11.8.05

Après les journalistes citoyens, les documentaristes citoyens?

Le mouvement de journalisme citoyen débordera-t-il sur le film/vidéo documentaire? Une première expérience en ce sens mérite d’être soulignée, le Echo Chamber Project de Kent Bye. Il a produit un documentaire d’enquête principalement composé d’entrevues sur la manière dont les services de nouvelles télévisées se sont faits les caisses de résonance des déclarations des ténors de l’administration Bush au cours des semaines qui ont précédé le début de la campagne d’Irak, sans critiquer ou contester des affirmations que l’on sait maintenant qu’elles étaient sans fondement.

Bye a mis en ligne sur le site OurMedia.org (site d’hébergement multimédia mis sur pied par JD Lasica) une version préliminaire de son documentaire avec une licence d’utilisation Creative Commons qui permet à quiconque de télécharger la vidéo et le script, d’en refaire le montage, d’exclure ou de remplacer certains passages, d’y ajouter des éléments, bref de remanier le tout. C’est le concept qui oscille entre wiki et open source directement appliqué au documentaire. En outre, Bye tente de mettre au point des techniques et des logiciels permettant de réaliser des projets en collaboration. Il maintient également un blogue sur l’évolution du projet.

Imaginons un scénario d’adaptation. Avec pour trame de fond le documentaire de Bye sur ce que tout le monde admet maintenant avoir été une manipulation de l’opinion publique avec la complicité bienveillante des médias traditionnels, on tisserait en parallèle le récit d’autres cas semblables survenus ailleurs dans le monde, en d’autres occasions, à d’autres sujets. Une fois cette seconde version achevée, elle serait remise en circulation et d’autres pourraient à leur tour la bonifier, la compléter, ajouter des éléments, etc.

Avec le concept de Bye, on se retrouve devant une formidable machine de production de documentaires ayant des ramifications partout sur la planète, et on pourrait envisager le traitement en collaboration de thèmes comme ceux de l’eau, de la situation des femmes, du problème des réfugiés, des systèmes d’éducation... ce ne sont certainement pas les thèmes qui manquent.

Dan Gillmor dans son ouvrage We the Media écrit qu’Internet est le plus important médium depuis la presse à imprimer, que le réseau subsume tout ce qui l’a précédé de manière fondamentale et transformée. Le Net renverse tant de choses que nous tenions pour acquis des médias que l’on a peine à suivre la cadence; il est difficile de garder la perspective dans le passage d’une hiérarchie directive à un contexte beaucoup plus démocratique et, disons-le, brouillon. Mais nous devons nous efforcer de la faire, et nulle part ailleurs est-ce plus essentiel que dans la plus ancienne forme d’information, soit les nouvelles qui englobent au sens large les documentaires; «Dans Internet, nous sommes définis parce que nous connaissons et partageons. Maintenant, pour la première fois dans l’histoire, le système de rétroaction peut être mondial et presque instantané.» (Chap. 12, pp. 236-237.)
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