20.2.05

Typologie de blogueurs

À propos de mon billet du 21 janvier (Blogues, journalisme et crédibilité) dans lequel j’écrivais qu’il fallait éviter de confondre les divers types de blogues, Jon Garfunkel m’a écrit pour porter à mon attention sa typologie des blogues, Deconstructing Blogs: Presenting Blogger Archetypes.

Garfunkel met la table pour son exposé en citant Robert Cox, un des organisateurs de la conférence Blogging, Journalism & Credibility qui dans son blogue se penche sur la terminologie des blogues. Cox écrit : «Je m’inquiète de l’utilisation trompeuse du terme générique “blogueur”. C’est un terme vide de sens. Au mieux, c’est une expression fourre-tout pour laquelle chacun a sa propre définition.[...] Si on est incapable d’en arriver à une définition adéquate de ce qu’est “bloguer”, nous devrons élaborer une nouvelle terminologie pour décrire les personnes, les organismes, les logiciels, les services, et les motivations que, de manière paresseuse, nous confondons tous en un seul lot, les “blogues”.»

Abondant dans le sens de Cox, Garfunkel soumet qu’il faut cesser de décliner le substantif blogue. «Sur le plan linguistique, c’est un piège. Le substantif générique (blogue) s’est décliné en verbe (bloguer) puis en substantif de rôle (blogueur), ce qui donne qu’un blogueur blogue sur son blogue.»

Il y a eu évolution depuis l’arrivée des blogues note Garfunkel. En 2000, les blogues servaient à filtrer ou à écumer le Web. L’arrivée de logiciels plus conviviaux a vu la possibilité de publier des billets de style journal, et arrive alors la dichotomie entre ceux qui ne diffusaient que des liens, et ceux qui ajoutaient des commentaires de leur crû (linkers vs. thinkers). Mais cette typologie précoce n’a pas tenu la route bien longtemps, surtout à cause de la nature et des motivations très diverses des commentateurs.

Ceci nous amène à la conférence sur les blogues, le journalisme et la crédibilité, et au rôle des blogueurs improvisateurs (wingers) qui selon Garfunkel exacerbent l’apparent conflit entre blogueurs et journalistes. Très vite émerge une seconde catégorie, les carillonneurs (ringers) qui n’ont pas a défendre leur crédibilité, et les enfileurs (stringers) qui cherchent à s’en construire une. Le tout n’aurait pas été complet sans les bardes (singers) et les spécialistes (fingers), ces derniers s’apparentant aux improvisateurs, mais en mieux.

Tentons de nous y retrouver.

Les bardes (singers) constituent la majorité de ceux et celles qui bloguent. Caractéristique première : ils ne traitent jamais de politique. Si Garfunkel les appelle les bardes, c’est en référence à la poésie de Walt Whitman qui utilisait cette notion pour décrire la célébration de soi, de l’égo, de son petit monde. À cet égard, la notion rejoint celle de David Weinberger et du complexe d’athenticité.

Puis, Garfunkel identifie les improvisateurs (wingers) qui dans la majorité des cas bloguent sur l’actualité en écrivant chaque jour de nombreux billets relativement courts. Il souligne que la plupart des doléances des journalistes à l’égard des blogueurs ont trait aux improvisateurs, surtout ceux qui bloguent sur la politique.

Il y a ensuite les spécialistes (fingers). Comme les improvisateurs, ils commenteront certains volets de l’actualité, mais ils connaissent à fond les sujets dont ils traitent, les mettront en contexte, vérifieront leurs sources, seront plus sélectifs. Ils affichent habituellement moins de parti pris et plus d’indépendance que les improvisateurs.

Les carillonneurs (ringers) jouissent déjà d’une notoriété et utilisent leurs blogues comme voie alternative d’expression. Personnalités publiques, ils n’ont pas à commenter la nouvelle, ils la font. Pour eux, selon Garfunkel, un blogue est une manifestation symbolique de leur statut. Ils adorent la blogosphère car elle leur permet de briller sur une autre plate-forme que celle à laquelle ils sont habitués.

Enfin, les enfileurs (stringers) sont un peu les coureurs de fond de la blogosphère. Ils ne sont ni bardes ni spécialistes, mais espèrent se tailler une crédibilité à force de travail et de patience et ils ne publient presque uniquement que des textes originaux. Ils seraient mêmes les moins attachés à la formule blogue, misant avant tout sur la publication de leurs écrits, peu importe la plate-forme.

C’est sans prétention que Garfunkel nous propose cette typologie qu’il reconnaît sommaire, mais dont on voit l’utilité pour tenter de cerner ce qui motive la tenue d’un blogue. On pourrait ajouter les formes hybrides de blogues, selon les dispositions changeantes de leurs auteurs. D’ailleurs, Garfunkel écrit : «Je crois que les résultats les plus intéressants seront ceux qui réussiront à combiner des éléments empruntés à divers types».
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