21.2.05

Hunter S. Thompson, 1939-2005

Hunter S. ThompsonLa semaine commence mal. De Reuters, «Le journaliste et écrivain américain Hunter S. Thompson, symbole de la contre-culture américaine, auteur notamment du roman "Las Vegas Parano", s'est suicidé dimanche soir dans sa maison d'Aspen, au Colorado, a-t-on appris de source policière.»

Extrait des Chroniques de Cybérie, 4 octobre 1996 : «Chaque présidentielle américaine me rappelle celle de 1968, l'année où l'hebdomadaire de la contreculture de l'époque, Rolling Stone, avait résolu de s'écarter en partie de ses thèmes habituels (musique, cinéma, arts, marijuana) pour accorder une place importante à la présidentielle Nixon/McCarthy dans ses pages. Mais encore fallait-il trouver une formule, qui plus est un chroniqueur à la mesure des attentes du lectorat assez particulier qu'avait Rolling Stone. Solution : un des pères du gonzo moderne, Hunter S. Thompson, qui avait déjà à l'époque commis un livre sur les Hell's Angels. Le gonzo, c'est un style qui favorise l'emploi de la première personne du singulier, où l'esprit de l'observateur se partage étroitement avec celui de ceux et celles qui le lisent, et qui trouve son origine chez H.K. Mencken circa les années vingt. À ne pas confondre avec une autre tendance populaire des années soixante, le néo-journalisme, que pratiquait Tom Wolfe et Truman Capote, très personnel aussi, mais quand même différent. Selon le literati Stephen Walt Pitalo, "le néo-journalisme est une recherche de la précision, le gonzo une quête de la vérité". Et comme toujours, tout est là, dans la nuance...»

Extrait des Chroniques de Cybérie, 3 octobre 1997 : «Nous vous avons déjà dit pourquoi nous tenions l'oeuvre de Hunter S. Thompson en haute estime. Mis à part les souvenirs personnels, le personnage a influencé tout un pan de génération du journalisme américain dans les années soixante et soixante-dix, père de l'école de journalisme gonzo qu'il définit comme un style fondé sur l'idée de William Faulkner que la bonne fiction littéraire est tellement plus "vraie" que n'importe quelle forme de journalisme. Le gonzo, c'est le reportage devenu psychodrame. C'est le journalisme en immersion totale, loin des 400 canaux push et cast commandités par les relationnistes de presse et de la prévisibilité du clique de la souris ou de la télécommande qui caractérise notre fin de soirée, de décennie, de siècle, de millénaire.

Irrévérencieux comme l'époque et ses figures politiques le méritaient, mis au ban par les autres journalistes qui n'en continuaient pas moins de le lire attentivement, de le citer, de le caricaturer et d'envier secrètement sa liberté de pensée, l'homme a marqué une époque.

Verrait-on sur le radar météo du journalisme l'approche d'un système de perturbations venant tout droit de Woody Creek, Colorado? Pas vraiment, le confort et l'indifférence se sont trop bien ancrés dans les moeurs journalistiques; la rectitude politique, bien que décriée, fait en sorte que le pire écart aux bonnes moeurs d'un membre de la presse d'aujourd'hui équivaut à peu près au gamin qui prononce le mot "pipi", à table, devant les invités de ses parents horrifiés. Cependant, on édite la correspondance de Thompson, on réédite ses livres, on tourne un film sur un des classiques de son oeuvre, Fear and Loathing in Las Vegas avec en vedette dans le rôle de Thompson, nulle autre que la star montante Johnny Depp.

[...]

Fear and Loathing, la peur et le dégoût. C'est un des thèmes récurrents de l'oeuvre de Thompson et, d'après le biographe Sven Birkerts, c'est "ici que l'on perçoit le véritable registre de Thompson. Comme Lenny Bruce, Norman Mailer ou Allen Ginsberg à leur meilleur, il a trouvé une façon de dire ce qui méritait d'être dit. Peu de gens ont la témérité de dévoiler ainsi la profondeur de leur rage."

Pour Birkerts, c'est un ensemble de documents prenants, saisissants, passionnants, où on apprend entre autres l'origine du fameux Fear and Loathing. C'est l'assassinat de John F. Kennedy, en novembre 1963, qui a cristallisé chez Thompson sa perception de peur et de dégoût pour la société américaine, ses establishments et "powers that be" et leurs intendants.»

À consulter, le site de Christine Othitis Bennett The Great Thompson Hunt.

Mise à jour, 23 février :

As Gonzo in Life as in His Work
No one categorization covers this new form unless it is Hunter Thompson's own word, gonzo. If so, in the 19th century Mark Twain was king of all the gonzo_writers. In the 20th century it was Hunter Thompson, whom I would nominate as the century's greatest comic writer in the English language.
- Tom Wolfe

The minuteman of the Rockies
I'm not that crazy about the gonzo school, or any other version of the new journalism either, but Thompson's signature style was not always, or not entirely, about faxing unedited notes or having his life insurance cancelled by Jann Wenner. He was, above all, a highly polished hater, and could fuel himself as well as ignite others with his sheer contempt for Richard Nixon and all that he stood for.
- Christopher Hitchens

To Write Like Hunter S.
The greedy little hustlers are still running this country, 32 years later. Good writing only goes so far, no matter how compelling the opening paragraph.
- Ed Quillen
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