14.4.05

Et maintenant, les logiciels filtres...

... qui s’intéressent aux blogues! C’est l’avocat/blogueur Robert Ambrogi du Massachusetts qui m’a mis sur cette piste plus ou moins déconcertante. Dans un billet daté de mardi dernier, Ambrogi affirme que les blogues hébergés chez Blogger (Blogspot) ou Typepad sont systématiquement interdits d’accès par les filtres Web installés sur des systèmes d’entreprises, d’écoles et de bibliothèques (40 % du marché) par la société N2H2, propriété de Secure Computing. N2H2 dispose d’un outil de vérification qui permet de déterminer si un site figure dans la base de données de sites qui sont interdits d’accès par son filtre.

Qui plus est, bien qu’il utilise l’interface de publication de Blogger mais héberge son blogue sur son propre domaine (legaline.com), son blogue est également interdit d’accès par N2H2 car il est considéré comme un site de commerce électronique, ce qui n’est nullement le cas car Ambrogi ne blogue que sur les questions de droit relatifs aux médias. Il dit s’être adressé à N2H2 pour que cette dernière révise le classement de son filtre, mais n’avoir encore reçu aucune réponse. Ambrogi invite les blogueurs à vérifier s’ils figurent sur la liste des sites interdits à l’aide de l’outil de vérification.

Soupir de soulagement, mon blogue n’est pas filtré. Par ailleurs, certains autres blogues figurent sur la liste d’exclusion de N2H2 et on se demande bien pourquoi.

Celui du journaliste spécialisé en économie Charles-Albert Ramsay, hébergé chez Blogspot, s’empêtre dans les mailles du filet de N2H2 car il est hébergé par un service gratuit, et que «bien que ces fournisseurs de service disposent de règlements relatifs au contenu, ils n’exercent pas toujours la surveillance requise. Il arrive que les utilisateurs diffusent des contenus offensants en utilisant des pseudonymes multiples.» Autres abonnés de Blogspot interdits d’accès pour les mêmes motifs : l’ex-politicien André Boisclair, le journaliste de Radio-Canada Bertrand Halle, la sociologue Valérie Bélair, pour ne nommer que ceux-là.

Autre site filtré par N2H2, celui de Dan Gillmor sur le journalisme participatif dont la faute serait d’être hébergé sur Typepad. Bien qu’il ne soit pas hébergé sur Blogspot, le carrefour des blogues montréalais YULblog écope de son domaine .ORG que N2H2 associe aux services d’hébergement gratuits ou universitaires qui sont filtrés. Pour ce qui est de Miss Information animé par Isabelle Hontebeyrie est interdit d’accès par N2H2 pour cause de «pornographie» selon N2H2.

On se souviendra que N2H2 avait été, en mars 2002, partie prenante à des audiences lorsque devant un tribunal de Philadelphie la American Civil Liberties Union (ACLU) contestait les dispositions du CIPA (Childrens' Internet Protection Act), de concert avec la American Library Association (ALA), en alléguant que les logiciels de filtrage représentaient une atteinte aux libertés constitutionnelles et imposaient un fardeau financier indu aux bibliothèques.

N2H2, fabricant du logiciel de filtrage Bess, vendait alors aux parties intéressées (exploitants de sites, agences de marketing et placement publicitaire) les statistiques qu'elle compilait sur les sites les plus visités par les enfants. Le logiciel Bess est utilisé dans 40 % des écoles qui utilisent de tels filtres, une clientèle «involontaire» de 14 millions d'individus. Le ministère américain de la Défense envisageait même d'utiliser les rapports comportementaux des jeunes qui consultent les sites militaires, et que Bess était en mesure de livrer, pour peaufiner ses méthodes de recrutement. Gary Ruskin de Commercial Alert, un organisme qui lutte contre la commercialisation des écoles, avait alors écrit au nouveau secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, pour l'enjoindre de ne pas tomber dans l'établissement de profils.

Cela dit, j’ai toujours été persuadé de l’inefficacité et de l’inutilité des logiciels filtres, et ce dernier épisode semble à nouveau confirmer mon opinion. Encore une fois, le ridicule ne tue pas, sinon ce serait l’hécatombe.
|