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Page daccueil Les Chroniques de Cybérie
Le mardi 23 avril 2002

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine en Cybérie...

  France : «Je vous l'avais dit!»
Non, ce n'est pas de moi qu'il s'agit, mais bien de Jean-Marie Le Pen qui s'exprimait ainsi alors que les premières estimations des résultats étaient dévoilées.  «Coup de tonnerre», «séisme», «cataclysme», les épithètes n'ont pas manqué pour décrire les résultats du premier tour de la présidentielle française.  Un autre grand dossier qui échappera au diffuseur public canadien.  Et d'ici le deuxième tour le 5 mai, on peut s'attendre à de vifs débats, sans compter que les législatives suivront très bientôt (premier tour le 9 juin, deuxième tour le 16 juin).  Tous les résultats de ce premier tour de la présidentielle sur le site du ministère de l'Intérieur

Côté Web, sur le site FranceÉlections2002.com, on a établi un indice de visibilité au 19 avril des sites Web «candidats» et «non candidats».  Positionnement intéressant, eu égard aux résultats du premier tour.  Sur le netmag Transfert, on nous parle de la fin de la campagne sur Internet, «dernière mobilisation numérique avant le week-end: ultimes fragments de la campagne numérique», et des «spams» politiques de dernière minute envoyés par certains candidats.

Dimanche, et encore ce lundi matin, l'intérêt pour les informations sur les résultats, les analyses, les suites était tel que le site Web du quotidien Libération a eu peine à répondre à la demande.  On pouvait lire sur la page d'accueil : «Suite à une trop forte affluence, notre site a subi une panne de plusieurs heures.  Le nombre d'internautes étant toujours nombreux, nous vous proposons une page d'accueil allégée.»

L'Agence France Presse nous rappelle qu'à titre expérimental, on pouvait voter par Internet dans la ville de Vandoeuvre-lès-Nancy (Meurthe-et-Moselle).  La Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) avait autorisé l'expérience du vote par Internet dans le bureau de vote, après avoir refusé l'expérimentation à domicile.  Au total, 467 électeurs se sont exprimés dans l'unique bureau de vote où étaient installés trois ordinateurs dans trois isoloirs, après avoir d'abord voté de manière traditionnelle par bulletin papier.  Selon Françoise Nicolas, maire de Vandoeuvre-lès-Nancy, parmi les électeurs figuraient beaucoup de personnes âgées qui découvraient Internet pour la première fois.

Les réactions.  Nombreuses, on le comprendra, mais soulignons celle de Donald G. McNeil du New York Times qui était au QG de Jean-Marie Le Pen à Saint Cloud.  Il cite un extrait de sa déclaration à la suite de l'annonce des résultats : «Je suis socialement à gauche, économiquement à droite et plus que jamais, nationalement de France», déclaration qui serait inspirée du maire de New York Michael Bloomberg.  Puis, McNeil commente : «Après minuit, alors que la plupart des “vieux” et des journalistes avaient quitté, la foule s'est mise à danser.  Vestons et cravates, ou maillots de rugby, ils avaient l'air des jeunes républicains de George Bush, sauf qu'ils dansent mieux.»

Des réactions, presque immédiates aussi, sur les blogues, comme en témoigne «l'expat'» Emmanuelle Richard qui, de Californie, en a fait une recension sommaire.  Soulignons cette campagne «Non à Le Pen» qui, quelques heures après l'annonce des résultats, se mettait déjà en branle.  Visiblement, la nuit fut courte pour certains, espérons qu'elle ne soit pas quinquennale pour tout un pays. 

Puis, deux sites : sur Place publique, un Spécial élections 2002, et le site Liberté, égalité, fraternité.

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  Alerte au virus/ver : W32.Klez.H
W32.Klez.H@mm, c'est la nouvelle bestiole qui circule depuis mercredi dernier sur le réseau, une variante de W32.Klez.E@mm apparue en mars, et d'autres incarnations antérieures de Klez.  Voir la description chez Symantec, et l'indice de propagation chez MessageLabs.

Sauf pour le nom, rien de bien nouveau : il se propage par voie de fichier-joint qui s'active s'il est ouvert; il scrute le contenu pour trouver des adresses de courriel (carnet Windows, base de données ICQ, pages Web conservées en antémémoire, etc.); il se propage par le logiciel Outlook en s'auto-communiquant à ces adresses et en se dissimulant dans un des fichiers choisi au hasard dans le système infecté (extensions .doc, .htm ou .html, .xls, .rtf, etc.) d'où une brèche possible de sécurité.

S'il n'y a rien de neuf sur le plan technique, force est de constater que le nombre de message infectés reçus depuis quelques jours signifie une chose : bon nombre d'utilisateurs ne disposent pas d'un logiciel antivirus, ou encore n'en font pas une mise à jour régulière. 

On en vient à regretter que ces bestioles ne soient pas plus vilaines et ne s'attaquent pas directement (du genre «format C:\») aux systèmes des inconscients qui font fi des mesures de sécurité les plus élémentaires.  Faudrait-il devenir plus méchant? Parfois, question de servir une leçon à ces imprudents et négligents, je songe à publier sur le Web ces fichiers et documents qui me parviennent par l'entremise des virus/vers, avec le nom de l'expéditeur(trice).  Ce début de roman érotique, ces chiffres de ventes du mois de mars, ce rapport d'évaluation de l'employée X, etc.

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  Fin des contenus «pur Web» pour Netgraphe
La société Netgraphe a annoncé la semaine dernière une «réorganisation stratégique» visant à faire de canoe.qc.ca (en français) et canoe.ca (en anglais) des portes d'entrée vers les propriétés de Quebecor Média.  Cette restructuration signifie l'élimination de 67 emplois à Montréal et à Toronto une économie évaluée à 7 millions de dollars), mais aussi l'abandon des contenus originaux pour le Web, les divers sites étant désormais alimentés par les autres médias de Quebecor, et par Sun Media (propriété de Quebecor) pour ce qui est des contenus de langue anglaise.

Selon Hélène Baril du quotidien La Presse, la situation serait attribuable à une faiblesse des revenus publicitaires, au manque de perspectives du modèle payant sur le marché québécois, et à la disponibilité chez Quebecor de contenus se prêtant à la convergence : «Faute de revenus publicitaires suffisants, Netgraphe a finalement jeté l'éponge et abandonné à son tour la production de contenu original destiné à Internet [...] La semaine dernière, Webfin [Ndlr.  site d'information financière propriété de Netgraphe] avait consulté ses utilisateurs pour savoir s'ils étaient prêts à payer pour des services améliorés comme des cotes boursières en temps réel et des conseils inédits.  Une écrasante majorité de 93 % a répondu non [...] Le couperet est tombé sur Netgraphe tout de suite après la conclusion d'un nouveau contrat de travail entre Quebecor et les journalistes du Journal de Montréal, qui ont accepté que leurs textes soient diffusés sur Internet.»

Dans le quotidien torontois The Globe and Mail, qui avait annoncé les coupures chez Netgraphe il y a déjà deux semaines, on fait état de la dette consolidée de huit milliards de dollars de Quebecor, dont une partie serait attribuable à l'achat du Groupe Vidéotron Ltée à la fin de 2000, avec l'aide de la Caisse de dépôt et placement du Québec, au prix de 5,4 milliards de dollars.

Autre difficulté : il y a quelques jours, on apprenait que les médias de Quebecor (y compris les sites Web) ne recevraient plus de contrats publicitaires de BCE et de ses filiales, une perte d'environ 10 millions de dollars.  Selon le netmag Branchez-Vous! : «Cette décision fait suite aux attaques en règle de Quebecor contre Bell ExpressVu, la filiale de télévision par satellite de BCE, qui s'avère être un concurrent redoutable pour le câblodistributeur Vidéotron, filiale de Quebecor.  Le 4 avril dernier, Pierre Karl Péladeau, président et chef de la direction de Quebecor Média accusait BCE de se livrer à «une forme flagrante d'interfinancement» et pressait le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) d'intervenir «pour mettre fin à une situation qui nous apparaît clairement aller contre l'intérêt public.»

Quoiqu'il en soit, avec la suppression de contenus autres que «convergents» dans Multimédium (technologie), Mégagiciel (technologie) et Webfin (finances), la décision de Netgraphe réduit l'offre de contenus québécois originaux, soit de contenus qui ne soient pas déjà disponibles sous une autre forme que des médias Web.  On ne comptera plus que l'Agence Science-Presse (sciences), Cybersciences (sciences), L'Itinérant électronique (syndicalisme), Vigile (politique), le réseau de sites Branchez-Vous! (divers) et les présentes chroniques.

Comme disait Camus : «Nous ne savons pas si cela est un mal, mais nous savons que cela est.» (L'Été, Gallimard, 1940)

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  Amazon bouquiniste, éditeurs et auteurs en colère
Depuis un peu plus d'un an, le cyberlibraire Amazon.Com offre sur son site des livres d'occasion.  Par exemple, l'édition format poche du livre culte sur le cyberespace «Neuromancer» de William Gibson est proposée à 7,00 $, mais vous pouvez vous procurer un volume ayant déjà servi, à partir de la même page Web, pour environ 4,00 $ selon l'état du livre.  C'est que Amazon permet aux particuliers habitant aux États-Unis de vendre les livres dont ils veulent se départir directement sur son site, moyennant des frais fixes de 0,99 $ US plus une commission de 15 % du prix de vente.

Évidemment, si la vente/achat d'un livre d'occasion est intéressante pour le consommateur, elle n'entraîne aucun versement de droits sur cette revente, ce qui a provoqué l'ire des auteurs et des éditeurs.  En décembre dernier, les présidents de la Authors Guild (guilde des auteurs, 8 000 membres) et de la Association of American Publishers (association des éditeurs, 270 membres) écrivaient à Jeff Bezos, premier dirigeant de Amazon.Com, pour lui demander de modifier sa stratégie de commercialisation des livres d'occasion, estimant qu'elle nuisait à la vente des livres neufs.

Les deux groupes contestaient la proximité des produits neufs et d'occasion (sur la même page, le titre du volume d'occasion dans une case bleue), et affirmaient que dès la sortie d'un titre, bon nombre d'exemplaires d'occasion (souvent des copies promotionnelles sur lesquelles auteurs et éditeurs ne touchent aucun droit) étaient déjà offerts. 

Les représentants des auteurs et éditeurs écrivaient : «Afin de sauvegarder les intérêts des auteurs, des éditeurs, des lecteurs et de Amazon, il faut trouver un compromis qui n'incitera pas les auteurs à cesser d'écrire, et les consommateurs à acheter des livres neufs.  Nous estimons que ce compromis est simple : restreindre l'affichage prioritaire des titres de livres d'occasion aux oeuvres épuisées ou de collection, et dresser la liste des éditions d'occasion offertes après la liste des titres neufs encore disponibles.» Bezos décide alors de solliciter l'avis des vendeurs et clients de livres d'occasion à qui il adresse un courriel, en plus de suggérer qu'ils écrivent aux groupes représentant les auteurs et les éditeurs pour leur signifier leur mécontentement.

Bezos dit avoir reçu plus de 5 000 courriels d'appui à sa stratégie bouquiniste (qui s'étend d'ailleurs aux disques compacts et bandes vidéo).  Patty Smith, porte-parole de Amazon, a déclaré à l'Associated Press que la vente de livres d'occasion «encourage les clients à explorer d'autres auteurs ou genres, chose qu'ils ne seraient pas tentés de faire en raison du prix.  En bout de ligne, ça aide les auteurs et les éditeurs.» Selon Smith, la vente de produits d'occasion (livres, disques compacts, bandes vidéo, etc.) représentait 15 % du volume total au dernier trimestre de 2001, sans que l'on dispose toutefois d'une ventilation applicable au secteur livres.

Le 9 avril, les représentants des auteurs et éditeurs répliquent.  Ils accusent Amazon de commercialiser encore plus agressivement la vente de livres d'occasion en informant les acheteurs de livres neufs qu'ils peuvent les revendre sur son site Web.  Ils demandent donc aux éditeurs et aux auteurs de retirer de leurs sites Web les hyperliens pointant vers le site de Amazon, et de les remplacer par des liens vers les concurrents Barnes and Noble et BookSense.

La question est complexe.  D'une part, l'argument de Amazon sur l'exploration des auteurs et des genres ressemble un peu à celui de Napster dans le domaine de la musique : à terme, une plus grande diffusion profite à tous les acteurs de l'industrie.  Les observateurs sont partagés à ce sujet et le très léger fléchissement des ventes pourrait être attribuable à des facteurs étrangers à l'échange de fichiers musicaux.

Vient ensuite le concept de liberté individuelle : un particulier acquitte des droits dans le prix d'achat d'un livre neuf, il est donc normal qu'il puisse disposer de son bien comme il l'entend.  De fait, auteurs et éditeurs, par les voix de leurs associations respectives, ne contestent pas comme tel la revente des livres, mais bien la proximité de l'offre, soit que les éditions d'occasion côtoient de si près les éditions neuves.  Imaginons seulement le même phénomène en librairie.

Puis, le rôle d'Amazon et de son premier dirigeant Jeff Bezos.  Souvent ridiculisée par la presse financière qui annonce périodiquement son effondrement, Amazon arrivait pour la première fois de son histoire à un équilibre financier pro forma (excluant certaines charges) à la fin de 2001, et enregistrait un léger profit en janvier de cette année.  En tant qu'entreprise, Amazon doit-elle d'abord veiller à offrir aux consommateurs ce qu'ils veulent et au meilleur prix, même si cette offre se fait au détriment de l'industrie de l'édition, le dit détriment restant à prouver?

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  Livre : «Les maîtres du réseau : les enjeux politiques d'Internet»
L'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), organisme responsable de la gestion des noms de domaines, est en pleine crise identitaire et structurelle.  Le procès Microsoft se poursuit sur fond de croissance des logiciels ouverts.  L'époque est à la concentration et à la convergence, mais les blogues ont repris le flambeau du Web indépendant et personnalisé.  Que tirer de ces bouleversements déterminants pour l'avenir du réseau?

Pierre Mounier, auteur et journaliste indépendant, vient de publier un ouvrage important : «Les Maîtres du réseau : les enjeux politiques d'Internet» aux Éditions La Découverte.  N'y cherchez pas une thèse aride qui tente de démêler l'écheveau complexe des jeux de pouvoirs pour s'assurer une mainmise du réseau, pas plus qu'un fade historique des dates marquantes de son évolution.  Par contre, si vous cherchez à comprendre ces enjeux sociaux et politiques et à mieux cerner la notion de citoyenneté planétaire qui s'y rattache, inscrivez ce titre sur la liste des ouvrages à lire.

Ce qui plaît dans l'exposé de Mounier, c'est le style clair de son discours qui réussit, en 205 pages, à décrire les axes de convergence et de divergence entre les grandes sociétés qui aimeraient s'approprier de l'outil et le transformer en vaste espace commercial, et les fondateurs et militants qui s'opposent à cette prise de possession.

Mounier écrit : «...  le réseau ne repose finalement que sur deux choses, toutes deux immatérielles : tout d'abord un langage commun, qui nous permet de converser, et ensuite un système d'identification commun qui nous permet de trouver celui avec lequel on veut converser; autrement dit, les protocoles et le DNS, gérés par l'ISOC, le W3C et l'ICANN.  C'est là que, à leurs yeux, doit se livrer la grande bataille dans la guerre qu'ils mènent contre les grands groupes de communication.  Car pour eux, du statut futur de ces moyens immatériels de communication, public ou privé notamment, dépendra le sort de la liberté sur le réseau [...] Que se passerait-il si le langage lui-même, les mots dont nous nous servons tous les jours pouvaient être achetés? Il n'y aurait plus de liberté d'expression, répondent les netizens, car le propriétaire du langage pourrait décréter arbitrairement qui a le droit à l'expression et qui ne l'a pas.  Il n'y aurait plus de communication, ajoutent les techniciens, car le monde serait éclaté en plusieurs réseaux de communication incompatibles entre eux.  C'est ce que les uns et les autres, pour des raisons différentes, tentent d'empêcher sur Internet.  »

Très actuel dans son propos, Mounier aborde même brièvement la question de l'impact du 11 septembre sur Internet, et la manière dont les diverses lois adoptées pour lutter contre le terrorisme sont venues modifier la cadre juridique d'Internet (liberté d'expression, droit à la vie privée).

«Les Maîtres du réseau : les enjeux politiques d'Internet» fait l'objet d'une section spéciale du site Web Homo Numericus, magazine d'information sur les questions de société liées aux nouvelles technologies qu'anime Mounier.  On peut se le procurer en librairie, ou chez les cyberlibraires AmazonFrance ou GallimardMontréal.Com.

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  L'infrastructure canadienne vulnérable
Peu de souci pour la sécurité informatique dans les ministères, pas de données adéquates pour déterminer si les pratiques actuelles sont acceptables, pas de référence appropriée pour mesurer les progrès, pas de rapport sur l'efficacité de la sécurité des technologies de l'information au gouvernement avant 2004, des mesures en matière de sécurité qui varient beaucoup d'un ministère à l'autre, un certain nombre de faiblesses à cet égard dans les ministères vérifiés.  C'est le bilan que dresse Madame Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada, dans son rapport annuel déposé la semaine dernière à Ottawa.

La vérificatrice générale consacre un chapitre entier à «La sécurité des technologies de l'information» dans lequel, si elle ne trouve aucun incident majeur à déplorer, elle fait néanmoins état de nombreuses tentatives d'intrusion dans des systèmes gouvernementaux.  «Au cours de l'été 1999 afin d'évaluer l'ampleur de la cybermenace à sa présence dans Internet» peut-on lire dans le rapport, «un point d'occupation dans Internet de chacun des six ministères a été surveillé, pour une période allant jusqu'à trois mois, et le trafic inhabituel sur le réseau a été relevé et analysé.  Cette surveillance a mis en évidence plus de 80 000 alarmes.  Une analyse plus poussée des alarmes a permis de repérer plus de 500 tentatives de pénétration dans les systèmes ministériels.  La plupart de ces tentatives consistaient en des essais par d'éventuels agresseurs, et un grand nombre d'entre eux avaient utilisé des instruments informatisés.»

L'enjeu est de taille pour le gouvernement canadien qui souhaiterait un recours accru à Internet pour une foule de transactions avec les citoyens.  Or, si on ne peut assurer à ces derniers la sécurité totale de leurs échanges avec l'administration publique, y compris la consignation de données personnelles, il sera plus difficile de faire accepter ce nouvel outil par le public.

Madame Fraser formule à l'endroit du gouvernement de nombreuses recommandations, notamment accélérer l'élaboration d'exigences de base pour la sécurité, devancer le calendrier de mise en oeuvre de la politique sur la sécurité, fixer une fréquence minimale des évaluations des pratiques de sécurité des technologies de l'information qui doivent être menées dans les ministères et exiger, dans ses normes techniques, que les ministères soumettent leurs systèmes à des évaluations de la vulnérabilité. 

On ne semble pas toutefois, contrairement aux États-Unis, opter pour la désignation d'un grand responsable de la cybersécurité comme l'est Richard Clarke pour l'administration Bush, un des seuls «rescapés» de l'administration Clinton à avoir conservé son poste.

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  Microsoft : «Merci aux Forces armées d'Israël»
Sur fond de drapeau israélien, d'énormes panneaux publicitaires le long des voies menant à Tel Aviv.  Superposée à l'image des drapeaux, cette phrase : «Du fond du coeur, merci aux Forces armées d'Israël».  Et en guise de signature, le logo de Microsoft.  Une version Web de cette publicité était également diffusée sur le portail MSN Israël.

La vue de ces panneaux publicitaires en a fait bondir plus d'un, dont Adam Keller, porte-parole de Gush Shalom (bloc pro-paix israélien).  Dans une lettre adressée à Bill Gates, premier dirigeant de Microsoft, Keller écrit : «On s'attendait à mieux de Microsoft que la diffusion de propagande nationaliste et militariste en Israël et qui appuie une guerre destructrice lancée par le gouvernement Sharon, une guerre condamnée par la communauté internationale et par bon nombre de citoyens israéliens.  Nous vous demandons instamment de mettre un terme à cette campagne et d'investir les dizaines de milliers de dollars qui seraient affectés à des activités susceptibles de mettre fin au bain de sang et de promouvoir une paix équitable entre Israéliens et Palestiniens.»

Selon l'agence ArabNews, Jonathan Murray, vice-président des comptes internationaux, de passage à Riyadh pour la foire «Saudi E-Commerce 2002», a déclaré que Microsoft était très au fait des «sensibilités régionales», et il a insisté sur l'importance des marchés dans le monde pan-arabe.  Selon lui : «L'affichage de ces panneaux n'exigeait pas, et n'a pas reçu, l'approbation de la société Microsoft.  C'était l'unique décision de Microsoft Israël.» Interrogé à savoir quelles mesures seraient prises contre les responsables de cette campagne publicitaire, Murray a déclaré que la question serait réglée «à l'interne».

Les panneaux publicitaires et les bandeaux Web ont été retirés, mais Adam Keller, de Gush Shalom, entend lancer une campagne mondiale de boycottage des produits Microsoft.

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  Venezuela : que s'est-il passé?
Depuis la semaine dernière, on commence à en savoir un peu plus sur les circonstances qui ont précédé le coup d'État raté au Venezuela, et sur le déroulement de ce dernier. 

On sait que dès la confirmation de la tentative de putsch, l'administration Bush a communiqué avec des membres influents du Congrès pour les informer de la «démission» du président Hugo Chávez.  Le message était clair : Chávez n'avait que ses politiques sociales à blâmer pour ce que l'administration Bush appelait, par la voix du porte-parole présidentiel Ari Fleischer un «changement de gouvernement».

La machine éditoriale des grands quotidiens étasuniens a immédiatement et de manière complaisante emboîté le pas.  L'organisme de surveillance des médias Fairness and Accuracy in Reporting (FAIR) publiait jeudi dernier une analyse très critique des éditoriaux de la grande presse (New York Times, Washington Post, Los Angeles Times, Newsday, Chicago Tribune) et dénonçait son «enthousiasme» à accepter la version de Washington des événements :  Chávez avait démissionné, un gouvernement de transition était en place et prévoyait la tenue d'élections, c'était un changement pro-démocratique, les États-Unis n'avaient eu aucun rôle à jouer.  Trop tard pour faire partie du palmarès de FAIR, l'article de Donald Lambro dans le Washington Times (qui, incidemment est détenu et contrôlé par le révérend Sun Myung Moon, leader de l'Église de l'Unification), mais passons.

Ce n'est que mardi le 16 avril que le New York Times (et les autres grands quotidiens) fait état de conversations entre Otto Reich (voir notre chronique du 2 avril 2002), secrétaire d'État adjoint responsable pour l'hémisphère occidental, et Pedro Carmona Estanga, président auto-proclamé, alors que ce dernier s'installait au palais présidentiel.  La version officielle veut que Reich lui ait demandé de ne pas dissoudre l'assemblée nationale.  En fait, en son article 233, la Constitution vénézuélienne dispose que seule l'assemblée nationale peut recevoir la démission d'un président.  Or, si la théorie de la démission, contestée par Chávez lui-même, devait tenir, l'assemblée nationale avait un rôle à jouer, sinon le «changement de gouvernement» devenait inconstitutionnel et sujet à l'opprobre de la soi-disant «communauté internationale».

Au Pentagone, on reconnaissait que le chef d'État major vénézuélien, le général Lucas Romero Rincón, avait eu des «rencontres récentes» avec Rogelio Pardo-Maurer, un des responsables du Pentagone pour l'Amérique latine.  Homme d'expérience, au cours des années 80 Pardo-Maurer a été pendant trois ans le représentant de l'État-major des États-Unis auprès des contras nicaraguayens. 

Jeudi dernier, en soirée, l'ambassade des États-Unis à Caracas niait toute participation de son personnel dans les événements.  Selon CNN, deux attachés militaires avaient circulé en voiture aux abords de Fort Tiuna (caserne principale) aux premières heures du coup, mais à aucun moment ils n'étaient descendus de leur voiture et ils n'avaient eu aucun contact avec les militaires.

Cette version est cependant contredite par l'Agence France Presse qui écrivait vendredi : «Un lieutenant-colonel de l'armée américaine, James Rodgers, se trouvait avec les putschistes lors de la préparation du coup d'État contre le président du Venezuela Hugo Chávez, et il y est resté jusqu'à la chute des séditieux le 13 avril [...] James Rodgers, assistant de l'attaché militaire de l'ambassade américaine au Venezuela pour les affaires terroristes, “se trouvait avec les putschistes au 5e étage du commandement général de l'armée de terre de jeudi soir vers minuit jusqu'à samedi vers 17h00 locales, et est resté en contact permanent avec eux.» Puis, ce lundi, l'AFP fait état d'un second haut gradé présent, le colonel Ronald MacCammon.

Pour le principal intéressé, Hugo Chávez, ces révélations sont troublantes.  Cité par l'AFP, il a déclaré : «Je prie Dieu que toutes ces informations qui sont en train de surgir ne soient pas vraies.  Je dois me baser sur la bonne foi, je ne veux pas tomber où tombent d'autres responsables en croyant tout ce qui se dit dans la presse.  Je préfère examiner les choses avec beaucoup de prudence, avec beaucoup de calme, réaffirmant comme principe que nous ne voulons pas que ces relations se détériorent.»

Mais certains faits demeurent.  Dans le cadre du «Congressional Foreign Operations Appropriations Act of 2002», la loi approuvant l'affectation de crédits pour les affaires étrangères de l'administration étasunienne, se trouve inscrit le projet de loi sur le programme de lutte à la drogue dans les pays andins (projet de loi HR.2506).  On peut lire dans le texte un lien étrange : «À ce titre, des crédits d'au moins 200 millions de dollars seront mis à la disposition de l'agence pour le développement international [Ndlr.  USAID] pour la mise sur pied de programmes de développement sociaux et économiques.  Des crédits affectés à ce titre, jusqu'à deux millions de dollars seront consacrés à des activités de promotion de la démocratie au Venezuela.»

Dans la septième version de cette loi sur l'affectation des crédits on remarque que les législateurs ont retiré (struck out) l'article 508 intitulé «Military coups» (Coups d'État militaires) qui se lisait ainsi : «Art. 508.  Aucun des crédits affectés ou rendus disponibles en vertu de cette loi ne pourront être versés directement sous forme d'aide à un État dont le chef dûment élu est déposé par décret ou coup d'État militaire.» En clair, le retrait de cet article signifie que sur promesse de tenir des élections, et sur recommandation présidentielle, un régime porté au pouvoir par un coup militaire contre un chef démocratiquement élu pourra continuer de recevoir l'aide des États-Unis.

Mais revenons aux deux millions de dollars consacrés à des activités de promotion de la démocratie au Venezuela. 

Le 12 avril, quelques heures après l'emprisonnement du président Hugo Chávez, le International Republican Institute (IRI) prend fait et cause pour les instigateurs du coup.  Par voie de communiqué de presse, son président George A. Folsom déclare : «L'Institut a servi de pont entre les partis politiques du pays et tous les groupes civils afin d'aider les Vénézuéliens à forger un nouvel avenir démocratique qui repose sur l'imputabilité, la règle du droit et des institutions démocratiques stables.» Or, il s'avère que l'IRI est présent au Venezuela depuis plusieurs années, que son programme vénézuélien est financé par le National Endowment for Democracy (NED), et que ce dernier reçoit une bonne partie de ses fonds de l'USAID.  Comme courroie de transmission pour les volontés politiques de Washington, on ne trouve guère mieux.  L'IRI est également présent dans d'autres États d'Amérique latine, dont à Cuba où ses projets sont aussi financés par l'USAID et le NED.

L'IRI aurait donc préparé le terrain pour un «changement de gouvernement» auprès de la société civile (patronat, chambres de commerce, syndicats, groupes de jeunes).  Mais qu'en est-il de l'aspect militaire de l'appui de Washington aux putschistes?

Le journaliste d'enquête Wayne Madsen, ex-agent de la National Security Agency (NSA), nous livrait la semaine dernière dans ses «Intel Briefings» une analyse détaillée du déploiement militaire qui devait servir à appuyer le coup d'État au Venezuela.

Sur le plan des communications électroniques, la NSA interceptait les communications depuis ses centres d'écoute à Key West (Floride), Medina (Texas) et Sabana Seca (Puerto Rico).  Cinq navires de guerre (le porte-avions USS George Washington, les destroyers USS Barry, Laboon, Mahan, et Arthur W.  Radford), sous couvert d'un exercice d'entraînement, patrouillaient non loin des côtes vénézuéliennes dans l'éventualité où l'évacuation des ressortissants étasuniens aurait été nécessaire.  Des «unités de soutien direct» de la NSA étaient en poste sur certains de ces navires et avaient pour mission d'appuyer les communications avec des unités présentes en territoire colombien, à la frontière du Venezuela.  De ce côté, à l'aéroport de Marandua et en d'autres points stratégiques le long de la frontière, des agents de la CIA et du personnel militaire «contractuel», sous couvert d'opérations anti-narcotiques, étaient prêts a fournir un appui logistique aux putschistes.  À Caracas, du personnel des opérations psychologiques auraient préparé des messages à être diffusés par les médias électroniques, et des équipes techniques étaient responsables du brouillage des systèmes de téléphonie cellulaire.  Madsen affirme que ces préparatifs avaient été amorcés de longue date, depuis l'été 2001.

On le voit, le travail de déstabilisation du régime de Hugo Chávez en est un de longue haleine.  La question qui se pose consiste à savoir si, malgré les compromis politiques que Chávez se dit disposé à faire, l'ampleur des moyens déployés ne laisse pas présager une autre tentative de «changement de gouvernement».  Rappelons seulement qu'avant le coup d'État de septembre 1973 qui avait mis fin au régime de Salvador Allende au Chili, un première tentative avait échoué en juin de la même année.

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  Daniel Pearl : suivi
Nouveau rebondissement dans l'affaire, la cour supérieure pakistanaise a retiré la responsabilité du procès au juge Arshad Noor Khan du tribunal anti-terroriste III et l'a confiée à un autre tribunal anti-terroriste présidé par le juge Abdul Ghafoor Memon.  Cette annoncé a été faite vendredi dernier, soit trois jours avant la date prévue pour l'ouverture du procès.  On se souviendra que Me Abdul Waheed Katpur, avocat du principal accusé Ahmed Saeed Omar Shaik, avait demandé que l'audition de la cause soit retirée au juge Khan parce que son nom figurait sur la liste des témoins à charge fournie par le ministère public.  C'est devant lui qu'en février dernier l'accusé aurait avoué, mais pas sous serment, qu'il avait enlevé Pearl et que ce dernier était mort.  Détails dans le quotidien Dawn.

La désignation d'un nouveau juge n'a pas retardé le début du procès comme prévu, hier, alors que les quatre co-accusés ont été formellement inculpés de complot, d'enlèvement et de meurtre en vertu du code pénal pakistanais, et de «harcèlement et de terreur dans la société» en vertu des articles 7, 8 et 11 de la loi anti-terroriste.  Les quatre ont enregistré un plaidoyer de non culpabilité.  L'audience s'est tenue à huis clos, les journalistes sont toujours tenus à l'écart, donc les détails qui filtrent viennent des procureurs de la défense et du ministère public.  Un des premiers témoins à comparaître est le chauffeur de taxi qui aurait conduit Pearl à sa rencontre avec Omar Shaik, principal accusé dans l'affaire.  En contre-interrogatoire, le chauffeur a dit ignorer la distance séparant deux points bien connus de la ville, laissant planer un doute sur son occupation véritable.  Il a également admis que son frère est policier.  Les audiences reprennent aujourd'hui.  Détails dans Dawn, et du Pakistan News Service.

Mariane Pearl, l'épouse de Daniel Pearl, publiait vendredi dernier un texte dans la page d'opinions du New York Times sous le titre «The Public Life of Private Struggles» dans lequel elle raconte leur arrivée au Pakistan, leurs premiers contacts avec des militants musulmans, puis l'isolement qu'elle a ressenti lorsque son conjoint fut enlevé.  Une note cependant sur Mariane Pearl.  Depuis le début de l'affaire, on la décrit comme journaliste pigiste.  Or, toutes nos recherches de références sur Mariane Pearl, journaliste, avant l'enlèvement de son époux se sont avérées vaines.

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  En bref : IBM abandonne les disques durs; la raison de la lenteur des iMac; la plate-forme P3P pour vos données personnelles
La société IBM cède ses installations de fabrication de disques durs à la japonaise Hitachi qui constituera une nouvelle société dont IBM sera toutefois actionnaire à 30 %.  De plus, Hitachi aura accès aux brevets de IBM, et héritera des 15 000 travailleurs affectés aux diverses activités liées aux disques durs.  Selon le Mercury News, la transaction évaluée à plus d'un milliard de dollars n'a pas étonné les observateurs qui y voient des économies d'échelle rendues nécessaires par la concurrence.  Rappelons que c'est en 1956 qu'IBM livrait le premier ordinateur muni d'une unité de disque dur, le RAMAC 305 (Random Access Method of Accounting and Control).  L'unité occupait l'espace de deux réfrigérateurs, était constitué de 50 disques de 61 cm de diamètre, avait une capacité de 5 Mo, et coûtait 50 000 $ US.  Il avait été livré pour le système de réservation en temps réel Sabre de la compagnie aérienne American Airlines. 

À la suite de plaintes d'utilisateurs de nouveaux modèles iMac roulant sous OS X, le service de nouvelles Wired a mené des bancs d'essais pour vérifier si, comme le prétendaient les critiques, le chargement des pages Web était plus long que sur les modèles antérieurs.  Verdict : un iMac cadencé à 800 Mhz sous OS X prend le double du temps d'un PC sous Windows XP pour rendre une même page Web.  Même sur une connexion à haut débit, une page comme celle de CNN ou du site AppleStore prendra dix secondes.  On impute cette lenteur non pas au matériel de l'iMac mais bien au système d'exploitation OS X qui ne disposerait pas d'un accélérateur graphique.  Si les consommateurs se sentent floués (un iMac de 3 000 $ est plus lent qu'un Dell à 1 500 $), ils se consoleront à l'idée que Apple entend apporter des modifications à l'OS X sous peu.

Du nouveau pour la protection de vos données personnelles, mais d'une portée limitée.  Le Consortium W3C a publié la première version de la recommandation P3P (Platform for Privacy Preferences), un moyen uniformisé et automatique pour que les utilisateurs puissent davantage gérer l'utilisation de leurs données personnelles lorsqu'ils consultent des sites Web.  Le site Web doit disposer d'une interface spéciale, tout comme l'utilisateur doit utiliser un logiciel permettant la communication avec cette interface.  Explications du W3C : «À la base, P3P est un ensemble standardisé de questions à choix multiples, couvrant ainsi les aspects essentiels de la vie privée d'un site Web donné.  L'ensemble des réponses, présentées sous la forme d'un document XML, constitue la déclaration sur la vie privée, lisible par une machine.  Il s'agit d'un cliché clair qui indique comment sont traitées les données personnelles des utilisateurs.  Les navigateurs reconnaissant P3P peuvent 'lire' automatiquement cette déclaration et la comparer aux préférences personnelles de l'internaute.» Pour ce qui est des logiciels de lecture/comparaison de déclaration, AT&T propose PrivacyBird.  Voulant voir de quoi il en retournait, nous avons consulté le site en question, et la déclaration en clair (non P3P) de sa politique de respect de la vie privée.  Un document de 1 777 mots, 280 phrases et 7 liens externes pour plus de renseignements.  Sans commentaire.

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Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et à toutes une excellente semaine.

Site personnel de Jean-Pierre Cloutier

Collaboration à la recherche : Mychelle Tremblay

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