Dixit Laurent Laplante
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Québec, le 21 août 2000
Où va l'ONU sous Kofi Annan?

On n'en finirait plus d'énumérer les dossiers névralgiques sur lesquels l'ONU devrait exercer son emprise et que Kofi Annan se borne à contempler.  L'homme qui a succédé à Boutros Boutros-Ghali semble n'avoir tiré qu'une leçon des difficultés vécues par son prédécesseur : il est suicidaire pour le secrétaire général de l'ONU d'exprimer la moindre réserve au sujet des comportements américains.  Comme les USA sont partout, l'ONU apprend à n'être nulle part.

Ainsi, ce sont les membres belges de Médecins sans frontière, et non Kofi Annan, qui rappellent à l'opinion mondiale que le Kosovo n'a fait qu'ajouter, sous l'oeil impassible des envoyés de l'ONU, une intolérance raciale à l'autre.  Autrement dit, Serbes et Kosovars martyrisent leurs minorités kosovars et serbes avec un égal entrain.  Kofi Annan réfléchit.

Quand Ehoud Barak et Yasser Arafat ont discuté en présence du président Clinton, Kofi Annan n'a pas éprouvé le besoin de rappeler que l'ONU s'était prononcée déjà sur plusieurs aspects du litige israélo-palestinien.  Que le Camp David siège en appel de résolutions de l'ONU, voilà que Kofi Annan n'a pas perçu comme humiliant pour l'organisation internationale.  Quand Hillary Clinton, en mal de votes pro-israéliens dans sa campagne personnelle, a affirmé, à propos d'entretiens auxquels elle n'avait pas assisté et que son mari avait souhaités aussi secrets que posssible, que Yasser Arafat les avait fait avorter, le secrétaire général des Nations Unies s'est tu.  À aucun moment, il n'a osé dire quelles règles la décence impose à un médiateur : qu'il doit montrer une neutralité au-dessus de tout soupçon et qu'il doit respecter scrupuleusement les règles qu'il propose aux belligérants.  À aucun moment, Kofi Annan n'aura rappelé aux négociateurs et à leur médiateur biaisé que la question des réfugiés et donc des Palestiniens n'est pas négociable, puisqu'elle doit, au moins moralement, relever de l'ONU.  Et Kofi Annan n'aura toujours rien à dire quand Yasser Arafat quêtera vainement d'une capitale à l'autre le début du commencement de l'ombre d'une ébauche de véritable autonomie.

Quand le G-7, ou le G-7 et demi, comme on voudra, traite en invité d'honneur celui que salit l'interminable guerre tchétchène, Kofi Annan n'a rien à dire.  Quand le même club élitiste félicite Clinton, Barak et Arafat pour leurs efforts de paix, Kofi Annan n'ajoute rien.  Quand le cercle restreint des pays autoproclamés les plus industrialisés du monde entonne pour la énième fois le couplet stérile sur l'annulation des dettes des pays les plus pauvres, Kofi Annan ne fait même pas l'effort de désigner lui-même les pays les plus fragiles.  Il ne dira pas non plus combien de fois l'aide a été promise sans jamais être versée.  Kofi Annan ne comprend visiblement pas que l'avènement d'un ordre mondial plus juste passe par l'ONU et qu'il est vain de compter sur les pays les mieux nantis pour soulager les plus pauvres.

Au moment où Prague tente de recevoir les mêmes intérêts et les mêmes groupes que Seattle l'an dernier sans subir le même fracas, Kofi Annan ne dit rien pour ramener le débat à ses vrais enjeux.  Pourtant, si l'Organisation mondiale du commerce (OMC) doit acquérir une légitimité, ce sera parce que l'ONU et un vaste forum d'ONG (organisations non gouvernementales) la lui auront conférée.  En l'absence du porte-parole que les ONG finiront par se donner, c'est au porte-parole de l'ONU, un nommé Kofi Annan, de dire clairement ce que peut être l'orientation de l'OMC et ce qu'elle ne doit pas être.  Les silences de Kofi Annan entretiennent les malentendus et préparent les heurts.

Kofi Annan semble interpréter de la manière suivante la structure de l'ONU.  D'après lui, le Conseil de sécurité est plus important que l'Assemblée générale.  À l'intérieur du Conseil de sécurité, les cinq membres permanents sont, toujours selon lui, plus importants que les dix membres amovibles.  Parmi les membres permanents du Conseil, Kofi Annan considère comme plus important que les quatre autres celui des membres permanents qui a nom USA et qui ne paie pas sa cotisation.  On se demande de quelle myopie serait capable Kofi Annan s'il fallait que Washington paie sa dette.

J'en attends trop de l'ONU?  Peut-être.  Kofi Annan n'a pas les moyens de réaliser tout ce qu'on attend de lui?  Bien sûr.  Mais pourrait-il commencer quelque part?  Et s'il s'affronte à des tâches surhumaines, pourrait-il au moins le dire, comme le faisait un certain général canadien, du nom de Roméo Dallaire, dont Kofi Annan devrait se souvenir tant il l'a connu de près.



Communiqué de Médecins Sans Frontières - Section belge
(7 août 2000)

Déclaration de Kofi Annan suivant le Sommet de Camp David
(25 juillet 2000)

Déclaration du Président Clinton
(25 juillet 2000)

Déclaration tripartite
(Clinton, Barak, Arafat - 25 juillet 2000)

Déclaration de Kofi Annan suivant le Sommet du G8
(24 juillet 2000)

Allocution de Kofi Annan à la réunion de l'OMC à Seattle
(30 novembre 1999)

Kofi Annan : biographie, rapports, communiqués

À propos de l'ONU



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