Dixit Laurent Laplante
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Québec, le 27 avril 2000
Des fusions imposées et coûteuses

Avec un entêtement qui n'a d'égal que sa gaucherie, le Québec poursuit l'offensive destinée à réduire le nombre de municipalités sur son territoire.  Même si la famille municipale compte peut-être au Québec un nombre excessif d'enfants, le gouvernement n'a pas encore démontré qu'il fallait imposer la fusion à des municipalités qui n'en veulent pas.  Pire encore, le gouvernement achève de compromettre sa cause en brandissant l'arbitrage exécutoire comme moyen d'aplanir les difficultés.  On tient vraiment au fouillis.

Commençons par la fin et torpillons l'hypothèse de l'arbitrage exécutoire.  Pareil instrument est complètement inadapté au rôle qu'on prétend lui faire jouer ici.  Ce n'est pas vrai qu'il permettra d'harmoniser les diverses conventions collectives des municipalités contraintes à la fusion.  Et il est encore moins vrai que l'arbitrage exécutoire débouchera sur des économies, bien au contraire.

Rappelons, comme si cela ne relevait pas de l'évidence, ce qu'a déjà causé d'ennuis aux municipalités l'arbitrage exécutoire.  Il existe, en effet, depuis des lustres.  Si on en parle peu, c'est qu'il s'est appliqué jusqu'à maintenant à un segment seulement de l'activité municipale : le travail policier.  Ses résultats sont pourtant si clairs, si constants, si décourageants qu'on devrait le redouter au lieu de chercher à le répandre.

L'arbitrage, en effet, a été constamment défavorable aux municipalités.  En plus de créer un véritable système de classes sociales à l'intérieur même des municipalités, les policiers occupant le palier supérieur et les autres fonctionnaires se contentant de l'autre, l'arbitrage a forcé les municipalités à verser à leurs policiers beaucoup plus qu'elles ne pouvaient le faire.  L'arbitrage, en effet, a appliqué systématiquement et coûteusement la théorie des dominos.  Le policier de Sayebec se comparait au policier de Matane qui se comparait au policier de Québec qui se comparait au policier de la Communauté urbaine de Montréal qui se comparait au policier de la Sûreté du Québec qui se comparait au policier de la Gendarmerie royale.  Et l'arbitrage, de comparaison en comparaison, tirait tous les salaires vers le haut, même s'il n'est guère de commune mesure entre la tâche d'un policier de village et le risque d'un membre de l'escouade anti-émeutes.

Même si les fusions de municipalités devaient se faire sans cet instrument incontrôlable, on devrait déjà prévoir que l'intégration des diverses conventions collectives provoquera un nivellement par le haut.  Dans une fusion impliquant deux municipalités, on ne convaincra jamais le syndicat le mieux rémunéré de se satisfaire dorénavant de la convention du syndicat moins bien payé.  Cela, on devrait le savoir depuis la création de la ville de Laval issue de la fusion coûteuse de quatorze municipalités.  Ajouter l'arbitrage exécutoire à une logique qui pousse elle-même les salaires à la hausse, c'est précipiter les municipalités non pas dans des économies d'échelle, mais dans un accroissement des dépenses.

Il faut donc des motifs sérieux pour, d'abord, imposer des fusions et, ensuite, les mettre en oeuvre par voie d'arbitrage exécutoire.  Or, ces motifs, on n'en trouve aucun qui soit convaincant.  Jusqu'à preuve du contraire, ce sont les petites municipalités qui coûtent le moins et les plus populeuses qui contrôlent le plus malaisément leurs dépenses.  Jusqu'à preuve du contraire, l'opinion publique, malgré les conditionnements tentés par le gouvernement et par les villes-centres, résiste farouchement aux fusions forcées.

En l'absence des avantages financiers et d'un « vouloir-vivre ensemble » qui rendrait la fusion alléchante et viable, quel miracle attendre de mariages effectués sous la menace?  Deux bienfaits, déclare le gouvernement.  De nouveaux services dans les petites municipalités; un dynamisme plus grand comme résultat d'un changement de gabarit.  Encore là, on convaint peu.  Très souvent, les petites municipalités pratiquent consciemment la simplicité volontaire.  Elles ont peu de services et peu de taxes, car tel le voeu de leurs citoyens.  Quant au dynamisme que susciterait le changement de taille, il est au mieux une hypothèse, au pire une hypothèse déjà contredite par la situation des grandes villes.  Conclusion?




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© Laurent Laplante / Les Éditions Cybérie, 1999, 2000
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