INTERNET 101
Zone-Outaouais, juillet 1997

Non, ce n'est pas un cours d'introduction à l'Internet bien que cette idée ne ferait pas de tort à certains de nos élus.

C'est que l'Office de la langue française (OLF) a fait parvenir à un détaillant de l'ouest de l'île de Montréal une mise en demeure lui enjoignant de traduire son site Web unilingue anglais en français. La mise en demeure, en date du 29 mai, venait après un premier avis envoyé au détaillant le 6 février dernier. L'OLF invoque l'article 52 de la Charte de la langue française qui, dans sa section sur la langue du commerce et des affaires, stipule que «les catalogues, les brochures, les dépliants, les annuaires commerciaux et toute autre publication de même nature doivent être rédigés en français.»

Le détaillant a commencé à «bilinguiser» son site, à contre-coeur et dans un français plus pénible à lire que l'original anglais, disant qu'il entendait le faire éventuellement mais qu'il ne prisait pas être mis devant l'obligation de le faire. Il a ameuté la presse anglophone montréalaise, la presse américaine a repris la nouvelle. Les quotidiens francophones en métropole ne s'énervaient pas trop jusque là, mais si les américains se mettaient à en parlaient, c'est peut-être qu'il y avait matière à papier. Et voilà, l'affaire était lancée et continue de faire couler de l'encre.

Plusieurs choses dérangent dans ce dossier, notamment sur le plan journalistique.

Le point de vue de la presse «angryphone» montréalaise ne porte que sur la compétence de l'OLF à faire respecter la Charte de la langue française, et évidemment sur le bien fondé de ladite charte. La presse spécialisée américaine, de sa distante Californie, a étoffé ses articles d'un tissu d'inexactitudes sur le Québec, tant sur le plan linguistique, politique, social et économique. La presse francophone montréalaise a suivi dans les deux analyses précédentes avec un manque flagrant de sens critique.

Et dans ce dossier monté en épingle par des journalistes tirés à quatre épingles, le caractère distinct du médium que constitue l'Internet est tout à fait absent du discours et des analyses.

Il y a eu détournement de débat par la presse anglophone au sujet d'une loi qu'elle n'a jamais acceptée, d'une majorité qu'elle continue de mépriser, d'un sentiment d'insécurité et de persécution qu'elle continue d'entretenir chez sa clientèle.

Soyons conséquents. Si on prétend que l'Internet échappe à la Loi électorale du Canada (LEC) en ce qui concerne la diffusion de résultats de sondages en période électorale et la publicité de sympathisants agissant en leur nom personnel, il faudra aussi faire valoir que l'Internet ne peut être mis dans le même créneau d'application que les médias traditionnels en ce qui concerne la publicité commerciale, même si on partage et défend les objectifs de l'OLF. Ce qu'il faut défendre, c'est la spécificité de l'Internet comme médium de communication.

Si on permet un tant soit peu l'ingérence des gouvernements dans l'utilisation du médium qu'est l'Internet, que ce soit pour limiter notre liberté d'expression, porter atteinte à notre vie privée, présélectionner l'information à laquelle nous pouvons avoir accès, etc., la prochaine étape pour les administrations publiques sera-t-elle celle de la fiscalité, de la réglementation et des permis pour exploiter l'Internet et avoir sa page Web?

Et là encore, c'est mal comprendre l'Internet qui n'est pas un médium de diffusion comme la télévision, la radio ou les imprimés. L'Internet n'est pas uniquement un médium d'information, c'est d'abord et avant tout un médium de communication, de un à un, de un à plusieurs, de plusieurs à plusieurs.

Que l'on veuille étendre le champ d'application de lois adoptées en fonction de médias d'information à un médium de communication, c'est nous atteindre dans ce que nous avons probablement de plus précieux, notre droit de communiquer comme bon nous semble. Mais c'est aussi, pour le législateur, afficher un manque total de compréhension de la nouvelle donne technologique qu'introduit l'Internet dans nos sociétés.

Internet 101?

Jean-Pierre Cloutier

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URL : http://www.cyberie.qc.ca/jpc/articles/int101.html
Mise en ligne : 9 juillet 1997