearl, à défaut de quoi il serait extradé aux États-Unis (voir CNN).  Les procureurs ont déclaré que si l'enquête piétine, c'est que de nombreux complices sont toujours au large et qu'ils sont confrontés à de fausses identités.

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  Six mois après
Suis-je le seul à avoir l'impression qu'une éternité s'est écoulée depuis que tout a basculé? Et pourtant non, six mois seulement, six mois au cours desquels nos sociétés ont vécu des transformations majeures, adopté de nouveaux mots, se sont faites à l'idée que rien ne serait plus jamais le même.  Quelques constatations :

Lundi, 11 mars, recherche dans Google pour “11 septembre” : 228 000 résultats.  En anglais, pour “september 11” : 2,7 millions de résultats, et pour “bin laden” 1,9 million de pages.  En 180 jours, faites le compte.  Hitler, toutes langues confondues, ne donne que 1,2 million de pages.

Évidemment, il faut parler du train de mesures législatives que bon nombre de pays ont adopté à toute vapeur.  Au Canada, les lois C-36 (loi antiterrorisme), C-42 (sécurité publique) et C-44 (information sur les passagers aériens) ont modifié de fond en comble le Code criminel et introduit de nouvelles notions en droit canadien, comme la détention préventive, l'impossibilité d'invoquer le droit au silence, l'actualisation du concept d'«urgence», la création de zones militaires, la transmission de données personnelles à des tiers, etc.  Commentaires des principaux ministres parrains de ces changements : les Canadiens et les Canadiennes devront s'habituer.  Certaines des modifications seront soumises à une clause crépusculaire, compromis obtenu à l'arraché par les partis d'opposition, contrat de confiance d'une durée de cinq ans entre l'État et les citoyens.  Dossier des mesures législatives dans Cyberpresse.

Le Canada n'est pas le seul État à avoir renforcé son cadre juridique avec le prétexte fourre-tout de la lutte au terrorisme et au détriment des droits de la personne.  La Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme, l'organisme Human Rights Watch et Reporters sans frontières ont créé le site Web Libertés-immuables.net pour assurer un suivi de la question des droits et libertés dans cette mouvance post 11 septembre.

Parlons bourses.  Les marchés ont sérieusement écopé de l'incertitude qui a immédiatement suivi le 11 septembre.  Depuis, malgré une autre perte de confiance soulevée par les scandales Enron, Global Crossing et Andersen, l'indice Dow Jones est plus élevé qu'il ne l'était avant le 11 septembre.  En fait, en ce jour qui marquait les six mois écoulés depuis les événements, le Dow atteignait la meilleure cote en neuf mois.  «Achetez au canon, vendez au clairon» professe le dicton boursier.  L'indice technologique NASDAQ s'en sort kifkif malgré, là aussi, la vague de scandales et une faiblesse des ventes au détail.

Aux États-Unis, mis à part la rhétorique des va-t-en-guerre qui s'est vite manifestée par des actions concrètes dont on ne voit plus la fin, que peut-on constater dans le quotidien? Selon l'institut de sondages Gallup, pour 55 % des Étasuniens, les événement ont modifié leur façon collective de vivre de manière permanente.  Au lendemain du 11 septembre, ils n'étaient que 49 % à être de cet avis.  Cependant, 25 % des citoyens estiment permanents ces changements dans leur vie personnelle.  Les effets perdurent : 62 % estiment que les choses sont quelque peu revenues à la normale, et 34 % pas du tout.

Marc Ramirez du Seattle Times a compilé certaines statistiques de sources publiques qui tracent un portrait étrange des effets du 11 septembre.  À Washington, on rapporte 600 incidents de violence ou de discrimination contre des personnes d'origine arabe ou de religion musulmane, dont 11 s'étant soldées par la mort des victimes.  À Seattle, on enregistre une hausse de 26 % des ventes de livres sur la spiritualité.  À Detroit, on accuse une baisse de 32 % des ventes de couteaux suisses Victorinox désormais interdits sur les avions.  À l'échelle nationale, on notera l'embauche de 30 000 gardiens de sécurité supplémentaires dans les aéroports, et des recettes au guichet combinées de 294 millions de dollars pour les cinq films hollywoodiens traitant de guerre et de lutte au terrorisme ayant fait leur sortie depuis le 11 septembre.  Retour chez Google, l'expression “post 9/11” (après le 11 septembre) nous propose 43 000 pages.  En français, “après le 11 septembre” rapporte 5 270 résultats.

En janvier dernier, Ron Kampeas de l'Associated Press s'interrogeait justement sur l'effet «après coup» du 11 septembre, mais à la lumière de déclarations de la Première dame des États-Unis et du secrétaire d'État Colin Powell. 

Madame Laura Bush avait déclaré qu'après le 11 septembre, le taux de divorce avait chuté, le nombre de mariages avait augmenté, et le tissu familial s'était resserré.  En fait, cette déclaration ne repose sur aucune donnée fiable.  Au contraire, Kampeas fait état d'une hausse des divorces, d'une baisse des mariages, et d'une modification importante du comportement des femmes étasuniennes : une enquête a révélé qu'après le 11 septembre, 36 % des répondantes disaient passer davantage de temps avec leur chien, et 20 % plus de temps avec leur conjoint ou partenaire.

Le secrétaire d'État Colin Powell avait pour sa part affirmé qu'après le 11 septembre, les citoyens s'enrôlaient dans les forces armées en plus grand nombre.  Encore là, les statistiques ne font état d'aucune hausse de l'enrôlement volontaire qui se maintient entre 6 000 et 7 000 personnes par mois.

Criminalité.  Un sondage ABC/Washington Post laissait croire en un effet social profond du 11 septembre qui se traduisait par une plus grande conscience sociale et une baisse de la criminalité.  De nouveau, une illusion que le très conservateur New Republic dissipe chiffres à l'appui.  Par exemple, à Washington, le nombre d'homicides en septembre 2001 a été en hausse de 35 %, de 87,5 % en octobre, et de 92,9 % en novembre comparativement aux périodes correspondantes en 2000.  Pour les six premières semaines de l'année, à Los Angeles, le nombre d'homicides était de 60 % supérieur à la période correspondante en 2000.  On rapporte également une hausse de la criminalité à Philadelphie, Boston, Baltimore, Houston, St-Louis, la Nouvelle Orléans, Phoenix, Chicago et San Francisco.

Enfin, on sait que les États-Unis sont d'importants exportateurs de déchets dangereux.  Pourquoi en serait-il autrement après le 11 septembre, et justement avec les débris métalliques du World Trade Center? On apprend du groupe Corpwatch que 33 000 tonnes de débris du WTC ont été «exportés» en Inde, 50 000 tonnes en Chine, et diverses autres livraisons dans des pays asiatiques.  En tout, 1,5 million de tonnes de ces débris pourraient prendre le chemin de l'Asie.  Le problème réside dans la contamination de ces débris aux dioxines, biphényls polychlorés, cadmium, mercure, amiante et plomb.  On sait que de nombreux pompiers, secouristes et préposés au déblayage des débris au WTC manifestent de mystérieux symptômes d'intoxication, ce qui n'a rien pour rassurer les «importateurs».

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  Beau détour en numérique
La photo numérique acquiert peu à peu ses lettres de noblesse.  Les appareils deviennent de plus en plus performants, au point que les résultats font belle concurrence à l'argentique.  Cette semaine, invitation aux portfolios de deux photographes sud-africains, Malcolm Dare et Des Kleineibst sur le site Pixel Foundry, leur entreprise de photographie se spécialisant dans les campagnes marketing.  Ne vous attendez pas à y trouver l'équivalent de vos clichés deux ou trois megapixels, Pixel Foundry ne travaille que dans le haut de gamme.  Mais la qualité de leur travail est saisissante et augure bien pour les futures générations d'appareil numériques.

Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et toutes une excellente semaine.

Site personnel de Jean-Pierre Cloutier

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