9.3.06

Mont-Orford : Les opposants «n'ont qu'à acheter la montagne»

Lundi dernier, le gouvernement québécois annonçait son intention «de déposer, à l’Assemblée nationale, un projet de loi visant à rendre conforme le parc national du Mont-Orford à la vocation des parcs nationaux du Québec, telle que prévue à la Loi sur les parcs adoptée en 2001. Le projet de loi va soustraire et prévoir la vente du territoire sous bail du parc national du Mont-Orford utilisé à des fins récréotouristiques intensives (centre de ski alpin et terrain de golf). Il prévoira également la possibilité d’un développement domiciliaire d’ensemble de ces terrains d’une superficie maximale de 85 hectares dans le respect des plus hauts standards environnementaux qui permettront de préserver les paysages et la biodiversité faisant la beauté et la richesse du Mont-Orford.»

Montée aux barricades des environnementalistes, on le comprendra, malgré toutes les assurances fournies par le gouvernement qu’il verra à agrandir le parc d’au moins 5 000 hectares. Réponse de Monique Gagnon-Tremblay, ministre responsable de la région de l’Estrie : «Le gouvernement a décidé de faire un appel d'offres public pour que le processus soit le plus transparent possible. Et remarquez que si tel est le cas, les environnementalistes ou les autres (opposants) peuvent acheter la montagne. Tout le monde peut l'acheter.»

Il m’a fallu quelques secondes, et quelques manoeuvres de télécommande de mon téléviseur pour trouver cette «brillante» déclaration sur une autre chaîne, et pour me confirmer que j’avais bien entendu. Bel exemple d’ouverture. C’est un peu comme dire : «Vous n’êtes pas content de votre gouvernement? Achetez-vous une élection.»

Monique Gagnon-Tremblay, qui en plus d’être ministre responsable de la région est également ministre des Relations internationales et ministre responsable de la Francophonie, avait déclaré lors de l’annonce de l’intention du gouvernement d’agrandir le parc : «Par cet engagement, le gouvernement démontre sa ferme volonté de protéger la nature et la biodiversité, de renforcer l’intégrité écologique du parc national du Mont-Orford et d’associer la population de la région de l’Estrie à la protection de la biodiversité.»

Sans faire le procès de cette décision, et sans étaler l’ensemble fort complexe, avouons-le, du dossier, pourrait-on en rappeler un seul élément, soit celui de l’eau.

Le mois dernier, alors que le Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs était toujours dirigé par Thomas Mulcair, prédécessur de Claude Béchard à ce poste, le président du Conseil régional de l'Environnement de l'Estrie, Jean-Guy Dépôt, écrivait au ministre Mulcair une lettre traitant de certains impacts d’un projet tel qu’annoncé. Je me permettrai ici de reproduire certains extraits de cette lettre, et d’en souligner certains passages.

Permettre un projet d'étalement urbain dans un petit parc national n'est pas, à mon sens, du développement durable. Ni le retrait et le massacre de 330 acres de forêt mature, contenant des érables, des pins rouges, des chênes rouges, des noyers cendrés de 70 à 100 ans.[...] Pourquoi permettre illégalement la construction de 1 000 unités d'habitation et environ 3 200 places de stationnement dans un parc national?

[...]

Ce projet d'envergure n'a malheureusement pas fait l'objet d'une étude d'impact globale sur l'environnement. Cet immense chantier affecterait assurément le système hydrique du ruisseau Castle et provoquera énormément d'érosion de même que l'apport d'une importante quantité de sédiments vers le lac Memphrémagog, réservoir d'eau potable de plus de la moitié des Estriens (160 000) contribuables des Villes de Magog et de Sherbrooke, et d'autres villes sur les rives du lac. Rappelons qu'il y a un manque chronique d'eau potable dans le secteur sud du Canton d'Orford. Au cours des derniers mois de l'année 2005, la municipalité a dû verser plus de 20 000$ à l'entreprise Laforest Nova Aqua Inc. pour la recherche d'eau souterraine et l'étude de capacité des puits existants. Chaque année sur une période de 8 semaines, du 15 novembre au 15 janvier environ, Mont-Orford Inc. pompe du petit étang aux Cerises pour l'enneigement artificiel des pistes de ski alpin environ 227 124 000 litres d'eau (60 000 000 gallons).

En décembre 2004, le BAPE a constaté que l'évaluation du débit soutiré actuellement à l'étang aux Cerises est de 47 litres/seconde. Ce débit moyen soutiré serait trois fois supérieur à un débit réservé acceptable, soit 17,6 litres/seconde. Cette année avec le temps chaud, on m'indique qu'on a dû recommencer à quatre occasions la fabrication de neige artificielle.


Autrement dit, et strictement sur le plan hydrique, ce projet est une catastrophe en devenir.

Dans le respect des plus hauts standards environnementaux... ferme volonté de protéger la nature et la biodiversité... renforcer l’intégrité écologique du parc...

Monique Gagnon-Tremblay répondra peut-être que si les citoyens et les municipalités manquent d’eau, ils n’auront qu’à l’acheter?

Mise à jour : 11h39

Je ne peux m'empêcher de grappiller le billet de Vastel de ce matin.

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LA PERLE DU JOUR

Hier soir à TVA, la ministre des Relations internationales et responsable de l'Estrie, Monique Gagnon-Tremblay, a fait cette remarque savoureuse: «Cette montagne [Orford] est une anomalie, elle ne devrait pas se trouver dans un parc...»

Écoutez donc, Madame la ministre, il me semble que la montagne était là avant le parc, non?

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