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Page daccueil Les Chroniques de Cybérie
Le mardi 26 mars 2002

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine en Cybérie...

  Conflit de travail à Radio-Canada, et «Blogue-out», portraits d'un conflit de travail
Un conflit de travail opposant les 1 200 membres du Syndicat des Communications de Radio-Canada (SCRC - journalistes, recherchistes, assistants de réalisation et de production, animateurs et lecteurs de nouvelles) à leur employeur perturbe sérieusement la programmation de la chaîne d'État, tant à la radio qu'à la télévision.  Situation confuse : les syndiqués avaient déclenché une grève de 24 heures, mais se sont vus refuser l'entrée des locaux de la société d'État au terme de leur arrêt de travail; le SCRC a porté plainte devant le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI); la direction affirme qu'il ne s'agit pas d'un lock-out, mais bien d'une grève générale illimitée.  Assemblée générale du syndicat, ce mardi 26 mars, et audience devant le CCRI.

La chroniqueure médias du quotidien La Presse brosse un triste portrait de l'information qui «reste à voir» à la télé : «Il n'y a plus de téléjournaux avec présentateurs et météo et analyses à Radio-Canada depuis vendredi.  Mais après avoir annoncé un congé de nouvelles pour le week-end à la Première Chaîne, Radio-Canada s'est ravisée et a diffusé simultanément sur ses deux chaînes un bulletin où des voix généralement inconnues - sauf celle du patron des nouvelles Jean Pelletier - nous racontent l'actualité.  Le style n'y est pas, mais la plupart des nouvelles y sont.» Pour ce qui est des informations à la radio...

Répercussions sur le Web : le SCRC nous propose une revue de presse quotidienne sur le conflit tel que traité par les médias, et publie également son journal syndical, «Le Petit canard», qui d'éditions spéciales «négo» est passé aux éditions spéciales «grève» puis aux éditions «lock-out».

Mais la perspective originale est celle de «Blogue-Out : portraits d'un conflit», un blogue mis en ligne par Jean-Hugues Roy, l'ex-animateur de l'émission sur les nouvelles technologies «Branché» qui a joint les rangs de la salle des nouvelles depuis le retrait de l'émission de la grille horaire.

L'avis est de mise : «Ce blogue est une initiative personnelle de Jean-Hugues Roy et ne représente ni l'avis de Radio-Canada, ni l'avis du Syndicat des communications de R.-C.» Et pourquoi un blogue sur le conflit? On sait que la précarité des emplois des contractuels, surnuméraires, temporaires et autres est un des points en litige.  Roy explique : «J'ai eu une idée la nuit dernière, celle qui porte conseil.  Chaque jour que le lock-out se poursuivra, je ferai le portrait d'un-e collègue qui travaille dans la précarité.  Ça mettra un visage sur une abstraction.»

Mais le techno-branché et adepte de la photo numérique ne se limite pas aux images et y va également de commentaires bien sentis de l'intérieur, comme celui-ci : «Les cellulaires fournis par RC ne fonctionnent plus depuis vendredi avant-midi.  Un moindre mal si on travaille à Montréal.  Mais les copains de Sans Frontières qui sont en Israël et dans les Territoires sont soudain incomunicado...  En zone de guerre, un cellulaire peut vous sauver la vie.»

On aime les blogues de journalistes, on déplore qu'il y en ait si peu en français, mais souhaitons à Blogue-Out une courte vie.  On se souvient trop, pour l'avoir vécue, de la grève de huit mois des journalistes, du 30 octobre 1980 au 30 juin 1981.

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  Meyssan/Voltaire : suites
La semaine dernière, nous vous parlions du livre «L'effroyable imposture» de Thierry Meyssan du Réseau Voltaire, qui prétend qu'aucun avion ne s'est écrasé sur l'édifice du Pentagone le 11 septembre 2001, et que le monde entier a été berné par les sombres stratèges étasuniens.  Nous écrivions : «...  on peut supposer les effets qu'aura cette histoire sur les sites Web indépendants d'information : une perte de crédibilité associée à jamais à l'affaire Pentagone/Réseau Voltaire. 

Et ça n'a pas tardé.  Dans l'édition du 21 mars du journal Le Monde, un éditorial, «Le Net et la rumeur», dans lequel on peut lire : «L'information est un travail, avec ses règles, ses apprentissages, ses vérifications.  Grâce à la liberté qu'offre le Net, certains croient pouvoir s'en émanciper et propager le faux sans rencontrer les obstacles professionnels, déontologiques ou commerciaux qui sont ceux des autres médias.  S'ils se font ainsi une notoriété, c'est hélas au détriment de la liberté, qu'ils discréditent, et de la démocratie, qu'ils rabaissent à un jeu d'ombres où le complot serait partout et la vérité nulle part.  Pauvre Voltaire!»

Au Nouvel Observateur, on a invité un psychiatre (qui avoue ne pas avoir lu le livre) qui parle du «Nouvel obscurantisme» : «Plutôt que de faire appel à la clinique psychiatrique et à la paranoïa, je trouve plus intéressant de se dire que ce livre participe de ce que l'on pourrait appeler le nouvel Obscurantisme, qui est actif notamment à travers l'Internet, c'est-à-dire par le biais de ce que la science, de ce que la technique réussit de plus sophistiqué.  Je trouve plus intéressant de se dire que c'est le déchaînement de la science : plus elle progresse, plus elle s'échauffe elle-même et plus elle échauffe les esprits.  Il ne faut pas penser que plus la science progresse plus elle rend les gens intelligents.»

Ce que ne disent jamais ces interventions woltonesques, c'est qu'Internet et le Web ont leurs chiens de garde, et qu'une «rumeur» ou des relents d'«obscurantisme» qui pointent sur Internet y sont vivement contestés, comme sur les sites Snopes.Com, Hoaxbuster ou encore Vmyths.Com pour les canulars liés aux virus informatiques. 

Ou qu'encore, des recherchistes comme la «forumancière» Garance sur France5 n'hésitent pas à prendre «L'effroyable imposture par les liens» Internet, signalés par Thierry Meyssan pour étayer son livre, et pour voir là où ils menaient.  Sur les liens hypertextes de référence de Meyssan dans son livre, un bien triste constat : il y a souvent détournement du contenu des sources au profit de la thèse de Meyssan.  Un travail appliqué de Garance qui, elle, a au moins pris le temps de lire le livre.

Entre temps, «L'effroyable imposture» de Thierry Meyssan s'est hissée au premier rang du palmarès des ventes sur Amazon.fr.

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  Logiciels filtres : le juge filtre l'audience
La saga juridique sur l'utilisation des logiciels filtres (23 janvier 2001) a repris, hier 25 mars, devant un tribunal de Philadelphie.  Bref rappel du contexte : le CIPA (Childrens' Internet Protection Act) dispose que toute école ou bibliothèque publique qui veut profiter de l'aide financière fédérale destinée aux équipements informatiques et de télécommunications (programme E-rate), doit installer un dispositif de filtrage sur les postes de travail offrant l'accès à Internet; ce dispositif doit permettre de filtrer tout contenu obscène, de pornographie juvénile, ou encore que les responsables estiment inappropriés pour les personnes d'âge mineur.  La American Civil Liberties Union (ACLU) conteste les dispositions du CIPA, de concert avec la American Library Association (ALA), en alléguant que les logiciels de filtrage représentent une atteinte aux libertés constitutionnelles et imposent un fardeau financier indu aux bibliothèques.

Hier, donc, alors que les procureurs de l'ACLU, de l'ALA et du ministère de la Justice (DoJ - intimée dans la cause) débattaient de la question devant un banc de trois juges, coup de théâtre : les procureurs du fabricant de logiciel filtre N2H2 ont présenté une demande d'urgence pour que l'audience se tienne à huis clos.  Selon Declan McCullagh du service de nouvelles Wired, le juge en chef Edward Becker a acquiescé à la demande et demandé au public et aux journalistes présents de quitter la salle d'audience.

N2H2 a fait valoir que la comparution de témoins experts pourrait exposer des secrets commerciaux sur le fonctionnement de ses logiciels filtres.  La requête de N2H2 a interrompu le témoignage de Geoffrey Nunberg, chercheur en linguistique à Stanford, qui expliquait comment il est impossible pour un logiciel filtre de sélectionner efficacement les contenus offensants des contenus inoffensifs.  Les procureurs de l'ACLU et du DoJ ont contesté en vain le huis clos; le juge a rétorqué qu'une transcription épurée de tout secret commercial serait rendue publique. 

Rappelons que N2H2, fabricant du logiciel de filtrage Bess, vendait jusqu'en février de l'an dernier aux parties intéressées (exploitants de sites, agences de marketing et placement publicitaire) les statistiques qu'elle compilait sur les sites les plus visités par les enfants.  Le logiciel Bess est utilisé dans 40 % des écoles qui utilisent de tels filtres, une clientèle «involontaire» de 14 millions d'individus selon l'Associated Press.  Le ministère américain de la Défense envisageait même d'utiliser les rapports comportementaux des jeunes qui consultent les sites militaires, et que Bess était en mesure de livrer, pour peaufiner ses méthodes de recrutement.  Gary Ruskin de Commercial Alert, un organisme qui lutte contre la commercialisation des écoles, avait écrit au nouveau secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, pour l'enjoindre de ne pas tomber dans l'établissement de profils.  Le Pentagone avait déclaré avoir mal compris la nature de ces rapports, croyant qu'il s'agissait d'une pratique acceptée en marketing.

Plus tôt en journée, des bibliothécaires, qui sont au centre des dispositions de la CIPA, avaient témoigné, et la chaîne CNN cite quelques extraits.  Pour Ginnie Cooper, 56 ans : «Nous ne demandons pas aux gens pourquoi ils cherchent à savoir ce qu'ils cherchent à savoir.» Peter Hanon, 56 ans : «Je n'ai vraiment aucune idée comment je dirais à quelqu'un “Pourquoi voulez-vous avoir accès à ceci?”» Candace Morgan, 59 ans, à qui on a montré des photographies sexuellement explicites : «Je ne crois pas qu'il y ait de définition commune de ce qu'est la pornographie, nous avons des manuels d'éducation sexuelle qui contiennent des images aussi explicites que celles-ci.»

Les audiences devraient reprendre aujourd'hui, mardi 26 mars, à huis clos, à moins que l'ACLU n'interjette appel de la décision du juge Becker.

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  Le gouvernement canadien et le français sur Internet, bis
En août 1999, le Bureau de la Commissaire aux langues officielles du Canada publiait une étude spéciale intitulée «Le gouvernement du Canada et le français sur Internet» (notre chronique du 7 septembre 1999).  La Commissaire, Dyane Adam, estimait à l'époque qu'il restait fort à faire pour «créer une dynamique de plus en plus favorable à l'utilisation et à la promotion de contenus en français sur Internet» et imputait au gouvernement canadien «une responsabilité particulière afin de favoriser la création et la diffusion d'une masse critique de contenus en français sur Internet».  Plus de deux ans plus tard, la Commissaire constate que le gouvernement du Canada n'a toujours pas de vision globale ni de stratégie cohérente pour accroître la présence de nos deux langues officielles sur Internet.

Dans une nouvelle étude spéciale intitulée : «Le français sur Internet : au coeur de l'identité canadienne et de l'économie du savoir» (communiqué et texte complet en format PDF), Madame Adam déplore le manque d'action du gouvernement.  On peut lire dans le document rendu public lundi : «En dépit de quelques initiatives réussies, il faut le dire sans ambages, la performance du gouvernement du Canada relativement au français sur Internet ne répond pas aux attentes car moins de la moitié des recommandations de l'étude de 1999 ont connu un suivi véritable.»

L'étude passe en revue les recommandations formulées en 1999, et fait 18 nouvelles recommandations articulées sur trois axes pour l'accroissement de contenus gouvernementaux et institutionnels en ligne : le développement d'une masse critique de contenus en français sur Internet pour favoriser l'utilisation dans cette langue; le déploiement des industries de la langue (soutien à la recherche et au développement des industries de la langue et à l'offre d'outils technolinguistiques sur Internet); la visibilité à l'échelle internationale du caractère bilingue de l'État canadien.

Certaines des recommandations seront de nature à plaire à l'industrie langagière, notamment : «que le Secrétariat du Conseil du Trésor consacre les ressources budgétaires nécessaires afin de permettre aux ministères et aux organismes fédéraux de répondre aux besoins accrus de traduction suscités par la publication de contenus dans les deux langues officielles sur Internet» et «que le Secrétariat du Conseil du Trésor prenne les moyens appropriés afin d'assurer la qualité linguistique dans les deux langues officielles des contenus des sites Internet fédéraux et propose les correctifs requis aux institutions visées».  De plus, si la francisation des contenus se fait au Canada, que «le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) prenne immédiatement les mesures appropriées afin que les ambassades étrangères au Canada, les organisations non gouvernementales et les organisations internationales auxquelles le Canada participe de plein droit accordent une place adéquate au français et à l'anglais sur leurs sites Internet».

On songerait également à offrir sans frais au public et aux langagiers, d'ici 2003, les services de la base de données linguistiques en ligne dans les deux langues officielles Termium (qui enfreint néanmoins la politique gouvernementale en matière d'«objets programmatiques, chronique du 12 février 2002» visant à fournir la fonctionnalité redondante par le biais de code HTML simple ou d'un équivalent) et que le Conseil national de recherches du Canada (CNRC) crée d'ici 2003 un Centre spécialisé en développement d'outils technolinguistiques.

On recommande aussi que «l'Agence canadienne de développement international (ACDI), dans le cadre de ses programmes, fasse davantage pour l'appropriation d'Internet par les pays en voie de développement de la Francophonie».  Là encore, en vertu des principes de l'aide liée, l'industrie langagière et technologique d'ici pourrait profiter de ces recommandations.

Si le programme des recommandations formulées par le Bureau de la Commissaire aux langues officielles est ambitieux, reste à voir l'accueil qui lui sera réservé dans les divers ministères invités à les mettre en application.  En fait, la question de l'Internet était déjà soulevée dans le rapport du Commissaire de l'époque, M.  Victor Goldbloom, en 1996.  On pouvait lire dans le rapport : «Notre étude a révélé que, dans les sites Web des institutions fédérales que nous avons visités, la qualité du service au public n'était pas toujours comparable dans les deux langues officielles.»

Rendez-vous dans deux ans?

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  Le courriel du gouverneur
Un cas intéressant sur le statut juridique du courriel adressé à un élu nous vient de Salt Lake City.  Quatre organes de presse (le quotidien The Salt Lake Tribune, l'hebdomadaire Salt Lake City Weekly, et les stations de télévision KUTV et KTVX) poursuivent le gouverneur de l'Utah, Mike Leavitt, pour violation de la loi de l'État sur la gestion et l'accès aux dossiers publics.  Pour les plaignants, l'effacement systématique des courriels du gouverneur équivaut à la destruction de documents publics et prive les citoyens de leur droit constitutionnel d'avoir accès à des renseignements sur la conduite des affaires de l'État.

Les courriels transmis depuis le site Web du gouverneur à l'adresse governor@utah.gov sont acheminés à son personnel politique qui en effectue un tri et, en cas opportun, assurent un suivi.  Par contre, en novembre dernier, Leavitt confiait au Salt Lake City Tribune qu'il effaçait systématiquement les courriels qu'il recevait sur une autre adresse, celle-ci confidentielle : «C'est une décision que j'ai prise il y a plusieurs années sur les conseils de mon avocat [...] J'ai à traiter trop de questions délicates.»

Selon le rédacteur en chef du City Weekly, Christopher Smart, il est normal et raisonnable que l'on demande au gouverneur de ne plus effacer ses courriels officiels, même transmis sur son adresse confidentielle, et il est évident que les plaignants ne cherchent pas à prendre connaissance de ses communications personnelles.  Natalie Gochnour, porte-parole du gouverneur, déclare : «Nous croyons respecter la loi.  En fait, nous croyons que le courriel est plus ou moins comme une conversation.  Ce qui est retenu ou non relève du destinataire, c'est à sa discrétion.»

Leavitt est très au fait de la chose technologique.  Depuis qu'il est en poste, il a été un ardent promoteur de l'offre de services gouvernementaux en ligne; il s'est fait l'ambassadeur de l'État auprès des investisseurs et des sociétés de technologie, et il a été choisi pour faire partie du groupe de travail sur la sécurité nationale à l'ère de l'information, initiative du Center for Strategic & International Studies (CSIS).  L'issue de cette plainte pourrait avoir des effets importants sur les politiques de rétention du courriel des élus aux États-Unis.

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  É.-U. : les sites Web des candidats
C'est une année d'élections législatives aux États-Unis.  Une étude du Bivings Group (format PDF), société de production et de gestion de sites Web, porte un regard critique sur la présence Web des candidats qui sollicitent leur réélection au Sénat et à la Chambre des représentants.  Effectuée les 11 et 12 mars derniers, l'enquête révèle que 47 % ont un site Web de campagne actif, 11 % ont réservé un nom de domaine ou ont un site en cours de préparation, et que 42 % n'ont aucune présence sur le Web, mis à part leur site officiel (qui est régi par des règles très strictes, voir notre chronique du 20 juin 2000).

Les candidats du Parti républicain sont plus susceptibles que ceux du Parti démocrate d'avoir un site Web actif (53 % et 41 % respectivement), et les sénateurs plus que les représentants (respectivement 55 % et 46 %).

Plus globalement, on estime que 76 % des sites Web actifs fournissent suffisamment d'information permettant de prendre contact avec les responsables de campagne, mais seulement 60 % offrent des renseignements sur la manière de se porter bénévole pour travailler à la campagne.  De plus, seulement 42 % des sites actifs disposent d'interfaces sécuritaires pouvant accepter les contributions financières.

Hier, lundi 25 mars, le Parti républicain lançait un tout nouveau site Web, GOPTeamLeader, dans le but de recruter des antennes politiques et des bénévoles dans tout le pays pour «appuyer les réalisations» du président Bush en faisant élire ou réélire le plus grand nombre de candidats.

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  France : le vote en ligne?
Selon un sondage Louis Harris / AOL, 28 % des électeurs français souhaitent pouvoir voter en ligne lors des prochaines élections présidentielles et législatives, et 48 % des répondants qui sont utilisateurs seraient favorables au vote sur le Web (voir Agence France Presse).  En outre, chez les utilisateurs, 46 % estiment que le vote en ligne serait un moyen efficace de réduire le taux d'abstention (42 % pour l'ensemble des répondants).

Le netmag 01.NET rapportait les résultats d'une enquête du mensuel Profession politique selon laquelle les principaux candidats à l'élection présidentielle tiennent des propos assez différents sur la possibilité du vote en ligne : «Si à gauche on affiche une vision prudente, parfois empreinte d'un certain scepticisme, à droite le ton est à l'enthousiasme, voire au prosélytisme.»

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  Daniel Pearl : suivi
Lundi, 18 mars, la veuve de Daniel Pearl, Mariane, accorde une entrevue à Jim Lehrer de l'émission Newshour (chaîne PBS).  Sur les policiers pakistanais : «Le lendemain de l'enlèvement, nous avons dû leur fournir un numériseur et une imprimante pour produire des photos de Danny, nous avons dû leur donner des lampes de poche.  Et puis, ils n'avaient qu'un véhicule que nous avons dû pousser pour qu'il démarre.  Il manquait un phare avant.  C'était incroyable.» Sur les chances de réussite de l'enquête : «C'est un contexte très difficile.  D'abord, parce que c'est le Pakistan.  Karachi est une ville très pauvre de 14 millions d'habitants, c'est très facile de s'y cacher.  Et c'est la nature complexe du pays et de sa politique, je crois.» Sur le rôle possible des agences de renseignement dans l'enlèvement : «Le principal suspect a été hébergé une semaine par les services de renseignement [Ndlr.  avant qu'il ne se rende à la police], j'ignore pourquoi exactement.  Alors j'ai soulevé la question auprès du président Musharraf [...] Il a reconnu les faits, il a semblé sincère dans son engagement à retrouver Danny, mais il a aussi reconnu que la situation politique dans laquelle il se trouve lui-même est très compliquée.» À lire au complet.

Mardi, 19 mars, le directeur de la CIA, George Tenet, déclare que des «incidents» (les guillemets sont de nous) comme l'assassinat du journaliste du Wall Street Journal Daniel Pearl illustrent les défis à relever pour Pervez Musharraf dans sa lutte aux extrémistes islamistes (Transcription de sa déposition, format PDF).

Jeudi, 21 mars, on annonce pour l'été la sortie sous forme de livre d'une compilation d'articles de Daniel Pearl et d'anecdotes à son sujet racontées par ses collègues.  Sa veuve, Mariane, signera l'avant-propos.  Le livre sera publié aux éditions Wall Street Journal Books, filiale de Simon & Schuster, et les profits seront versés au fonds commémoratif Daniel Pearl (voir CNN).

Vendredi, 22 mars, le principal suspect dans l'affaire, Ahmed Omar Saeed Sheikh, ainsi que dix de ses présumés complices (dont quatre sont déjà sous les verrous) sont officiellement accusés de l'enlèvement et du meurtre de Daniel Pearl.  C'est entourée de mesures de sécurité sans précédent (une centaine de policiers fortement armés, une douzaine de véhicules de transport blindés) que l'audience de mise en accusation s'est déroulée devant un tribunal spécial chargé des poursuites contre les présumés assassins.  Le ministère public a annoncé son intention de faire entendre une trentaine de témoins, dont certains enquêteurs du FBI.  Les éléments de preuve seront déposés le 29 mars devant le tribunal, et les observateurs estiment que le procès pourrait durer deux semaines.  Évidemment, le dépôt d'accusations devant un tribunal pakistanais met du sable dans l'engrenage des démarches de Washington visant à faire extrader Ahmed Omar Saeed Sheikh aux États-Unis où il est déjà inculpé.  (Voir Associated Press et New York Times)

Également, vendredi 22 mars, le Département d'État des États-Unis annonçait le rapatriement des membres des familles des diplomates en poste au Pakistan ainsi que du personnel des ambassades et des consulats dont les services ne sont pas jugés essentiels.  Peu après les événements de septembre, le Département d'État avait fortement suggéré aux familles de diplomates et au personnel de soutien de rentrer au pays, directive qui avait été levée en janvier.  Cette fois, leur rapatriement n'est plus volontaire mais bien ordonné par le Département d'État.  Le porte-parole Philip Reeker a déclaré : «Le secrétaire Powell s'est entretenu depuis Monterrey avec le président Musharraf et a tenu à préciser que cette décision n'indiquait nullement un manque de confiance dans la capacité du Pakistan à protéger les citoyens des États-Unis.»

Samedi, 23 mars, l'agence Pakistan News Service rapporte que Mariane Pearl sera appelée à témoigner au procès de Ahmed Omar Saeed Sheikh et de ses présumés complices.

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  Le hacker, l'avocate, le juge et le journaliste
Vous avez aimé les aventures de Kevin Mitnick, le mythique hacker surnommé «Le Condor»? Vous allez apprécier cette nouvelle histoire et ses personnages pour le moins étonnants.

En mars 1999, le site des enchères en ligne eBay est victime de deux attaques informatiques ayant pour effet la substitution de sa page d'accueil.  L'exploit est signé «MagicFX».  Le journaliste du magazine Forbes, Adam Penenberg, a accès au hacker et ce dernier lui démontre qu'il a laissé ouvertes certaines des portes du système de eBay.  Alors qu'ils échangent en ligne, le mystérieux MagicFX demande au journaliste de consulter la page d'accueil de eBay : il vient de la modifier pour le compte de l'entrevue, pour environ deux minutes seulement, après quoi il réinstalle la page d'accueil normale.  MagicFX dit être âgé de 18 ans et étudier dans une université du Wisconsin.

Toujours au cours de 1999, on rapporte d'autres substitutions de pages d'accueil de sites très achalandés, et des intrusions dans les systèmes des sociétés Exodus Communications, Juniper Networks et Lycos.  Certains de ces exploits étaient signés MagicFX.

Le 13 décembre 2000, un grand jury de San Jose (Californie) inculpe un jeune homme de 21 ans, Jerome Heckenkamp, employé depuis juin de la même année au laboratoire nucléaire de Los Alamos (Nouveau Mexique) où il travaille aux services informatiques.  Parallèlement, et pour des motifs semblables, le jeune homme est aussi inculpé par un grand jury de San Diego (Californie).  Le 11 janvier 2001, Heckenkamp est arrêté par le FBI à Los Alamos et doit faire face à 18 chefs d'accusation de délits informatiques et de tentative d'intimider un témoin.  Après une comparution préliminaire, il est libéré moyennant une caution de 50 000 $.

Les responsables du laboratoire de Los Alamos disent avoir été informés que Heckenkamp faisait l'objet d'une enquête de la part du FBI, mais comme les détails étaient confidentiels, ils n'avaient pas de raisons concrètes pour suspendre l'employé.  Ils s'empressent également de préciser que le jeune homme n'avait ni physiquement, ni électroniquement, accès à des documents sensibles.  Lorsqu'il comparaît pour la première fois devant un juge, Heckenkamp proclame son innocence et explique que quelqu'un d'autre se serait servi de son ordinateur, à son insu, pour perpétrer les actes qu'on lui reproche à l'époque où il étudiait au Wisconsin. 

Le hacker.  L'affaire serait presque classique si ce n'était du profil particulier de Jerome Heckenkamp.  Le jeune homme est «domodidacte», n'a jamais fréquenté l'école primaire ou secondaire, ses parents se sont chargés de son éducation au foyer.  À l'âge de cinq ans, il résolvait sans peine les plus complexes déconfigurations du cube de Rubik, et s'adonnait à l'art de l'origami dans ses moments de loisirs.  Quand il eut atteint l'âge de 14 ans, son père admet que lui et la mère de Heckenkamp avaient épuisé leurs ressources et n'avaient plus rien à lui enseigner.  Il réussit le test d'admission au collège local, s'inscrit à des cours de programmation, de physique, de génie.  Deux ans après, ennuyé par le peu de défi que représentait la vie collégiale, il s'inscrivit à l'Université du Wisconsin d'où, en deux ans, il reçut deux baccalauréats spécialisés (informatique et mathématique).  Loin de l'image «petit génie» que l'on pourrait s'en faire, on le décrit comme de nature enjouée et sociable (Milwaukee Journal Sentinel, 11 janvier 2001).

L'avocate.  Dès qu'il doit comparaître devant un tribunal, l'avocate Jennifer Granick s'intéresse à la cause.  Juriste depuis 1996, elle se spécialise dans les cas de cybercriminalité, enseigne au Stanford Law School's Center for Internet and Society (fondé par Lawrence Lessig), a prononcé de nombreuses allocutions devant des auditoires aussi divers que les cadres de la National Security Agency (NSA) et les participants à la conférence de hackers et auteurs de virus informatiques DefCon.  Elle est également membre du conseil de direction du HoneyNet Project, un groupe voué à l'étude du comportement des hackers de tendance «black hat».  En entrevue au service de nouvelles News.Com en février 2001, elle déclarait : «Je crains que le gouvernement ne fasse preuve d'excès de zèle dans les poursuites intentées contre les hackers.  Bien sûr, avec (John) Ashcroft comme attorney general, je crois que cette attitude à l'endroit de ce type de crime prévaudra plutôt que de s'estomper.»

Or, lors d'une comparution devant le tribunal en janvier 2002, Heckenkamp a révoqué Jennifer Granick, son avocate, et il a demandé au juge d'être incarcéré et d'annuler sa liberté sous caution de 50 000 $ pour dégager de toute responsabilité son ami qui l'avait déposée.  Pour expliquer ses gestes, Heckenkamp a déclaré que, de toute manière, en vertu des conditions imposées à sa liberté provisoire (interdiction d'utiliser ordinateurs, téléphones cellulaires, télécopieurs, etc.), il ne se sentait pas libre.  Pour ce qui est de son avocate, il lui reprochait la mollesse de ses efforts et de vouloir en arriver à une négociation de peine (plea bargaining).  Me Granick a refusé de commenter invoquant le secret la liant à son client.

Le juge.  C'est le juge James Ware devant qui comparaît Jerome Heckenkamp.  Bien au fait du droit des nouvelles technologies, c'est lui qui présidait aux travaux du tribunal dans la cause célèbre de Sex.Com il y a un peu plus d'un an.  En 1995, un individu s'était frauduleusement approprié le nom de domaine en transmettant de fausses demandes de transfert du nom de domaine en question.  La poursuite de l'ayant droit avait traîné devant les tribunaux pendant deux ans et demi.

Le 18 mars dernier, le juge Ware en a plein les bras lors d'une énième comparution préliminaire de Jerome Heckenkamp.  L'accusé conteste d'abord l'acte d'accusation car son nom y figure en majuscules.  Il demande ensuite qui sont les plaignants.  Le juge lui répond qu'il s'agit des États-Unis, représenté par le ministère public.  Heckenkamp demande alors que les «clients» du ministère public comparaissent.  Excédé, le juge déclare : «Vos commentaires me portent à croire que, d'un part, vous jouez un jeu avec ce tribunal, ou bien vous faites preuve d'un sérieux manque de jugement.»

Incertain sur la volonté de Heckenkamp de comparaître de nouveau, le juge Ware ordonne qu'il soit incarcéré dans l'attente de son procès.  Alors qu'il est escorté hors de la salle d'audience, Heckenkamp lance au juge : «Je vous tiendrai personnellement responsable, je vous poursuivrai pour chaque heure de détention.» (Voir Security Focus.)

Le journaliste.  La grande presse ne s'intéresse pas encore beaucoup à l'affaire.  Toutefois, la publication spécialisée précitée, Security Focus, a confié le dossier à Kevin Poulsen.  Eh oui, Poulsen, le hacker/phreaker converti au journalisme.  En 1990, Poulsen s'empare à distance du standard téléphonique de la station de radio KIIS-FM qui, dans le cadre d'un concours, décerne à la 102e personne à appeler une Porsche 944 S2.  Poulsen remporte le concours, mais est par la suite arrêté pour d'autres méfaits électroniques.  Pour «l'ensemble de son oeuvre», il s'est mérité une place au temple de la renommée des hackers de la chaîne Discovery, en bonne compagnie avec les Kevin Mitnick, John Draper, et autres célébrités du hacking.  Et avant qu'il ne se convertisse au journalisme, qui était l'avocate de Poulsen? Jennifer Granick, révoquée par Heckenkamp, mais qui continue d'assister, silencieuse, à toutes ses comparutions.

La prochaine comparution de Heckenkamp relative à l'inculpation de San Jose est prévue pour le 8 avril, et celle relative à l'inculpation de San Diego le 23 avril.  En janvier 2001, un site Web a été constitué par des sympathisants à sa cause, FreeSK8.Org, duquel on apprenait en fin de semaine dernière que le juge James Ware et le procureur du ministère public demandent une audience pour déterminer si Heckenkamp est apte à subir son procès. 

Verra-t-on Hollywood s'emparer du scénario? Espérons que le résultat sera plus convaincant que Takedown/Cybertr@que (voir notre chronique du 29 février 2000)

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Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et à toutes une excellente semaine.

Site personnel de Jean-Pierre Cloutier

Collaboration à la recherche : Mychelle Tremblay

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