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Les Chroniques de Cybérie

Le 29 juin 1996
© Les Éditions Cybérie

Oui, à la liberté d'expression sur l'Internet!


Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette semaine...

Avec un retard compréhensible, INET'96 oblige, des impressions à chaud de cette conférence annuelle de l'Internet Society (ISOC) qui a pris fin vendredi.

Les liens habituels, vous en trouverez sur le site http://www.i-cor.com/services/inet/ [NDLR : inactif] où figure déjà une partie des textes (enrichis de liens) que nous et l'équipe montée pour l'occasion vous proposons.  En effet, nous nous sommes associés pour la durée d'INET'96 et du Marché international multimédia à la société i-cor MEDIA pour vous offrir une couverture plus complète des deux événements.  D'ici le 5 juillet, d'autres contenus viendront enrichir ce site, question d'avoir le temps de transcrire les bandes des entrevues, d'approfondir les contenus, et de compléter la couverture du Marché international multimédia qui se termine aujourd'hui.

Impressions à chaud, donc, pour cette Chronique un peu spéciale, un peu comme si un de vos copains vous écrivait en direct d'INET'96. 

Première chose qui m'a frappé, j'avais parfois l'impression d'être dans les antichambres des Nations Unies.  Djellabas, boubous, coiffes hébraïques, puis complets trois pièces, jeans et maillots pour la grande majorité des Occidentaux.  Anglais langue de travail, mais, grande première pour INET, traduction simultanée anglais-français dans toutes les séances de travail, Québec oblige...  Dans les couloirs du Palais, français et espagnol très présents, peu d'italien, pas de créole, plusieurs langues asiatiques que votre humble chroniqueur ne connaît pas, allemand, russe, et autres langues de l'Europe de l'Est.  Délégués et déléguées se côtoyaient allègrement, s'interpellaient par leurs prénoms, s'échangeaient cartes et adresses électroniques, théorisaient sur le thème de la conférence de cette année «Internet et transformations sociales», et soulignaient les mérites des restaurants du Quartier-chinois où se trouve le Palais des Congrès de Montréal.

Dans l'enceinte du Palais des Congrès -- que l'on ne soupçonne pas si vaste, vu de l'extérieur, avant d'en avoir arpenté tous les corridors à la recherche de la salle 407B ou 611A -- se déroulaient, parallèlement à l'INET'96, bon nombre de rencontres annuelles des instances techniques de l'ISOC.  Entre autres, celle de l'Internet Engineering Task Force (IETF) toujours à la recherche de normes et protocoles améliorés pour soutenir, sur le plan technique, la croissance fulgurante du débit des réseaux.  Comme le disait un confrère de la radio, entrer dans une de ces salles de réunion est une expérience assez particulière.  On y constate que le réseau des réseaux, sur le plan technique, repose sur les épaules d'un groupe à allure bigarrée, où le code vestimentaire est encore plus relax que chez les autres participants à INET'96, que l'on s'y sent vieux si on a plus de trente-cinq ans, et que ces gens ont «beaucoup de cheveux».

Des rencontres fort attendues, parfois inattendues, avec des gens avec qui on correspond ou qui nous lisent depuis les tout débuts.  «Enfin on va pouvoir coller un visage sur cette adresse électronique...», «Tiens, je vous croyais plus vieux...», ou encore «Ah bon, je croyais que les Chroniques étaient écrites par une femme...».  Je vous le jure, c'est arrivé.

La presse, tant locale que nationale et internationale, était très présente à INET'96.  Selon Jean-Marc Simard de Simard Hamel Communications, responsable de la logistique des installations pour la presse, c'est plus de 350 journalistes, dont 140 de la presse internationale, qui sont débarqués à Montréal pour couvrir l'événement.  Sept postes de travail en permanence étaient à la disposition des journalistes à la salle de presse, en plus des dizaines de lignes téléphoniques, des télécopieurs et autres instruments indispensables aux scribes, voix et images de la presse.  Peu, direz-vous?  C'est peut-être que tous les journalistes, ou presque, disposent maintenant de leur propre attirail : portable muni d'un modem, cellulaire, téléavertisseur, etc.

Documentation et communiqués de presse sur tous les sujets, thèmes et discussions abordés au cours des séances étaient disponibles, ainsi qu'une version imprimée des résumés des présentations (et dans certains cas textes complets) et un cédérom qui reproduit le contenu de l'imprimé, cédérom qu'on consulte à partir de son fureteur favori, hyperliens actifs et tout; ce sera un outil de travail inestimable au cours des mois à venir.

Mais difficile pour les journalistes de travailler, quand même, car on était sollicité, voire interpellé de toute part, par tant d'information.  On aurait voulu tout voir, tout entendre, parler à tout le monde pour pouvoir ensuite vous en faire part.  Mais c'était impossible.

Exemple du dilemme, en tout début de conférence, mercredi 26 juin, de 11 h à 12 h 30.  On présente à la salle 611A «Moving Worlds», la nouvelle technologie de réalité virtuelle disponible un peu plus tard cette année sur le Web.  Mais attention, simultanément, à la salle 408C, c'est Tim O'Reilly de la société d'édition O'Reilly and Associates qui anime la séance sur les modes de paiement électronique, sujet qui a fait couler beaucoup d'encre depuis des mois.  C'est vrai qu'il y a à la salle 410 la séance qui traite de l'Internet en salle de classe, et au 409 celle où il sera question des libertés civiles, sans oublier celle au 411C sur la largeur de la bande passante comme obstacle à l'expansion du réseau.  Et l'Internet en Russie et les expériences de connectivité à Singapour et à Hong Kong : c'est au 411A/B alors qu'au 408B on parle des jeux de caractères internationaux, élément d'importance surtout si on n'est pas anglophone.  Bon, c'est décidé, on ira au 611B car Harry Cleaver, celui qui a monté le réseau de diffusion sur Internet des Zapatistes du Chiapas, y sera pour décrire et échanger sur cette expérience.

C'est devant ce genre de dilemme qu'on a été confronté, huit fois en trois jours

Dans ce genre d'événement, les gens, les rencontres, les discussions, les échanges bouffent aussi un temps précieux, mais comment résister à prendre un café, tout simplement avec deux ou trois autres personnes entre deux séances, avec Bruno Oudet, président du chapitre français de l'Internet Society (http://www.isso.asso.fr/), ou avec François Yergeau, un des artisans du fureteur Tango d'Alis Technologies (http://www.alis.com), avec Monique Lefebvre, présidente du CRIM (http://www.crim.ca), et avec tant d'autres.

Il y a aussi les moments privilégiés, les états de grâce, les occasions où on a l'impression d'assister à la naissance de quelque chose qui va devenir très important.  À la suite d'une séance sur les libertés et droits civils des internautes, quelque quinze personnes se sont réunies pour jeter les bases d'une coalition internationale visant à protéger les droits civils, sur le réseau, à travers le monde.  Organisme de veille, carrefour d'échange, levier de représentation, on discute.  Sont présents, entre autres, David Sobel de l'Electronic Privacy Information Center (EPIC) (http://www.epic.org ) , Barry Steinhardt de l'American Civil Liberties Union (ACLU) (http://www.aclu.org ), David Sorensky de Human Rights Watch (http://www.hrw.org ), six Québécois (dont deux anglophones), deux Français, un Suisse, un Philippin, et l'auteur des présentes.  Première étape, une liste de discussion par courrier électronique pour se concerter sur la démarche.  Deuxième étape, élargir le cercle de la liste, s'adjoindre des gens de partout que la question intéresse, que ce soit des particuliers ou des représentants d'organismes. La liste est ouverte à ceux et celles qui voudraient y participer, mais la communication se fait en anglais.  Néanmoins, on pourrait songer à des chapitres nationaux de cette coalition où les échanges internes se feraient dans la langue du pays.

On se fait prendre, aussi, au jeu de l'arroseur arrosé, c'est-à-dire au journaliste qui devient l'interviewé pour des collègues de l'imprimé ou de l'électronique qui nous posent des questions sur la Cybérie, veulent qu'on leur parle de l'avenir du Web, insistent pour qu'on leur explique pourquoi on n'aime pas Java ou le multifenêtrage, enfin, les questions classiques, quoi.

Épuisant, un véritable train d'enfer mené à 200 à l'heure pendant trois jours, d'où la formule épistolaire de la Chronique de cette semaine.

Tout aussi épuisante que l'expérience puisse paraître, tout autant on donne et on redonne constamment de soi, on reçoit énormément aussi de toutes ces rencontres qui deviennent en quelque sorte un volumineux échange d'énergie à l'état pur, de quoi recharger les batteries pour un bon moment.

Mais revenons à INET'96.  Ça vient de se terminer, il y a quelques heures à peine.  Un début de bilan, il y a beaucoup à digérer, à assimiler.  Mais tout de même, tentons de le faire.

Tout d'abord, on a l'impression que si l'événement est maintenant terminé, la réflexion en profondeur sur les questions soulevées lors d'INET'96, elle, vient de commencer.  Si la technologie évolue constamment, et si les questions techniques relatives aux protocoles de connexion et de transfert ont intéressé une majorité des participants, on ne risque pas de voir une remise en cause fondamentale des principes techniques de base.  Comme le disait Don Heath, président de l'ISOC, «Alors qu'on constate la présence de nouvelles forces déterminant l'orientation, l'évolution et le momentum de l'Internet, ces mêmes organismes qui ont construit l'Internet continueront à mettre au point de nouveaux protocoles, de nouvelles technologies, de nouveaux modes d'exploitation adaptés à l'atteinte des buts de ces forces motrices, tout en assurant le maintien des principes qui ont défini l'Internet.»

Par contre, si on parle de ces «nouvelles forces», on doit se rendre à l'évidence que rien n'est réglé.  Bon nombre d'exposés, d'ateliers et de séances se sont terminés sur cette note.

Commercialisation : l'Internet est ouvert à tous et toutes, y compris aux gens d'affaires, l'ISOC ne juge pas les contenus.

Censure : la décision d'un tribunal de Philadelphie invalidant le Communications Decency Act est encourageante, mais le ministère américain de la Justice en appelle de la décision; restons vigileants, restons mobilisés.

Droits à la vie privée et protection des renseignements personnels : la technologie est là, on est à l'heure des choix politiques.

Respect de la propriété intellectuelle : comment régir un mécanisme de perception dont les coûts de fonctionnement seraient inférieurs aux redevances versées?  Et la responsabilité des fournisseurs?  Et la notion de furetage comme reproduction, même sur médium d'antémémoire évanescente?  (Notons l'absence quasi totale des intervenants du secteur culturel, exception faite de la ministre de la culture et des communications du Québec, dans ce débat capital.)

Et il en va de même pour à peu près tous les thèmes non techniques traités au cours d'INET'96.  La réflexion s'amorce.

Kuala Lumpur (Malaisie) accueillera la conférence INET'97 qui se tiendra du 24 au 27 juin.  Rien qu'à ouvrir le boîtier de votre ordinateur, vous constaterez que la Malaisie est depuis un certain temps un important producteur de matériel : on y fabrique et assemble 15 % de l'ensemble des puces vendues dans le monde. La Malaisie, c'est aussi la dix-septième plus importante nation commerçante.  Tout ça pour un pays de 20 millions d'habitants.

Après l'annonce officielle de la venue d'INET'97, vendredi midi, je me suis entretenu avec Tengku Mohd.Azzman Shariffadeen, responsable du comité organisateur malaisien d'INET'97.  Bien que le thème de la conférence ne soit pas encore arrêté, il m'a dit songer à celui des échanges Est-Ouest, question de ne pas se faire oublier dans l'accent Nord-Sud qui est mis présentement sur le développement et l'extension des inforoutes.  Point commun avec Montréal, la Malaisie est un pays non anglophone, multiculturel, multilingue et où l'importance de l'utilisation des caractères spéciaux dans les communications électroniques est évidente.

On peut donc prévoir une autre conférence moins axée sur la technique et davantage sur les questions culturelles, sociales et politiques.  Tendance annoncée?  Vous l'aurez lu ici d'abord.

Bonne semaine à tous et à toutes, et rendez-vous à vendredi prochain pour une Chronique «format normal».

Jean-Pierre Cloutier
jpc@cyberie.qc.ca


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