20.1.06

Plus de commentaires sur le blogue du Washington Post

Post BlogCe que Philippe Coste de L’Express appelle le Le cyclone Abramoff n’ébranle pas seulement la classe politique de Washington, mais aussi le grand quotidien de la capitale étasunienne. Coste fait le point en quelques mots sur l’affaire de ce puissant lobbyiste : «La dernière transaction de cet “escroc faiseur de pluie”, sa promesse, faite le 3 janvier 2006, de collaborer avec la justice fédérale en échange d'une possible réduction de peine, a semé une panique générale qui en dit long sur l'étendue de son réseau et sur la gravité de l'affaire. Sans attendre ses aveux complets, bon nombre des 300 élus du Congrès (sur un total de 539) connus pour avoir profité de ses largesses, de ses voyages, fonds de campagne ou pots-de-vin, se bousculent pour transmettre leur argent sale à des œuvres de charité.»

Là où l’affaire Abramoff secoue aussi le Washington Post, c’est que les responsables du quotidien ont pris la décision de fermer la fonction commentaire du blogue de la rédaction, là où les journalistes, commentateurs et membres de la direction peuvent s’exprimer en style libre, et les lecteurs formuler leur opinion.

Tout a commencé dimanche dernier lorsque l’ombudsman (médiatrice) du Post, Deborah Howell, a publié un article (Getting the Story on Jack Abramoff, incription requise) sur l’enquête de deux ans du quotidien pour exposer les activités douteuses d’Abramoff. Elle révélait entre autres que les remises d’argent par Abramoff s’étaient faites tant à l’avantage des élus du Parti républicain qu’à ceux du Parti démocrate.

Mais l’affaire Abramoff et l’article de Deborah Howell qui mettait en cause les élus démocrates ont suscité tellement de commentaires virulents sur le blogue que jeudi, 19 janvier, le directeur exécutif de washingtonpost.com Jim Brady a pris la décision de fermer l’option commentaire. (Voir son billet, Comments Turned Off). Brady explique que le but de ce blogue de la rédaction était d’ouvrir un dialogue avec le lectorat, et que ses commentaires contribuaient à maintenir la vigilance des journalistes. «Il y a cependant des choses que nous savions ne pouvoir tolérer, y compris les attaques personnelles, les injures et les propos haineux. Parce qu’un nombre important de personnes commentant sur ce blogue ont refusé de se conformer à ces règles simples, nous avons décidé de ne plus accepter les commentaires pour le moment.»

Rappelons qu’en vertu de certaines jurisprudences, un éditeur de blogue ne peut être tenu responsable de tous les commentaires exprimés par des tiers, mais qu’il se doit de faire diligence pour supprimer ceux qui sont de nature à enfreindre la loi. Avec plus d’un millier de réactions à l’article de Deborah Howell, la tâche de lire tous les commentaires et de supprimer ceux qui portaient atteinte à l’éthique (environ 20 %) devenait tout simplement trop lourde pour le personnel du Post. Jeudi matin, la tentative de Deborah Howell de préciser ses propos (Deborah Howell Responds) n’avait rien fait pour calmer la situation, ayant engendré 300 réactions en trois heures.

Pour bien des éditeurs de blogues médias, la gestion des commentaires et de la crainte des débordements est une véritable hantise. Certains m’en ont d’ailleurs fait part en décembre dernier au congrès de la FPJQ à Québec. Dans le cas du blogue sur la politique «tenu» par Michel Vastel sur le site du magazine L’Actualité, on invite à formuler les commentaires à l’«auteur». Pour l’excellent blogue sur le hockey de François Gagnon (Sans Ligne Rouge sur le site de Cyberpresse), tout semble se faire en direct et sans accrochage.

Enfin, le moins qu’on puisse dire, c’est que Jim Brady n’a pas craint de justifier en ligne, et presque en direct (la discussion était modérée), sa décision. Vendredi midi, il animait une séance d’échange avec les lecteurs du Post dont un de l’Utah qui écrivait «if ya can't stand the heat... Publish partisan lies and not expect a backlash? Get real pal!!! Fire that f***ing b**** forthwith and all's well that ends well, no? Otherwise, batten down the hatches, pal, 'cause there's a storm a brewin' and it's gonna be nasty.» Heureusement que le reste des commentaires volait plus haut et a donné lieu à une discussion intéressante.

Mise à jour, 21 janvier

L’entretien par courriel entre Jim Brady et Jay Rosen (PressThink).
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