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Les Chroniques de Cybérie

Le 7 mars 1997.
© Les Éditions Cybérie

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine

ALBANIE : LA DÉROUTE
L'affaire des arnaques financières pyramidales a plongé l'Albanie au bord de la guerre civile, menaçant du même coup la paix et la sécurité des pays limitrophes.  Premier site Web à détailler l'actualité à chaud, serveur britannique avec correspondants sur le terrain, CRISIS97 News Center.  Aussi, mais sous réserve d'inscription, l'Albanian Daily News.  Évidemment, les archives du Monde diplomatique sont à consulter pour se rappeler le fiasco des dernières rondes électorales ayant porté les dirigeants actuels au pouvoir.

CHARTE FRANÇAISE DE L'INTERNET
Après de longs mois de travaux marqués par l'irritation et les trépignements de certains représentants des utilisateurs français, la Commission Beaussant, qui avait d'abord été mandatée pour élaborer un code, a publié, ce 3 mars, sa Charte de l'Internet, soit un recueil, à l'usage des acteurs de l'Internet, des «règles et usages à respecter tant entre eux que vis-à-vis de la société française».  Pas encore de réaction officielle des organismes comme CITADEL EFF FRANCE et le chapitre français de l'Internet Society, ce qui ne saurait tarder, mais un dossier fort complet de l'Association des utilisateurs d'Internet (AUI) sur le processus adopté par la Commission.  L'AUI critique sévèrement la Charte, notamment la confusion des notions d'utilisateurs et acteurs, et les distinctions entre contenus illégaux, illicites et sensibles.  Nous aurons l'occasion d'y revenir.

LES INCURSIONS DE «BIG BROWSER»
Non, j'aurais voulu y penser, mais l'expression n'est pas de moi.  Je l'ai découverte grâce à Ivan Vassilef, webmestre de CyberlexNet, le site juridique des nouvelles technologies.

On a parlé à maintes reprise des cookies qui permettent aux exploitants de sites Web de stocker sur votre disque dur des informations sur vos habitudes de consultation de sites Web, la fréquence de vos visites, les pages que vous consultez, etc.  Pour citer CyberlexNet, «techniquement il s'agit d'un bloc d'information (persistant client state information) qui peut contenir n'importe quelle donnée, notamment un numéro d'identification unique créé par le serveur, la date du jour, votre adresse IP,...  Le cookie sera installé et relu par le serveur qui l'aura installé dès que vous lui demanderez de vous transmettre une nouvelle page web ou une image (option la plus utilisée aujourd'hui).»

Ce qui agace des cookies, c'est qu'ils s'introduisent sur le disque dur de l'utilisateur, et ce, à son insu.  Mais on peut configurer son fureteur, tant Netscape (Options, Préférences réseau, Protocoles) qu'Internet Explorer (Affichage, Options, Avancé), pour être avertis dès qu'un serveur tente d'installer un cookie sur son disque dur; on a alors le choix de l'accepter ou de le refuser.  Mais le processus peut s'avérer long et pénible, surtout si le webmestre inquisiteur tente de calculer le chargement de tous les éléments d'une page.  Une page et six graphiques, c'est sept cookies à refuser avant d'avoir accès à la page!  En douce revanche, l'activation de cet avertissement vous permet de voir qui s'intéresse à vous, au point d'intervenir sur votre disque dur.

Nombreux sont les apologistes de la technologie, qui vous diront que les cookies sont inoffensifs, que les utilisateurs n'ont rien à craindre, qu'au contraire cette méthode permet de «personnaliser» le service sur le Web.  D'autres vous diront qu'il existe des techniques beaucoup plus poussées pour suivre les traces que l'on laisse d'un site Web à un autre.  Est-ce une raison pour tolérer les cookies?  Et pourquoi les cacher?  De toute manière, ce sont ces mêmes personnes qui s'offusquent lorsque quelqu'un jette un coup d'oeil sur leur écran en milieu de travail, et qui utilisent le chiffrement PGP pour leurs messages les plus anodins.

Mais la chose va plus loin.  Certains sites d'hébergement, comme le service InfiniT.Net, imposent les cookies sur les pages personnelles de leur clientèle, comme l'expliquait récemment Élaine Lemire dans une de ses chroniques.  Clin d'oeil de Danièlle Fournier, autre abonnée chez InfiniT, un petit graphique qui dit simplement à sa décharge «Les "cookies" sont une gracieuseté du webmaster de InfiniT.Net».  Ce doit être ça, l'inconvénient de vivre en «communauté».

Comment imperméabiliser aux cookies son fureteur Netscape sous Windows?  Solution simple, efficace et gratuite.  Écrivez un petit texte (le contenu importe peu) et sauvegardez-le en format ASCII dans le répertoire principal de Netscape sous le nom COOKIES.TXT.  Puis, à l'aide du gestionnaire de fichier, modifiez les propriétés du fichier pour qu'il ne soit consultable qu'en lecture.  Aucune autre information ne pourra y être ajoutée, et vous aurez ainsi déjoué les cookies, sans modifier le rendement de votre fureteur.

Mais chez les publicitaires on devient plus subtil.  Par exemple, si vous consultez AltaVista, votre cookie sera créé ou lu, non pas sur votre disque dur, mais sur le serveur de DoubleClick qui se charge de cibler les publicités en fonction de votre profil, comme on pouvait le lire récemment dans Wired.

À la rescousse de ces atteintes à la vie privée, la norme RFC 2109 proposée par l'Internet Engineering Task Force afin de permettre aux particuliers de restreindre et de contrôler ces transactions de données non vérifiables, qui se déroulent à leur insu.  Déjà, on prévoit que la version 4.0 de Netscape permettra de se prévaloir de ce genre de protection.

Et ça continue.  Un exploitant de site Web, La Révolution des fourmis de Bernard Werber, «cueille» directement, et à votre insu, votre adresse de courrier électronique.  Pratique pour le moins astucieuse, décrite et dénoncée à juste titre par ARNO* et Virgile, membres du collectif uZine.  Explication trop mince à notre goût de la part des responsables du site de Werber.  Pour être protégé contre cette technique, on peut activer l'avertissement de transmission de formulaires en Netscape (Options, Réseaux, Protocoles) et en Internet Explorer (Affichage, Options, Avancé).  Vous aurez alors le choix de divulguer ou non votre adresse de courrier électronique.

Autre volet de la vie privée : le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées, organisme de l'administration fédérale canadienne, entreprend une tournée de consultation et de discussions ouvertes, dont l'itinéraire l'amènera dans les principales grandes villes (le 14 mars à Montréal).  Le grand thème : les incidences des nouvelles technologies sur le droit à la vie privée.  On examinera plus particulièrement les caméras de surveillance, les tests génétiques et les cartes biométriques (cartes d'identifications intelligentes).  Que l'on pense au phénomène des «live-cams» sur le Web, ou aux systèmes d'identification qui seront bientôt nécessaires pour faire évoluer le commerce électronique, et on verra un lien direct à l'Internet.  Le document de consultation préparé par les services de la Bibliothèque du Parlement, de même que le calendrier des rencontres, sont disponibles en ligne.

SCOOP SUR LE WEB
Vendredi dernier, à l'heure de diffusion des grands journaux télévisés de début de soirée sur les chaînes américaines, le site Web du journal Dallas Morning News faisait «la une».  C'est que le journal publiait en primeur dans son édition Web, une dizaine d'heures avant la sortie de son édition imprimée, le compte rendu d'une rencontre que Timothy McVeigh a eu avec un des adjoints du cabinet d'avocats chargé de sa défense.  McVeigh est le principal inculpé dans l'attentat à la bombe d'Oklahoma City, en avril 1995, qui a fait 168 morts et plus de 500 blessés.  Déclaration choc de l'accusé : il importait que le bilan des victimes soit très important, question d'attirer le plus possible l'attention.  Ce compte rendu, jusque-là gardé secret, pourrait compromettre les arguments de la défense.  Les procureurs de McVeigh auraient eu le temps de demander une ordonnance de non publication de la nouvelle dans la version imprimée du Dallas Morning News, mais la rapidité de diffusion sur le Web les en a empêchés.

Mais si la prouesse du Dallas Morning News a épaté le public américain, certains tenants de la vieille école ont su remettre en question le bien-fondé de la manoeuvre, pourtant conforme au but du journalisme qui est d'informer au mieux de sa connaissance dans les meilleurs délais.  Analyse intéressante du Netizen, et autres points de vue assez conservateurs sur le plan juridique et journalistique dans le Washington Post.  Certains s'inquiètent de la remise en cause de la vocation des journaux imprimés, alors que d'autres applaudissent l'esprit d'amalgame et d'optimisation des ressources du Dallas Morning News.

Comme on le voit, l'électronique inquiète sérieusement les dinosaures de la presse.  À preuve, la montée de boucliers contre le San Jose Mercury News pour ses reportages sur un lien possible entre la CIA et l'importation de drogues aux États-Unis dont nous vous parlions en septembre dernier.  Les trois ténors de la presse traditionnelle américaine, le Washington Post, le New York Times et le Los Angeles Times n'ont pas désarmé depuis pour attaquer le Mercury News, et tenter de miner la crédibilité des reportages publiés dans les versions imprimées et électroniques du journal; c'est que la diffusion sur le site Web de ses reportages propulsait le Mercury News au rang des gros joueurs de l'establishment de l'information.  Les attaques contre ce quotidien ont été si fréquentes et virulentes que, le 17 février dernier, l'organisme de veille des médias Fairness and Accuracy in Reporting (FAIR) organisait des manifestations devant les bureaux des trois journaux vindicateurs pour exiger que cessent les attaques mensongères.

LA COMMANDITE PASSÉE À TABAC
Le projet de loi C-71 de lutte contre le tabagisme passera-t-il l'étape de l'adoption au Sénat canadien?  Si oui, la nouvelle loi restreindra davantage l'accès des jeunes aux produits du tabac, renforcera les messages relatifs à la santé sur les emballages de tabac, habilitera le gouvernement à réglementer les produits du tabac et en limitera la promotion.

Il semble bien que les forces du politically correct l'auront emporté.  Pourtant, elles avaient affaire à un lobby de poids.  La chaîne de journaux Southam analysait, l'automne dernier, le contingent du lobby pro-tabac et la drôle de position de certains des acteurs.  Paul Martin, actuel ministre des Finances, est un ancien directeur de la société de transformation Imasco.  Lucienne Robillard, actuelle ministre de l'Immigration et de la Citoyenneté, représente une circonscription qui loge une importante installation de l'Imperial Tobacco; l'industrie du tabac a contribué financièrement à son fonds de campagne en 1995, et un de ses avocats est chef de l'organisation politique dans son comté.  Michael Kirby, sénateur libéral, est un des directeurs de RJR Macdonald.  Marc Lalonde, ancien ministre libéral de la Santé (1972-1977), est lobbyiste pour la société britannique Alfred Dunhill.  La liste est longue.

On ne conteste pas, comme nous le rappelle Conseil canadien sur le tabagisme et la santé (CCTS), les coûts attribuables au tabagisme, ni le nombre de décès qu'on lui attribue.  Mais la démarche est-elle la bonne?  En outre, la perte de commandites commerciales, qui seraient interdites en vertu de la loi, risque de compromettre la tenue d'événements majeurs à Montréal, comme le Grand Prix, le Festival international de Jazz, les Internationaux de tennis.  On parle de 26 millions de dollars par année, et de retombées indirectes de 240 millions de dollars.

Pour Pierre Lemieux, qui a fait parvenir, en décembre dernier, un mémoire au Comité de la Santé de la Chambre des communes, on porte atteinte aux libertés individuelles.  Lemieux établit une comparaison avec l'obésité (qui fait tout autant de victimes que le tabac); il taille en pièces, arguments à l'appui, la thèse de la nocivité de la fumée secondaire, et déplore que l'on soit rendu «à trouver normal que l'État détermine ce qu'il est bon pour l'individu de consommer, de lire et de dire».  Et de poursuivre Lemieux : «L'histoire montre bien que l'accoutumance à l'État est beaucoup plus dangereuse que l'accoutumance à quelque plante que ce soit.»

Mais pour en revenir à la commandite, loi ou pas, on ne risque pas de voir des sociétés de commercialisation des produits du tabac afficher une présence sur des sites Web canadiens, même discrètement comme cela se fait aux États-Unis.  Le fabricant de cigarettes Brown & Williamson (marque de commerce Lucky Strike) exploite Circuit Breaker, un site référence sur les sorties à San Francisco.  Par contre, aucune mention du commanditaire, aucun logo de Lucky Strike ne figure sur le site.  Pour Jeff Chester du Media Education Center, tel que rapporté par Wired, ce n'est que le début de la présence des compagnies de tabac sur le terrain vierge du Web.

LECTURES RAPIDES
Quelques textes ont retenu notre attention cette semaines, à commencer par l'entretien d'Annie Kahn avec Louise Beaudoin, ministre de la Culture et des Communications du Québec, paru dans le journal Le Monde et où on aborde le dynamisme des secteurs inforoutes et multimédia du Québec.

Un bémol ou une dose d'objectivité?  «Le Québec et les inforoutes : Prouesses techniques, détresse technologique», c'est le thème de la conférence de Jacques Dufresne, prononcée le 6 février dernier.  Le philosophe se dit «partagé entre l'enthousiasme du jeune guerrier qui vient de découvrir une nouvelle arme, et la crainte du vieux sage qui sait qu'une arme a toujours deux tranchants, dont l'un est dirigé contre l'utilisateur».  Matière à réflexion.

En éditorial de la revue édu@média sous le titre évocateur de «L'élève rapaillé», Robert Bibeau, directeur général du projet «École informatisée clés en main» du ministère de l'Éducation du Québec», propose une vision anthropocentriste, plutôt que technocentriste, et une approche systémique, plutôt que spontanéiste, dans l'enseignement des nouvelles technologies de l'information, ainsi qu'une redéfinition des rôles de la direction, du personnel enseignant et des élèves.  Seul reproche ici, on ne parle pas du rôle des parents.

Quand une certaine presse allemande se met en frais d'essayer de comprendre ce qui se passe au Québec, on ne sait trop si on doit s'en offusquer ou tout simplement en rire.  Montréal, un autre Sarajevo, article publié dans le quotidien montréalais Le Devoir, fait le point.

Mais il semble que, malgré tout, certains anglophones ne se trouvent pas trop opprimés au Québec, dont Ray Conlogue, auteur et chroniqueur culturel du Globe and Mail de Toronto, qui fait l'objet d'un entretien dans le périodique L'Actualité et dit bien s'accommoder de la culture québécoise.

JOURNÉE INTERNATIONALE DES FEMMES
Rappelons que ce samedi, 8 mars, c'est la Journée internationale des femmes, événement souligné dans notre édition spéciale.  Information complémentaire, la Mission commune d'information sur la place et le rôle des femmes dans la vie publique, une initiative de consultation du Sénat français, lancée depuis le 27 janvier.

Aussi, le Conseil du statut de la femme propose un guide d'animation préparé par le Conseil à l'occasion du 8 mars.

On s'en voudrait aussi de passer sous silence le Trophée des Gazelles, seul événement sportif de renommée internationale exclusivement réservé aux femmes, auquel participeront les personnalités québécoises de la scène et de l'écran, Sylvie Legault et Danielle Proulx.  C'est 2 500 kilomètres de sable en neuf jours, en plein désert de Mauritanie, que tenteront de parcourir les valeureuses équipières.  Nos meilleurs voeux les accompagnent.

BEAU DÉTOUR
Cette semaine, photographie.com, un site très riche, très éclairé, tout en émulsion, plein d'ouvertures sur des univers différents.

12/18
Il y a 12 mois, dans la Chronique du 8 mars 1996, nous vous avons présenté le site de l'Observatoire de l'administration publique de l'ÉNAP, qui a mis sur pieds un Réseau d'observation sur l'utilisation des NTIC dans le secteur public : fiches synthèses, et répertoires de documents et de sites, sur une foule d'expériences menées en Amérique du Nord, en Europe, en Australie et en Nouvelle-Zélande.  Une source d'information considérable.

Il y a 18 mois, dans la Chronique du 6 octobre 1995, l'exposition des affiches publicitaires de Perrier, dont celles de Warhol, Jean Carlu et Villemot, et des abribus très «design» sur le site BUSSTOPS.

Bonne semaine à tous et à toutes,

Jean-Pierre Cloutier
jpc@cyberie.qc.ca

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