26.2.05

Le Gannongate et le silence des MT

Eric Boehlert dans le netmag Salon s’interroge à bon droit sur le silence des médias traditionnels (MT) dans l’affaire du Gannongate (voir Les blogues et l’affaire Wilson/Plame du 1er février, Daily Kos et le «gannongate» du 9 février et Gannon/Guckert : encore des retombées du 11 février.

Dans son article See no Gannon, hear no Gannon, speak no Gannon, Boehlert écrit : «Normalement, des révélations à l’effet qu’un ex-prostitué mâle, travaillant sous un faux nom (Jeff Gannon) pour le compte d’une fausse agence de presse ait eu accès à la Maison-Blanche, sans devoir se prêter à la moindre vérification de sécurité, dans le but de poser des questions complaisantes aux porte-parole de l’administration, constitueraient un grosse nouvelle.»

L’affaire refuse de s’éteindre. La fausse agence de nouvelles, Talon News, se dit en «restructuration». Le principal intéressé, James D. Guckert alias Jeff Gannon reprend son blogue et tente de recueillir des fonds pour riposter aux attaques de la «gauche».

Par contre, selon Boehlert, les chaînes ABC et CBS n’ont à aucun moment traité de l’affaire dans leurs nombreuses émissions d’information depuis son début. Pour sa part, la chaîne NBC a diffusé trois courts reportages. La situation dans l’imprimé n’est guère plus reluisante, la plupart des grands quotidiens ont été muets sur l’affaire. Ce n’est qu’hier (25 février) que le Los Angeles Times a abordé pour un première fois la question. Leo Wolinsky, adjoint au chef de la rédaction du Times, déclare  «C’est un peu tard. Peut-être avons-nous été un peu lent à reconnaître que l’affaire revêtait un intérêt public.»

Plusieurs qui suivent l’affaire, comme l’organisme de veille des médias Media Matters relèvent une dichotomie dans les MT face à l’affaire Gannon/Guckert. Aucun des cinq plus importants quotidiens (USA Today, le Wall Street Journal, le New York Times, le Los Angeles Times et le Washington Post) n’a consacré d’éditorial à quelque aspect que ce soit de l’affaire (propagande, sécurité, passé douteux de Guckert). En trevanche, une dizaine de journaux locaux ont traité de l’affaire en page éditoriale.

Boehlert met en contrepoint au Gannongate la nouvelle sur Edward Lee Pitts, correspondant en Irak du Chattanooga Free Times Press, qui aurait aidé un enrôlé de la garde nationale à formuler une question «difficile» au secrétaire d’État à la Défense Donald Rumsfeld en tournée d’inspection de troupes en décembre dernier. La question portait sur le manque de matériel adéquat de protection des militaires envoyés au front. En moins de 24 heures, la suggestion de question formulée par Pitts était devenue la grande nouvelle dans les MT, éclipsant le fait que les troupes manquaient effectivement de matériel. Boehlert écrit : «Contrairement à Guckert, critiqué pour ses questions complaisantes aux porte-parole de l’administration, Pitts a été accusé d’avoir aidé à poser une question trop “difficile”.»

Il y a aussi dans le Gannongate, comme le souligne Boehlert, l’aspect sexe que les MT trouvent gênant d’aborder, malgré toutes les preuves à l’effet que Gannon/Guckert ait travaillé comme escorte mâle et ait posé en tenue légère sur des sites Web gays.

Je jasais de cette affaire de Gannongate cette semaine avec une amie qui a toujours une vue perspicace des choses. Son commentaire : «Et qu’est-ce qui serait arrivé si Gannon avait été une femme?»
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