Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

HTML 3.2, alias WILBUR
Eh oui, le Consortium World Wide Web (W3C) vient de recommander l'adoption d'une série de spécifications techniques qui porteront le langage HTML, la base des contenus Web, vers de nouveaux horizons.  On voit souvent sur des pages que les auteurs ont eu recours à la norme HTML 3.0.  C'est faux.  Le HTML 3.0 n'a jamais eu statut de norme.  Cette étiquette indiquait plus souvent l'utilisation de marqueurs HTML spécifiques à un fureteur (Netscape, Explorer, par exemple).  Le W3C s'est donc basé sur la seule norme qui existait, HTML 2.0, y a intégré les versions évolutives sans statut (HTML+ et 3.0), ainsi que des extensions propriétaires de certains membres du W3C, dont Netscape, et propose Wilbur, le HTML 3.2, qui introduira de nouvelles fonctionnalités et permettra de généraliser celles déjà exploitées par certains fureteurs.  Plus de détails, à partir du document technique (en français) du W3C.

Bien sûr, on ne verra les résultats sur nos écrans qu'avec l'arrivée des versions 4 des fureteurs Navigator de Netscape et Explorer de Microsoft.  En passant, disons que l'écart se réduit toujours entre ces deux concurrents qui tendent vers un rapprochement constant de leur indice de popularité.  Le mois dernier, Netscape avait 54 % de la clientèle, Microsoft 33 % et les «autres» 12,6 % selon la société Intersé.

Si on a tant décrié le sectarisme constaté sur le Web au cours de la dernière année («ce site est optimisé pour...», «ce site exploite les caractéristiques de...» et autres formules du genre), voilà une belle occasion de normalisation que ne devraient pas rater producteurs de contenus et fabricants de logiciels.

PAVÉ DANS LA MARE
Le pavé vient d'un article publié dans le Wall Street Journal et repris dans le Salt Lake Tribune.  Le chroniqueur Don Clark y trace un portrait peu reluisant de la situation des éditeurs électroniques, des producteurs de contenus, et en conclut qu'après deux ans d'engouement le Web ne répond pas aux attentes de rentabilité qu'on avait à son égard.  Les «gros joueurs» ont perdu beaucoup de sous, ceux qui restent monopolisent les recettes publicitaires au détriment des périodiques électroniques aux infrastructures modestes.  Environ 900 producteurs de contenus se disputaient, en 1996, 300 millions de dollars en recettes publicitaires.  Les dix plus gros producteurs s'accaparaient les deux tiers de cette enveloppe, ceux qui ne figurent pas dans le «TOP 100» au chapitre des revenus encaissent moins de 3 000 $ par mois.

Steven Johnson, dans le périodique FeedMag a tôt fait de remettre les pendules à l'heure, du moins la grande aiguille.  Il reconnaît que peu de périodiques électroniques sont rentables, bien que certains des plus modestes s'apprêtent à franchir ce seuil.  Mais Johnson va plus loin; de gros éditeurs auraient mal interprété le potentiel du Web, et les ressources à y affecter.  Par exemple, pour lancer NetGuide Live, CMP Media Inc. a déployé une équipe de 200 personnes.  Or, des sondages sur la reconnaissance des titres de périodiques électroniques montrent que parmi les dix titres les plus souvent évoqués par les répondants, NetGuide Live est inconnu au bataillon, mais que des publications aux moyens plus modestes font belle figure.  Selon Johnson, le Web va mûrir et les publications électroniques aussi.  Mais cela ne se fera pas au cours des prochaines semaines sans certains grincements de dents, sans certaines surprises, tant aux États-Unis qu'ailleurs.  Nous y reviendrons.

SURVIE DES WEBS INDÉPENDANTS
Dans son édition de la semaine du 13 janvier, le Cahier Multimédia du journal Le Monde, sous la plume de Xavier de Moulin-Beaufort, publiait un article sur Les libertaires d'Internet où il était question de la lutte des sites français indépendants contre une certaine forme de Web marchand, de Web commercial.  L'article constitue un excellent tour d'horizon du contexte dans lequel les éditeurs électroniques non commerciaux français tentent d'évoluer, et de faire évoluer le Web.  On y cite, entre autres, Davduf, de feu La Rafale, selon qui «les e-zines deviennent, malgré eux, une forme de "publicité en acte" pour l'ensemble du réseau, et donc pour les entreprises, qui toucheront les dividendes.  Nous sommes les gentils amuse-gueules de l'Internet de demain, qui, d'une façon ou d'une autre, sera verrouillé».

Reprenant l'arme des bras de ce combattant tombé qu'était La Rafale, le mini-rézo de webmestres français, uZine (dont nous vous parlions il y a quelque temps), a publié un Manifeste du Web indépendant où pour la survie de la liberté et des initiatives indépendantes du Web, démarche fraîche dans sa perspective, on responsabilise autant les utilisateurs, les webmestres indépendants et les initiatives universitaires et collectives.  On y va aussi d'une campagne d'affichage de logo du manifeste (l'arme en question) et, à en croire le nombre de signataires du Manifeste, on voit que la résistance s'organise.

Au Québec, ça se joue différemment, tant sur les rythmes que sur les accords.

Prenons l'exemple de Sylvain Beauregard qui, faute de pouvoir trouver un serveur d'hébergement «sympathique» au Québec pour son site hommage à Céline Dion (Web d'Or printemps/été 1996, catégorie sites hommages) a été forcé de défrayer le coût d'un nom de domaine http://www.celine-dion.net/ et de trouver hébergement payant aux États-Unis avec site miroir en France chez la société Aloa.  Pourtant, avec plus de 80 000 visiteurs en un an, l'effet de visibilité pour un serveur hôte québécois aurait été bénéfique, à coup sûr, en plus de contribuer à la diffusion d'un contenu original et prisé par une clientèle importante.  Voilà donc que le site hommage à Céline Dion, conçu par un Québécois, se trouve partagé entre les États-Unis et la France.  Les cyniques diront que c'est un miroir de la carrière de Céline.

Pour Nicolas Sabourin, ce jeune de l'Outaouais internationalement connu pour son superbe site À la découverte de Tintin, c'est un nouveau nom de domaine, http://www.tintin.qc.ca et un hébergement chez Cactus, hébergement à titre gracieux car Sabourin fait à l'occasion du travail de conception pour cette société.  Bien sûr, il a fallu qu'il enregistre son entreprise pour obtenir le nom de domaine, mais rien n'arrête les «cyberentrepreneurs» de 17 ans.

Cas plus dur, celui du site ressource Winternet de Jacques Duplessis.  Répertoire de 850 sites québécois, analyse et évaluation des plus récentes versions de 475 partagiciels Windows, 8 000 visiteurs par semaine.  C'est plus qu'un succès d'estime, c'est un guide essentiel dans les méandres de plus en plus vastes des logiciels utilitaires pour cette plate-forme d'exploitation.  Mais voilà que le fournisseur de Duplessis, TotalNet, lui exigeait de payer un tarif commercial en raison de l'achalandage du site.  Mis à part quelques publicités ponctuelles, Winternet ne peut être considéré comme un site commercial.  Duplessis y consacre 20 heures par semaines; mais devant l'ultimatum aveugle de TotalNet, c'est au moins 2 000 $ qu'il aurait été contraint à débourser au cours de la prochaine année pour assurer la survie de son site.  Heureusement, certains fournisseurs ont plus de vision que TotalNet, et Winternet reverra le jour ailleurs d'ici quelques jours.

Si en France on cherche à responsabiliser les utilisateurs, les webmestres indépendants, ainsi que les initiatives universitaires et collectives, pour la «suite des choses» sur le Web, ne conviendrait-il pas, plus globalement, d'embrigader justement dans le mouvement les fournisseurs de services qui ont tout intérêt à voir évoluer un secteur indépendant du Web qui soit en pleine santé.

GUATÉMALA
Quand les choses vont bien (ou mieux) on en parle moins.  Il y a quelques semaines, les autorités guatémaltèques et la guérilla signaient un protocole de paix mettant fin à une longue guerre civile.  À l'usage, on verra si la détermination tient.  Deux ressources importantes, d'abord un site Web à l'initiative des Nations Unies, de l'agence Prensa Libre et du gouvernement du Guatemala sur le processus de paix.  Puis, dans les fiches de Magnet, un dossier complet sur ce pays.

PROCHE-ORIENT
Publié pour la première fois par Alain Gresh et Dominique Vidal en 1986, Les 100 Portes du Proche-Orient vient d'être porté à l'écran (d'ordinateur) par Philippe Rivière sur le site du Monde Diplomatique.  C'est la quatrième actualisation de cet ouvrage publié aux Éditions de l'Atelier et, avec l'accord de l'éditeur et des auteurs, maintenant disponible sur le Web.  Un ouvrage essentiel pour comprendre, défricher, prévoir.  Une autre heureuse initiative du Monde Diplo.

BEAU DÉTOUR
Cette semaine, un site très riche, mais qui ne risque nullement de vous faire prendre des kilos.  C'est Agropolis, un site Web produit par l'Association d'établissements de recherche et d'enseignement supérieur en agronomie, avec une spécificité pour les zones méditerranéennes et tropicales.  Il faut voir la fresque historique de l'alimentation et de l'agriculture, véritable chef-d'oeuvre pédagogique sur l'évolution du rapport de l'humain à ce qu'il mange, site magistral sans être aride, site qui plaira aux curieux et curieuses de tous âges.

ALERTE (-_-)
Si vous trouvez cette édition des Chroniques un peu courte, c'est que samedi dernier j'ai été victime d'une attaque sournoise et d'une extrême sauvagerie.  Résultat : trois jours au lit, l'impression qu'un char d'assaut m'était passé dessus, et que son conducteur avait voulu reprendre l'exercice, question de s'assurer que je n'en reviendrais pas, sinon de sitôt.  Mais voilà que j'ai trouvé la photo de mon agresseur sur le Web et je tiens à la faire connaître de tous et toutes.  Attention, ça commence parfois par une poignée de main, une bise amicale, une rencontre en coup de vent.  Mais à moins d'avoir fait l'expérience de cet ennemi de souche asiatique, vous n'avez pas idée des conséquences.

12/18
Il y a 12 mois, dans la Chronique du 26 janvier 1996 , il a été question, entre autres, de deux sites culturels de première classe.  D'abord, Le développement historique et le fonctionnement de l'industrie de la chanson québécoise, de l'historienne Danielle Tremblay.  Elle nous dresse un portrait fascinant de l'évolution de cette industrie de 1917 à 1995, placé dans son contexte politique et social, le tout accompagné de biographies et, dans le passé, de fichiers sonores (qui ont été retirés faute de fonds).  La Bolduc, Oscar Thiffault, la naissance du «western » québécois avec le Soldat Lebrun, le Rhum et coca-cola d'Alys Robi, Raymond Lévesque, le grand Félix, Vigneault, Pauline Julien, Ferland, Clémence et les Bozos, Georges Dor, Léveillé, le yéyé avec les Jérolas et Jean Lapointe, le début du rock québécois, Charlebois, Mouffe, Louise Forestier, Corbeau, Offenbach, La bitt à tibi, Diane Dufresne, Insurrection, Paul Piché, Michel Séguin, et la dernière génération avec Richard Séguin, Jean Leloup, Sylvie Tremblay, Mitsou, Corcoran, Lamontagne, Richard Desjardins, Rudeluck, Marie-Jo Thério, Karen Young, et combien d'autres.  Comment ne pas tous les nommer.

Et le site de la Fondation Sélect siégeant en Suisse.  Un site grandement enrichi, «relooké» comme disent les responsables, depuis sa création.  Un incontournable pour les amateurs de photos noir et blanc.  On vous offre, en ce moment, une image commentée par Charles-Henri Favrod, une carte blanche sur les femmes travaillant en usine en Suisse par Monique Jacot, un voyage thématique vers le paysage, et un zoom sur Zalmaï Ahad, jeune photographe de 33 ans, originaire de l'Afghanistan, qui vous propose une oeuvre très bien remplie.

Et le Club des poètes, et l'Institut Rand, et... le Super Bowl (dimanche prochain).

Il y a 18 mois, dans la Chronique du 25 août 1995, le RECyF de Jean-Hughes Roy, la Météo de Ève Christian, le Nouveau-Brunswick, le Réseau de télématique scolaire québécois, et le site d'Hydro-Québec où vous pouvez faire une visite virtuelle de LG-2.

Bonne semaine à tous et à toutes,

jpc@cyberie.qc.ca