2. L'évolution des sites Web au Québec : contenus, enjeux, réalités commerciales
C'est donc sur la «toile» de fond décrite dans la section précédente que les premiers cybermédias apparaissent au Québec fin 1994, début 1995. Le médium est nouveau, la structure du réseau encore fragile, et les outils primaires, mais les perspectives sont riches en promesses, et l'enthousiasme des premiers artisans est au rendez-vous. L'arrivée des outils hypertexte est déterminante, le Web jouera un rôle rassembleur.
Le Web est le premier médium qui permet de produire et diffuser du contenu au moyen des mêmes outils qui servent à le consulter; les «coûts d'entrée» sur le plan technique sont donc très faibles. En outre, son caractère interactif et immédiat permet d'attirer rapidement une quantité appréciable de lecteurs pour l'époque, toutes proportions gardées, surtout si on tient compte du faible nombre de personnes, quelques dizaines de milliers, ayant accès au réseau.
Dans un premier temps, cette clientèle se compose principalement de personnes issues des milieux universitaires, gouvernementaux et industriels, déjà initiées à l'utilisation du réseau. Se joint progressivement à ce groupe une première vague d'utilisateurs et d'utilisatrices abonnés par l'entremise de fournisseurs d'accès du secteur privé, catégorie décrite par les sociologues du réseau comme celle des early-doers, c'est-à-dire des gens naturellement disposés à adopter une nouvelle technologie.
Les sites à contenus de la première vague sont pour la plupart des initiatives personnelles fonctionnant selon le modèle «argent de poche», soit l'équivalent d'un passe-temps financé à même ses ressources personnelles. La majorité des auteurs et éditeurs de la première vague du Web ne possèdent pas de plan commercial. Mais avec le renfort de la presse et des médias traditionnels qui attisent l'intérêt du public, et l'augmentation progressive du nombre de personnes ayant accès à Internet (découlant soit de leur propre initiative de s'abonner à un service d'accès, soit de l'utilisation en milieu de travail ou scolaire), les sites se multiplient.
Le modèle de commercialisation de l'accès Internet joue un rôle capital dans le développement du Web québécois et dans les expériences, parfois fructueuses, qui ont eu cours. Comme nous le soulignons plus haut, le réseau Internet avec sa composante Web est le premier médium où il est possible de produire du contenu au moyen des mêmes outils qui servent à le consulter. De plus, les forfaits d'accès offerts par la plupart des fournisseurs comportent la possibilité d'héberger gratuitement un site Web modeste (généralement 5 Mo de fichiers), ce qui permet, à peu de frais, de mettre au banc d'essai des formules de contenus, puis de migrer vers des structures plus stables (nom de domaine propre, hébergement commercial) si une clientèle se manifeste.
Si les coûts des moyens techniques sont donc faibles, le coût de production du contenu pose cependant problème. Sauf dans de rares cas, le temps mis à élaborer et à produire du contenu (textes, analyses, constitution de répertoires, mise en page HTML, gestion de site Web et, interactivité oblige, correspondance avec les lecteurs) est emprunté à des activités professionnelles, et est non rémunéré. Cette constatation vaut aussi pour les percées effectuées par la presse traditionnelle dans sa couverture du phénomène Internet, ainsi que dans bien des organismes où, souvent, les premières initiatives ont été guidées par des membres du personnel passionnés par le médium, mais dont les activités ne s'inscrivaient pas dans le cadre de leurs affectations.
Il y a donc faiblesse structurelle, sur le plan financier, dans bon nombre des exemples étudiés. Peu d'éditeurs de cybermédias avaient un plan d'affaires ou un plan d'entreprise qui, de toute manière, serait resté insaisissable pour les institutions financières en raison de la nouveauté du médium. Cet élément demeure vrai en 1998.
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URL : http://www.cyberie.qc.ca/etude/2.html
Mise en ligne : 31 mars 1998