19.1.07

À propos des sables bitumineux

L’émission Zone Libre de ce soir à la télévision de Radio-Canada promet de faire grand bruit.  «Le journaliste Guy Gendron et le réalisateur Jean-Luc Paquette révèlent la face cachée de la politique environnementale du gouvernement Harper, grandement influencée par l’industrie pétrolière de l’Alberta.  Ils font la chronologie des engagements canadiens à produire toujours davantage de pétrole pour répondre à la soif américaine.»

Michel C.  Auger dans son blogue de Cyberpresse nous dit À vos magnétoscopes : «Le Canada a beaucoup investi dans les sables bitumineux, mais ils pourraient très rapidement devenir une source de pétrole qui serait boudée par les Américains, parce que trop polluante à produire.  C’est probablement l’un des grands dossiers politique et environnemental de la décennie et, pour le comprendre, ce documentaire est un point de départ essentiel.»

Avant même sa diffusion, et grâce à de courts extraits déjà diffusés sur les ondes de la chaîne publique, le reportage trouve déjà ses échos dans la presse internationale.  Hier, 18 janvier, le quotidien français Le Figaro titrait : Le Canada brade son environnement pour les USA : «Selon Radio-Canada, Ottawa s’est en effet engagé à multiplier par cinq sa production d’ici à 2015.[...] l’accord aurait été formulé, au lendemain de l'élection du gouvernement Harper, en janvier dernier, lors d’une rencontre à Houston, au Texas, entre les patrons de l'industrie pétrolière américaine et les dirigeants des grands projets d'exploitation des sables bitumineux de l'Alberta.»

On sait que l’extraction du pétrole à partir de sables bitumineux (il faut traiter deux tonnes de sable environ pour récupérer un baril de bitume) a des impacts environnementaux importants.  On lit dans Wikipedia : «En Alberta, cette forme d'extraction détruit complètement, dès l'ouverture de la mine à ciel ouvert, la forêt boréale, les tourbières, les rivières ainsi que le contour naturel du terrain.[...] De plus, l'extraction d'un seul baril de pétrole des sables bitumineux de l'Alberta génère plus de 80 kg de gaz à effet de serre (GES) et entraîne le rejet de plusieurs fois son volume en eaux usées dans les bassins de décantation.»

Mais l’exploitation des sables bitumineux nécessite des investissements considérables.

Or, on apprend du service d’information financière Bloomberg que deux ministres importants du gouvernement Harper sont actuellement en Chine.  Le ministre du Commerce David Emerson et celui des Finances Jim Flaherty tentent par cette visite de haut niveau d’attirer plus d’investissements chinois au Canada, notamment dans le secteur de l’énergie.

Selon Bloomberg, les sociétés d’État chinoises ne se sont pas encore montrées très intéressées dans le développement des sables bitumineux qui nécessitera d’ici dix ans plus de 100 milliards de dollars en investissements.  La société Cnooc Ltd., détenue à 71 % par la société d’État chinoise China National Offshore Oil Corp., possède 17 % du capital-actions de la société canadienne MEG Energy Corp.  La China Petrochemical Corp.  quant à elle détient 40 % du projet de sable bitumineux Northern Lights par l’intermédiaire de Synenco Energy Inc.  Ces deux investissements totalisent moins de 300 millions de dollars canadiens.

Cette semaine, à Beijing, le ministre Emerson a déclaré que des investissements chinois seraient bienvenus au Canada : «Nous sommes ouverts et encourageons les investissements chinois dans les sables bitumineux et d’autres secteurs de l’économie canadienne.»

En novembre dernier, le ministre canadien des Ressources naturelles, Gary Lunn, s’était rendu à Beijing pour encourager les responsables chinois en matière d’énergie à envisager des prises de participation dans des entreprises canadiennes.  Il était accompagné de Pat Daniel, premier dirigeant de Enbridge Inc., une société canadienne qui propose un pipeline de quatre milliards de dollars entre la région de l’Athabaska (où sont les principaux gisements de sables bitumineux) et la côte ouest.

Résumons-nous.  Harper tient à augmenter l’exploitation de sables bitumineux.  Pour ce qui est du capital requis, les investisseurs étasuniens sont intéressés et les chinois sollicités.  Quant à l’écoulement de la production, même scénario.  Et Kyoto?  Bof...

En complément de lecture, mon billet du 9 janvier, Incursion dans l’envirolobby d’Ottawa.
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