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Les Chroniques de Cybérie
15 décembre 1998

© Les Éditions Cybérie inc.

15 décembre 1998.

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

France : mouvement de grève suivi
Journalisme, crédibilité et définition
Trente chandelles pour la souris
You be soft, you be free
Les étrennes de l’Oncle Bill
Lectures rapides
Beau détour

 France : mouvement de grève suivi
Du moins par les militants.  On parle évidemment du boycott de branchement de dimanche dernier, en France, dans le but d’exercer des pressions sur France Télécom pour amener une baisse des tarifs de connexion.  Selon les termes employés par l’Association des internautes mécontents (ADIM), principal moteur du mouvement de protestation, l’opération aurait été un «succès énorme».  L’Association fait état de baisses d’utilisation variant entre 20 et 90 % selon les sites et les forums d’échange contrôlés.  Pour sa part, France Télécom estime que la baisse d’achalandage du réseau n’a été que de 10 %.

La consultation des statistiques de trafic des principales dorsales françaises du service de surveillance de Internet Traffic Report ne permettait pas de confirmer ou d’infirmer l’effet réel du mouvement de grève sur l’achalandage du tronçon français du réseau dimanche dernier.

De nombreux facteurs peuvent venir influer sur les statistiques, quelles qu’en soient les sources.  On a parlé d’une météo relativement clémente et du premier dimanche d’ouverture des commerces en prévision de Noël, deux facteurs extérieurs modifiant le degré d’utilisation du réseau, et aussi, de la difficulté de discerner l’utilisation «locale» et les consultations de sites venant de l’étranger.

Quoi qu’il en soit, il faut donner raison aux responsables de l’ADIM lorsqu’ils disent que les autorités ne peuvent ignorer ce signal de mécontentement.  Preuve d’une certaine réussite du boycott, les politiciens viennent de s’emparer du débat.  Selon Libération, les élus sont maintenant a l'écoute des internautes en colère et depuis quelques jours, les déclarations en faveur d'une baisse des tarifs d'accès à l'Internet et de forfait préférentiel se multiplient.  Et de conclure Libération, «Messieurs les députés, à vous de jouer.» Dommage que les femmes députées ne soient pas, elles aussi, invitées à l’action, mais ça c’est un autre forfait dont il est question.

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 Journalisme, crédibilité et définition
On les attendait depuis un certain temps, les excuses de 60 Minutes pour avoir diffusé ce reportage bidon sur le trafic de la cocaïne.  Elles sont venues dimanche dernier alors que les responsables de l’émission vedette du réseau CBS ont admis s’être fait berner, en juin 1997, par les producteurs britanniques du reportage en question.  À leur décharge, ils n’ont pas été les seuls.  Le documentaire «The Connexion» a été vendu dans quatorze pays et a reçu huit prix internationaux de journalisme.  Ça en est gênant. 

Surtout que les producteurs britanniques, Carlton Productions, avaient déjà utilisé un subterfuge pour donner dans le sensationnalisme, cette fois par une entrevue avec un double du président cubain Fidel Castro qu’on faisait passer pour le vrai.  Seulement deux distinctions internationales pour la fausse entrevue avec le Lider Supremo, mais quand même deux millions de téléspectateurs au Royaume-Uni.  On sera reconnaissant au journal The Guardian pour avoir débusqué les faussaires d’information.

Cette affaire de faux reportage vient clore une année difficile pour la presse traditionnelle, et aussi pour la presse en ligne.  Crédibilité, impératifs de marché, sensationnalisme ont tous entachés la presse, à commencer par l’affaire Clinton qui connaîtra son dénouement cette semaine.

Si la presse traditionnelle et ses pendants Web disposent de structures de suivi des pratiques des journalistes, héritées du «pelletage d’information» sur le réseau (shovelware), les journalistes «pur Web» fonctionnent en territoire balisé uniquement par leur esprit professionnel.  Le résultat n’est pas toujours heureux.

À l’initiative de Rich Jaroslovsky, rédacteur en chef de l’édition Web du Wall Street Journal, une association de journalistes en ligne verra le jour en début d’année prochaine.  Selon Steve Outing du Editor & Publisher Interactive, Jaroslovsky envisage la mise sur pied d’une association professionnelle internationale des travailleurs de la presse réseau, que leur diffuseur soit un média traditionnel ou un éditeur de contenus exclusifs au Web.

On retient le nom possible de Online News Association (ONA) pour l’organisme qui visera à trancher dans des questions délicates comme les infopubs et la trop grande proximité publicité/contenu dans certains médias en établissant des lignes directrices claires.  Précisons ici que le promoteur de l’idée d’une ONA a reçu un soutien financier de son employeur, le service d’information financière Dow Jones, pour mener à bien son projet.

Il existe peu de références sur le sujet de la presse en ligne et de ceux et celles qui y travaillent.  Le chercheur néerlandais Mark Deuze signe un article intéressant ce mois-ci dans First Monday, un journal académique de recherche sur Internet et les nouveaux médias. 

Deuze estime que sans une approche globale (transnationale), ouverte et critique, il sera difficile d’amorcer une réflexion valable et qui tienne le temps sur le journalisme en ligne, une réflexion qui dépasse le cadre des enthousiastes et spécialistes du Net.  Comme l’indique l’état actuel de cette réflexion, selon Deuze, «le journaliste de demain sera celui qui donnera une signification au déluge d’information» qui parvient au public.  Une liste de ressources pour poursuivre la réflexion figure en annexe de l’article.

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 Trente chandelles pour la souris
Eh oui, il y a maintenant trente ans que Douglas Engelbart, chercheur au Stanford Research Institute (maintenant SRI International), présentait lors d'une conférence technique à San Francisco le concept de la souris, des icones, des fenêtres d'utilisation et l’intégration des hyperliens.  Même à l'époque, pas très nouveau, il s'agissait déjà de la quatrième version de son système intégrateur dont le développement avait été financé, comme ARPA (ancêtre de l'Internet), par le gouvernement américain; Steve Jobs et Bill Gates avaient à peine treize ans.

Le surnom de «souris», en raison du fil rattaché au dispositif qui rappelle la queue d’un rongeur, ne vint que plus tard.  Le nom officiel de l’invention de Engelbart était «indicateur de position X-Y pour système d’affichage».  En 1977, le gouvernement américain met un terme au financement de la recherche au SRI, la moitié des ingénieurs, dont Engelbart, sont récupérés par Xerox au centre de recherche de Palo Alto (PARC).  Ce n’est qu’en 1983 que la souris et les interfaces en fenêtres seront commercialisées par Apple sur son ordinateur Lisa, précurseur du Mac.

La semaine dernière, la Silicon Valley rendait hommage à Douglas Engelbart en tenant un symposium sur la révolution inachevée de ce visionnaire.  Le Mercury News publiait aussi un article intéressant sur l’anniversaire de la souris, où on apprend que le SRI a versé à Engelbart, en guise de prime, la modique somme de 10 000 $ pour son invention. 

Engelbart, maintenant âgé de 73 ans, raconte l’accueil qui fut réservé en 1968 à sa présentation.  «Les gens ont ri, ils ne comprenaient pas de quoi je parlais.  On m’a plus ou moins expédié en Sibérie [Ndlr.  L’autre.]».  Rappelons seulement que l’an dernier, il s’est produit de par le monde (mais principalement dans des usines d’assemblage en Chine et au Mexique) plus de 90 millions de souris.

Toujours à l’oeuvre, le chercheur dirige avec sa fille Christina le Bootstrap Institute, un organisme sans but lucratif qui étudie les processus collaboratifs en matière de stratégie, de technologies et de méthodes de travail.  Pour Engelbart, il importe dans le cadre d’un vaste programme de rehausser le «quotient intellectuel collectif» des entreprises et organismes par une meilleure maîtrise de la technologie et une plus grande ouverture des systèmes d’information.

Les choses ont bien changé depuis la première incarnation de la souris.  Par exemple, la société Logitech (un des bailleurs de fonds du Bootstrap Institute) offre maintenant une multitude de modèles de souris et autres dispositifs de pointage.  En outre, le fil de raccord qui a valu au dispositif son surnom de souris disparaîtra graduellement avec la venue de dispositifs sans fil et de pointeurs à distance.

On prédit un bel avenir aux systèmes de reconnaissance vocale, déjà des systèmes de pointage basés sur les mouvements de l’oeil font leur apparition, et on est à l’oeuvre sur une panoplie d’autres dispositifs.  Mais parions que la bonne vieille souris fera encore partie du paysage bureautique pour un bon moment.

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 You be soft, You be free
«On se coopte plus qu'on ne se recrute».  Cette phrase figurait en sous titre d’un article que consacrait le journal Libération en septembre dernier au producteur multimédia et multinational Ubi Soft très présent aussi au Québec.  «Ascenseur express réservé aux moins de 26 ans [...] Les plus vieux, il faudrait les reprogrammer pour qu'ils arrivent à suivre le rythme.» Portrait d’une entreprise de pointe, dans un marché de pointe, bénéficiant de l’appui unanime de son personnel ubisoftien?

Pas tout à fait selon les promoteurs de Ubi Free qui affirment que voici venu le temps du syndicat virtuel.  Dans une lettre ouverte à Yves Guillemot, p.-d.g.  d’Ubi Soft, l’équipe encore anonyme d’Ubi Free déplore les conditions d’emploi dans l’entreprise et fait état de l’insatisfaction manifeste de bon nombre de ses employés.  «Vous ignorez, sans doute, qu'un grand nombre d'entre eux sont très insatisfaits de leurs conditions de travail.  D'ailleurs comment pourriez vous en être informé, puisque la précarité de la plupart des emplois rend impossible toute forme d'expression individuelle, et qu'il en va de même à l'échelle collective de par l'absence de représentation du personnel? [...] Ce site accueillera la parole de tous, employés et responsables.  Nous nous chargerons de sa mise à jour hebdomadaire et assurerons, bien entendu, l'anonymat de ses intervenants.»

C’est donc un forum employés/responsables qu’entend créer Ubi Free, mais côté employé, la table est déjà mise et les arguments servis.  Stratégie sociale, politique salariale, gestion des ressources humaines, politiques d’embauche et conditions de travail à Ubi Soft sont présentées sous un jour très critique.  On suivra avec intérêt les débats que ne manquera pas de susciter cette nouvelle forme de dialogue patrons/employés, car c’est en fait toute l’industrie du multimédia et des nouvelles technologies qui se voit ainsi interpellée.

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 Les étrennes de l'Oncle Bill
C’est un passe-temps bien connu des chroniqueurs : prendre une calculette et s’amuser à calculer ce que représente la fortune de Bill Gates, en termes réels.  C’est au tour de Rebecca Eisenberg du San Francisco Examiner de faire l’exercice avec pour point de départ le chiffre de 70 milliards de dollars.  Eisenberg s’inspire des sites Bill Gates Net Worth Page et Bill Gates Personal Wealth Clock de Philip Greenspun du MIT.

Le 3 décembre dernier, l’Oncle Bill annonçait un don de 100 millions de dollars pour faire vacciner les enfants des pays en voie de développement.  Cette somme ne représente que 0,149 % de ses avoirs actuels.  Le budget annuel de l’agence spatiale américaine, la NASA, est de 13 milliards de dollars.  Gates pourrait à lui seul la financer pendant cinq ans.  On estime à 760 000 le nombre de sans abris aux États-Unis; le président de Microsoft pourrait offrir à chacun et chacune une résidence d’une valeur de 88 000 $.  L’été dernier, rappelle Eisenberg, Bill Gates révélait son intention de donner 95 % de sa fortune.  Ainsi, s’il voulait y consacrer ses 18 prochaines années d’existence, il devrait se départir quotidiennement de 10 millions de dollars. 

Clin d’oeil aux utilisateurs de Windows 95.  Il s’est vendu, de par le monde, 120 millions d’exemplaires de ce système d’exploitation.  Si chacune des machines sur lesquelles est installé Win95 plantait une fois par jour, et que Gates devait verser à l’utilisateur de cette machine la somme d’un dollar à chaque panne de système, sa fortune s’évanouirait en 559,2 jours seulement.  Inutile de préciser que les détenteurs de copies piratées ne sont pas admissibles à ce fantasme.

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 Lectures rapides
Le Centre d'expertise et de veille Inforoutes et Langues (CEVEIL) vient de publier une étude réalisée par Marie-France Lebert sur le multilinguisme et les problèmes linguistiques sur le Web.  L’étude est cependant rédigée et publiée en anglais «pour pouvoir être lue par toutes les personnes qui y ont participé», peut-on lire en introduction.  On ne remettra pas en cause l’intérêt du contenu, mais la publication en anglais seulement d’un dossier sur les difficultés des langues autres que l’anglais (dont le français) à s’imposer sur le Web détonne.  Difficile à accepter d’un organisme comme le CEVEIL qui a bénéficié pour sa mise sur pied de l’apport, entre autres, de l'Observatoire québécois des industries de la langue (OQIL) et dont le comité de direction réunit également l'Office de la langue française (OLF), le Conseil de la langue française (CLF), en plus de profiter de la collaboration du ministère de la Culture et des Communications du Québec (MCCQ).  Ou est-ce reconnaître la faiblesse des traducteurs automates, sujet dont il est beaucoup question dans l’étude?

Verdict sévère de Jean-Louis Gassée sur les avatars de la convergence et les espoirs que certains mettent dans la webtélé.  Après une brève description de la technique qui s’avère pourtant efficace, à force d’adaptation, Gassée vient à estimer que «Dans la pratique, le WebTV montre que la théorie de la Grande Convergence ignorait d'importantes divergences techniques entre le médium informatique et la télévision [...] Il y a d'autres différences, culturelles ou psychologiques celles-là, qui sont peut-être plus importantes encore [...] L'état d'esprit, la posture physique, les attentes ne sont pas les mêmes selon qu'on regarde la télévision, même interactive, même enrichie d'informations numériques, il suffit de regarder certaines chaînes du câble aujourd'hui, ou bien qu'on travaille, bricole, explore ou même joue sur son PC.»

Mais où sont donc passés les sites personnels? C’est la question que posait récemment la commentatrice Martine Gingras lors d’un de ses passages mensuels à l’émission Cl@ir et Net.  Elle souligne les difficultés de faire connaître une page Web personnelle, y compris la pratique des répertoires de sites qui les classent par ordre alphabétique du nom des auteurs, sans égard au contenu.  «C’est pratique pour la poignée d’amis des créateurs… mais des sites personnels très pertinents demeurent invisibles aux yeux des visiteurs qui passent par les catégories spécialisées.  S’ils cherchent des informations sur une marque particulière d’ordinateur, ils ont bien plus de chances de tomber sur le site officiel de la compagnie que sur des sites où les consommateurs exposeraient les vices cachés de la machine [...] Chose certaine, si on veut vraiment faire du Web un média démocratique, il faut donner aux visiteurs la possibilité de choisir parmi toute la gamme des sites qui existent sur un sujet donné au lieu de les diriger immanquablement vers les sites à gros budget.»

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 Beau détour
Pour la cinquième année, l’université Bradley et le Peoria Art Guild présentent une grande exposition de photographies numériques.  Cette année, c’est sous le thème Land Escapes que les responsables ont recueilli les oeuvres de plus d’une trentaine d’artistes du pixel.

Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et toutes une excellente semaine.

Écrire à Jean-Pierre Cloutier


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