Dixit Laurent Laplante, édition du 30 août 2001

De quelques questions sans réponse
par Laurent Laplante

En dressant cette courte liste de questions encore orphelines de réponses, j'ai, je l'avoue, quelques hypothèses en tête. Mais, dans l'impossibilité où je me trouve d'étayer ces hypothèses de façon probante, je préfère laisser mes interrogations flotter dans le cyberespace. Qui sait? Peut-être trouveront-elles là chaussure à leur pied.

Qui est opposé au dopage?

Ils étaient quatre, comme autant de marraines penchées sur un berceau, à promouvoir l'agence antidopage que se disputaient, dans la phase ultime, Lausanne, Vienne et Montréal : le Comité international olympique (CIO), l'industrie pharmaceutique, les médias et la presse sportive, et les États qui délèguent des athlètes aux jeux olympiques.

Reprenons cette énumération en cherchant le dénominateur commun entre ces fées ou ces sorcières. Le CIO aime les médailles olympiques, l'industrie pharmaceutique aime les médailles olympiques, les chroniqueurs sportifs et les grands réseaux de télévision aiment les médailles olympiques, les États aiment les médailles olympiques. Il y aurait là, sans équivoque, une certaine ressemblance entre les marraines.

Allons un cran plus loin et tout se brouillera. Dans l'hypothèse plus que probable où les médailles olympiques profitent du dopage, comment penser un seul instant que les quatre marraines penchées sur le berceau où vagit, paraît-il, l'agence antidopage veuillent que cesse le dopage propice aux médailles olympiques?

D'où la question : au lieu d'opposer Montréal à Lausanne ou Vienne à Stockholm comme siège social de l'agence mondiale antidopage, nos suaves chroniqueurs sportifs ont-ils vérifié si chacune des marraines penchées sur le berceau du poupon tant convoité tenait vraiment à bannir le dopage? Le CIO qui s'enrichit à distribuer les médailles? Les ministres qui, à la Denis Coderre, versent des millions pour obtenir des médailles? Les médias et les thuriféraires sportifs qui vivent au crochet des records et des médailles? L'industrie pharmaceutique qui adore qu'on la croie capable de procurer des médailles à ceux qui la dorlotent?

Allons, un petit effort : laquelle des marraines est parfaitement crédible quand elle réclame une agence antidopage?

Nationalisme ou martyre?

Bien sûr, les Américains sont de méchants hypocrites qui signent distraitement les traités de libre-échange et qui, l'encre à peine sèche sur le parchemin, frappent le bois d'oeuvre canadien de droits compensatoires de presque 20 pour cent. Bien sûr, ils ont tort. Bien sûr, il convient de former contre eux un bizarroïde front commun du gouvernement central et de provinces qui ont dans ce dossier des intérêts aussi apparentés que des mammifères comme l'écureuil, la vache et la baleine. Il devient même urgent de demander un nouveau tour de piste à l'ancien premier ministre Pierre-Marc Johnson dont la compétence est mondialement reconnue en matière de protectionnisme, de droits compensatoires et d'utilisation du bois d'oeuvre dans la construction domiciliaire. Bien sûr.

Nous permettra-t-on quand même une question : de quoi s'agit-il? Quel est exactement le reproche que nous adressent les États-Unis? Quelles sont les différences entre les droits de coupe exigés outre-frontière et ceux qui ont cours au Canada? Sont-ils d'ailleurs les mêmes d'une province à l'autre?

En l'absence d'information sur le fond du litige, c'est un acte de foi aveugle que l'on exige de nous au nom d'un nationalisme qui a pourtant fort mauvaise presse en cette ère de mondialisation. On nous demande de donner raison au Canada parce que c'est notre pays et tort aux États-Unis parce qu'ils s'opposent aux politiques de notre pays. Les faits?

La même question est en suspens depuis des années à propos de l'amiante. Le Québec s'obstine, à coups de millions, à nier que l'amiante soit nocive, alors que s'accroît constamment le nombre des pays qui, au vu d'enquêtes différentes et convergentes, boycottent ce produit. Se pourrait-il, même si l'amiante est un produit bien de chez nous, qu'elle soit un danger pour la santé humaine? Les faits, quand ils nous sont défavorables, doivent-ils être escamotés? L'information a-t-elle si pleinement rempli son rôle qu'elle puisse se satisfaire de la mobilisation de l'opinion et ne rien dire des faits?

Dans l'un et l'autre cas, il se peut que ceux qui nous contredisent soient d'authentiques méchants. Encore faudrait-il le prouver.

Après l'eau, la voirie, l'informatique et quoi encore...?

Maintenant que le coroner en chef de l'Ontario a recommandé que les élus et les cadres supérieurs de toutes les municipalités obtiennent une formation en gestion de l'eau pour éviter la répétition d'un drame comme celui de Walkerton, où va-t-on s'arrêter? Si la prochaine enquête révèle, ce qui ne devrait pas causer de grande surprise, que les mêmes élus ne savent pas grand-chose des risques liés à tel tracé routier, va-t-on recommander de leur donner la formation nécessaire pour qu'ils jettent un regard plus averti sur les prochains travaux de voirie? Et si une enquête révèle que les systèmes informatiques utilisés par les gouvernements municipaux ne protègent pas adéquatement la confidentitalité des données personnelles, va-t-on, d'urgence, inscrire les élus et leurs cadres à des cours accélérés de sécurité informatique?

À raisonner comme le fait le coroner ontarien, ne risque-t-on pas de confondre la compétence politique et celle que l'on demande aux fonctionnaires et aux spécialistes? Attend-on d'un maire qu'il en sache assez sur la criminologie pour en discuter d'égal à égal avec son chef de police? Qu'il soit si versé en problèmes respiratoires qu'il puisse évaluer par lui-même la nocivité du smog? Qu'il soit permis d'en douter. Demandons-nous, d'autre part, s'il ne faudrait pas donner aux coroners une formation sur ce qui est attendu des élus?

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URL : http://www.cyberie.qc.ca/dixit/20010830.html

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