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Le mardi 6 novembre 2001

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

  Sommet de Québec : banc d'essai pour des technologies militaires
On se souvient avec un relent de CS dans la gorge du Sommet des Amériques à Québec en avril dernier (Chroniques de Cybérie, 26 avril 2001).  On se souvient aussi du bilan dévoilé par la Sûreté du Québec concernant les méthodes de contrôle des foules utilisées : en 48 heures, 1 700 grenades lacrymogènes et 320 balles de caoutchouc/plastique.  Ces données ne tiennent pas compte des techniques de dispersion des foules utilisées par la Gendarmerie royale du Canada, souvent sur la ligne de front, qui n'a pas (encore) rendu publiques ses données. 

Ce qu'on ignorait, c'est que le Sommet des Amériques avait servi de banc d'essai et de démonstration pour certains dispositifs auxquels auront désormais recours les forces armées des États-Unis dans leur guerre au terrorisme.

Ces jours derniers, la société Silicon Graphics Inc.  (SGI) tenait son premier sommet annuel sur la technologie de pointe en matière de défense.  L'événement réunissait des hauts responsables du ministère de la Défense ainsi que des dirigeants d'entreprises du secteur technologique, et il avait pour thème le rôle des technologies de visualisation et d'imagerie numériques lors d'affrontements militaires.

Leader dans le domaine du traitement de l'image et des processeurs spécialisés, SGI a profité de l'occasion pour inviter à cette journée de promotion des entreprises ayant mis au point des produits d'imagerie numérique et qui utilisent ses unités de traitement, dont la société Harris qui fabrique des systèmes de modélisation en 3D d'environnements urbain.  En fait, Harris a déjà modélisé de nombreuses régions métropolitaines des États-Unis.

Or, la société Harris et le Centre de recherches pour la défense Valcartier (CRDV) ont participé à une démonstration du potentiel des nouveaux outils de visualisation tridimensionnelle à l'intention des organismes responsables de la sécurité pendant le Sommet des Amériques, une information qui ne fut rendue publique qu'en juin 2001 à l'occasion du Salon de l'aéronautique de Paris. 

Selon le communiqué émis conjointement par la société Harris et le CRDV : «Visant l'analyse exhaustive de situations conflictuelles, un ensemble d'outils de visualisation sophistiqués fut montré aux forces de sécurité en charge de la protection des 34 chefs d'État et autres diplomates participant au Sommet [...] La connaissance de la situation est importante pour le succès d'une opération et les événements reliés à la sécurité qui se sont déroulés pendant le Sommet ont illustré la problématique liée à des opérations dans un environnement urbain aussi complexe.» En effet. Les systèmes utilisés pour la démonstration à Québec sont RealSite et InReality de Harris qui font appel à l'imagerie numérique provenant de multiples sources et de capteurs pour créer et analyser des modèles en trois dimensions à haute résolution, précis du point de vue géospatial et couvrant des grandes étendues.  Pour les forces policières, de tels systèmes permettent d'effectuer des simulations avec un haut degré d'exactitude sans avoir à déployer des effectifs sur le terrain.  Dans un cadre militaire, ils permettent de répéter à l'avance des opérations, de déterminer avec précision l'emplacement des cibles.

Nos demandes de précisions sur cette démonstration, adressées au Centre de recherches pour la défense Valcartier et à la société Harris, n'ont pas encore porté fruit.

Bref, en foulant le sol des rues de Québec en avril dernier, on était bien loin de se douter que l'on participait à une démonstration de systèmes qui se retrouveront sous peu dans l'arsenal techno des militaires.

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  Microsoft : entente de portée fragile
Le souhait de la juge Colleen Kollar-Kotelly de voir aboutir les négociations de règlement entre le ministère de la Justice et la société Microsoft s'est réalisé.  À la date butoir prévue, le 2 novembre, les deux parties lui ont présenté un document de 21 pages, le fruit de négociations longues et difficiles, qui pourrait signifier la fin du procès antitrust intenté contre Microsoft.  Aucune sanction monétaire, aucune amende, aucun aveu d'impropriété de Microsoft, l'entente ne prévoit que des règles de conduite auxquelles l'entreprise s'était déjà montrée réceptive.  De commenter un observateur : le diable est dans les détails, et c'est Bill [Ndlr. Gates] qui a élaboré les détails.

Dans les clauses de cette entente, on note un accès plus facile pour les fabricants tiers de logiciels à des sections du code source de Windows leur permettant de concevoir des produits qui s'arriment mieux au système d'exploitation.  Microsoft se voit également interdire de forcer des fabricants d'ordinateurs à n'installer que des logiciels Microsoft sur des ordinateurs neufs, et à ne pas modifier l'interface «bureau» des utilisateurs.  Ces conditions, ainsi que l'ensemble de l'entente, seront sujettes à vérification par un comité technique (CT) de trois personnes.  Chacune des parties désignera un membre de ce CT, et les deux personnes désignées s'adjoindront, d'un commun accord, un troisième membre.  Les règles de conduite seront en vigueur pour une durée de cinq ans; une enfreinte aux règles pourrait entraîner une extension de deux ans, valide pour une seule fois, de ces astreintes.

L'Attorney General John Ashcroft a dû être soulagé lors de son point de presse de vendredi d'avoir autre chose à commenter que la guerre au terrorisme.  En fait, plus des deux tiers de la durée de sa rencontre avec les journalistes ont été consacrés à l'annonce du règlement.  Insistant pour préciser que la Maison Blanche n'avait joué aucun rôle dans les négociations, Charles James, l'Attorney General adjoint qui accompagnait M. Ashcroft, a dit espérer que les États co-plaignants (qui ne participaient pas directement aux négociations, voir plus bas) accepteraient de bon gré l'entente.

Bill Gates, grand timonier de Microsoft, s'est dit satisfait de l'entente, estimant qu'il s'agissait d'un compromis équitable pour toutes les parties en cause : «Ce sont des temps difficiles pour la nation et pour l'économie.  Bien que cette entente nous impose de nouvelles règles, nous croyons que la résolution de la cause à ce moment représente le meilleur intérêt pour nos clients, pour l'industrie et pour l'économie.»

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  Microsoft : réactions
Comme il fallait s'y attendre, l'annonce d'un règlement a suscité bon nombre de commentaires tant chez les opposants de Microsoft que chez ses «groupes amis».

Par exemple, la Computer & Communications Industry Association (CCIA) a déclaré qu'il existe de nombreux précédents d'ententes à l'amiable influencées par des facteurs politiques dans des causes antitrust, et que malheureusement l'histoire se répète.  L'entente intervenue ne tient pas compte du coeur du jugement unanime de la Cour d'appel (juin 2001), soit que Microsoft s'est rendue coupable de pratiques monopolistiques.  Elle est même moins contraignante que la proposition de règlement élaborée sous la gouverne du médiateur Richard Posner (mars 2000) et à l'époque jugée inadéquate par les États co-plaignants.

Pour sa part, la Software & Information Industry Association (SIIA), par la voix de son président Ken Wasch, recommande aux Attorney Generals des États co-plaignants de refuser l'entente : «Le tort a été démontré, l'innovation a été brimée, la concurrence a été étouffée.  Cette entente ne va pas dans le sens de l'intérêt public.  Les procureurs des États et la Cour de district devraient la rejeter.»

En contrepoint, la Association for Competitive Technology (ACT) lance la pierre aux concurrents de Microsoft qui ont malgré tout profité de la hausse de confiance dans les titres boursiers à l'annonce de l'entente : «En bout de ligne, AOL, Sun et Oracle préféreraient être régis par Pennsylvania Avenue [Ndlr. Washington] que par l'innovation de Silicon Valley.» L'ACT va jusqu'à exprimer sa crainte que les conditions de restreinte imposées à Microsoft aillent trop loin et nuisent à l'esprit d'innovation.

L'organisme Americans for Technology Leadership (ATL) salue l'entente et affirme que les seules parties à s'y opposer sont les concurrents de Microsoft et leurs porte-parole : «Leur seul intérêt dans cette cause est de voir le gouvernement les protéger pour éviter d'avoir à concurrencer Microsoft dans le marché [...] Il n'y a qu'un mot pour qualifier leur action : sabotage.»

«Enfin» déclare la National Taxpayers Union (NTU), qui estime que ce procès n'aurait jamais dû être intenté.  Elle souligne qu'il en a coûté 35 millions de dollars au ministère de la Justice pour mener sa «croisade» contre Microsoft et que, de surcroît, les États co-plaignants demandent plus de 15 millions de dollars du gouvernement fédéral en remboursement de leurs frais juridiques.  Pour la NTU : «Le 11 septembre n'a fait qu'assombrir les perspectives économiques déjà menaçantes [...] La dernière chose dont les contribuables et les consommateurs ont besoin est cette possibilité d'actions juridiques contre des entreprises qui pourraient contribuer à une embellie.  La fin de toutes les poursuites antitrust abusives, dont celle intentée contre Microsoft, pourrait faire poindre un rayon de soleil au moment où le pays en a le plus besoin.»

Rappelons que ces «groupes amis» qui, tout au long du procès, sont intervenus en faveur de Microsoft, bénéficient en contrepartie de généreuses contributions.  En mai 2000, le Wall Street Journal révélait que Microsoft avait financé à hauteur de 215 000 $ la National Taxpayers Union.  Même chose pour l'organisme Americans for Technology Leadership (100 000 $) et l'Association for Competitive Technology (100 000 $). 

Par ailleurs, les derniers développements survenus à Washington n'ont pas influencé la Commission européenne qui, en dépit de l'entente intervenue en le DoJ et Microsoft entend poursuivre son enquête (voir chronique du 4 septembre 2001).

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  Microsoft : la position des États co-plaignants
Comme les États co-plaignants n'avaient pas participé aux négociations, et n'avaient pas reçu copie de l'entente avant sa divulgation devant la cour, ils ont immédiatement demandé à la juge Kollar-Kotelly un délai de quelques jours pour étudier les modalités négociées par le DoJ.  Selon un des avocats représentant les États, Brendan Sullivan, il s'agissait d'analyser le document pour faire en sorte qu'un règlement maintenant n'entraînerait pas d'autres poursuites plus tard.  Toutes les parties en cause se retrouveront donc aujourd'hui, 6 novembre, devant le magistrat, et les procureurs des États diront s'ils endossent ou non la formule négociée.

On sait que le consensus est difficile à établir entre les États co-plaignants, certains souhaitant que des sanctions plus radicales soient imposées à Microsoft.  On impute à certains de ces États, qui prônaient de démantèlement pur et simple de Microsoft, le rejet de la solution négociée par le médiateur Richard Posner (avril 2000). 

En mai 2000, les Attorney Generals de l'Illinois et de l'Ohio avaient présenté une proposition minoritaire au juge Thomas Penfield Jackson.  Reconnaissant les arguments soutenus par le juge Jackson dans ses conclusions de faits et de droit, les Attorney Generals des deux États «dissidents» se disaient réticents à proposer l'imposition de mesures structurelles avant que l'on ne prenne le temps de déterminer si la simple imposition des mesures de conduite ne suffiraient pas à changer les pratiques anti-concurrentielles de Microsoft.  Les deux attorney generals avaient donc proposé une période de surveillance et d'imposition de mesures de conduite à Microsoft d'une durée de trois ans, après quoi on procéderait à un réexamen de la situation.  Bref, une proposition qui ressemblait à la présente entente.

Rappelons aussi qu'en juillet 2001, Patricia Madrid, Attorney General du Nouveau Mexique (un des États co-plaignants), étonnait observateurs et parties en cause en annonçant qu'elle avait convenu un règlement autonome avec Microsoft.  En vertu de ce règlement, le Nouveau Mexique retirait sa poursuite contre Microsoft, mais se gardait le droit de bénéficier de tout dédommagement qui pourrait éventuellement être accordé aux autres plaignants par les tribunaux ou découlant d'un règlement hors cour.  En outre, Microsoft acceptait de rembourser à l'État du Nouveau Mexique les frais juridiques encourus pour la poursuite.

L'entente proposée vendredi dernier aurait, selon le Washington Post, reçu l'aval de Richard Blumenthal, Tom Miller et Eliot Spitzer, respectivement Attorney Generals des États du Connecticut, de l'Iowa et de New York.  Pour sa part, Bill Lockyer, Attorney General de Californie, a exprimé un certain scepticisme à l'égard de l'entente, la jugeant précipitée, et Thomas F. Reilly, AG du Massachusetts, a pour sa part fait connaître qu'il refuserait de la signer.

Advenant un refus par certains États de cautionner l'entente, ils pourraient entamer une nouvelle poursuite, cette fois axée sur le version XP de Windows, comme certains l'ont déjà laissé entendre.

Peter J.  Howe du Boston Globe nous livrait samedi dernier une analyse de l'évolution du contexte depuis le début du procès Microsoft.  D'abord, l'élection de George W.  Bush, généreusement appuyée par les contributions de Microsoft à la caisse électorale républicaine.  Puis, les erreurs de conduite du juge Thomas Penfield Jackson et ses déclarations à la presse.  L'effet «11 septembre» joue également, tout autant que la récession annoncée. 

Mais le commentaire qu'on retiendra est celui de Thane D. Scott, juriste reconnu des causes antitrust : «Microsoft a gagné une guerre d'usure contre le gouvernement et s'en est sorti avec ce qui semble une entente qui le laisse libre de poursuivre ses activités à sa guise [...] C'est une tactique élémentaire : quand les affaires vont très mal, tentez de gagner du temps.  Dans ce cas-ci, c'était la bonne.»

Tout tournera donc, pour les États, autour de la question à savoir s'ils devraient se contenter d'une entente jugée par plusieurs sans effet véritable sur la position de monopole de Microsoft, ou s'ils devraient s'engager dans de nouvelles procédures, à grands frais, et dans un contexte peu propice aux sanctions imposées contre une grande société.

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  Autre fermeture dans le réseau Branchez-Vous!
Jeudi dernier, Branchez-Vous! confirmait la fermeture de son service de courrier Web gratuit Moncourrier.Com.  Selon Patrick Pierra, président du groupe Branchez-Vous! : «les démarches entreprises il y a plusieurs mois, et annoncées la semaine dernière, pour tenter de rendre le service viable ou de le céder, n'ont malheureusement pas abouti à une solution.» Mais le communiqué comportait une autre mauvaise nouvelle : «Concernant le service d'hébergement gratuit CyberQuebec.com, des abus répétés du service par certains usagers ont rendu prohibitif le coût de son maintien, alors que les revenus publicitaires en sont négligeables.  En conséquence, BRANCHEZ-VOUS! cessera d'offrir ce service en date du lundi 26 novembre.  Une offre alternative d'hébergement payante sera faite directement aux abonnés du service.» Soulignons qu'à la suite de l'annonce de la disparition de ces services gratuits, les responsables du webabillard «pssst...» ont écrit une lettre ouverte au Premier ministre québécois Bernard Landry lui demandant de conduire «une réflexion ouverte sur la notion de maintien de services publics dans une société de l'information.»

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  Médias en ligne : LMI en mutation et Slashdot vers un modèle payant
Le Monde Interactif, supplément imprimé (publié le mardi) et section du site Web du journal Le Monde, sont en mutation.  Selon le communiqué émis ce 31 octobre : «le supplément Interactif va désormais se fondre dans Le Monde [...] Dans toutes les rubriques du quotidien, les journalistes du Monde et du "Monde interactif" poursuivront leur travail de défrichage des territoires ouverts par les nouvelles technologies et d'explication de la société en réseau.  Et l'équipe du " Monde interactif " continue de vous donner rendez-vous quotidiennement sur le site interactif.lemonde.fr, où l'information et le débat se nourrissent mutuellement.»

On avait appris en septembre l'arrêt de publication du supplément papier prévu pour décembre, et ce pour des raisons financières, mais l'arrêt a été devancé.  01.Net rapporte les propos de Bruno Patino, directeur général du Monde interactif : «il était contradictoire de traiter les nouvelles technologies à part dans un supplément, alors qu'elles interviennent dans tous les domaines».  Selon l'Agence France Presse, la direction du Monde estime «que "le domaine ne justifiait pas un supplément à lui tout seul".  Ce choix, souligne-t-elle, correspond également "à la volonté d'irriguer le quotidien de l'expérience et des connaissances des rédacteurs en nouvelles technologies".»

Puis, une décision des éditeurs du webabillard techno Slashdot d'évoluer vers un modèle payant à la Salon provoque des remous dans cette communauté virtuelle vieille de quatre ans qui accueille 250 000 visiteurs par jour.  Dans un message publié sur le webabillard, le fondateur de Slashdot, CmdrTaco (Rob Malda), explique que des contraintes financières l'obligent à accepter des bandeaux publicitaires de grand format, mais qu'un service par abonnement évitera certaines de ces publicités aux utilisateurs du site.  Malda écrit : «Slasdot a maintenant quatre ans...  et je veux qu'il soit encore en vie dans quatre ans.  J'espère que vous comprendrez les coûts associés au maintien du site.»

Les réactions ne sont pas toutes favorables à la décision de Slashdot, surtout que cette communauté virtuelle est imprégnée de la culture des logiciels gratuits et à code ouvert comme Linux.  Selon certains participants, l'achalandage a augmenté de 10 % depuis quelques mois d'après Malda et, par conséquent, les recettes publicitaires devraient suffire à assurer le maintien du site.  Pour d'autres, la qualité et l'originalité des communications les incitera à s'abonner au service payant.

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  Crise : le Sénat canadien commente le projet de loi antiterroriste
Les ténors habituels de la défense des droits civils étant, semble-t-il, en vacances prolongées, il a fallu attendre que le Sénat canadien se penche sur le projet de loi antiterroriste déposé devant la Chambre des communes pour que certaines dispositions en soient contestées, à tout le moins qu'on s'interroge sur leur nécessité.

Dans son rapport sur le projet de loi C-36, le Comité spécial sénatorial sur la Teneur du Projet de loi insiste pour qu'il soit assorti d'une clause de temporisation de cinq ans, c'est-à-dire que : «le gouvernement serait obligé de justifier devant le Parlement le maintien des pouvoirs conférés de manière à garantir aux Canadiens qu'ils sont adéquats sans être excessifs et qu'ils sont encore justifiables et nécessaires à la lutte contre le terrorisme.»

Le Comité recommande également que : «le Parlement nomme, dans les 90 jours suivant la sanction royale du projet de loi C-36, un haut fonctionnaire du Parlement mandaté pour contrôler, au besoin, l'exercice ou la nécessité des pouvoirs conférés dans le projet de loi.  Ce haut fonctionnaire déposerait un rapport devant les deux chambres du Parlement chaque année ou plus souvent, s'il y avait lieu.»

Cependant, le Sénat déplore avoir été incapable de déterminer si le projet de loi présente des lacunes sur le plan de la législation sur l'immigration et le statut de réfugié : «Malgré l'invitation du Comité, la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a refusé de comparaître pour expliquer le plan que le gouvernement a élaboré depuis le 11 septembre afin d'empêcher les terroristes d'entrer au pays en se disant nouveaux immigrants ou réfugiés.  Dans le communiqué de presse annonçant la présentation du projet de loi C-36, le gouvernement affirme qu'il dispose d'un plan anti-terrorisme en quatre volets.  Le premier volet consiste à “empêcher les terroristes d'entrer au Canada”.  Mis à part un seul amendement de forme, rien dans le projet de loi C-36 ne vise directement la législation sur l'immigration et le statut de réfugié, et cela inquiète beaucoup certains membres du Comité.»

Le projet de loi C-36 fait présentement l'objet d'une étude devant un comité parlementaire, après quoi il retournera devant la Chambre des communes.  À défaut d'inclure les suggestions des sénateurs, ce derniers pourraient refuser d'y accorder leur aval.  À suivre.

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  Crise : mille arrestations, aucune accusation; et pourquoi pas la torture?
Même avant l'adoption aux États-Unis du USA PATRIOT Act, on savait que les forces policières avaient procédé à de très nombreuses arrestations que l'on disait liées aux attentats du 11 septembre.  Il est cependant très difficile de chiffrer ces arrestations, les autorités invoquant la sécurité nationale pour ne pas en divulguer les détails.

Cependant, le Washington Post publiait ce dimanche les résultats d'une enquête journalistique qui trace un portrait troublant de la situation.  Plus de mille arrestations, aucune accusation formelle ayant rapport avec les attentats, les autorités taisent les noms des personnes arrêtées, des injonctions interdisent également la divulgation des procureurs assurant leur défense, ces derniers n'ont accès aux documents relatifs à l'arrestation de leurs clients que lorsqu'ils se présentent au tribunal, etc.  À partir de diverses sources, le Post a établi qu'il y a toujours 1 147 personnes détenues, la grande majorité étant des ressortissants du Moyen Orient et d'Asie centrale.  De ce nombre, 185 font face à des accusations en vertu des lois sur l'immigration.

Selon certains documents du FBI obtenus par le Post, la stratégie des autorités vise à perturber le fonctionnement de présumés réseaux terroristes et à éviter d'autres attentats.  Sur 235 cas d'arrestations, le Post a établi que la majorité des détenus étaient originaires du Pakistan, de l'Égypte de d'Arabie saoudite.  Presque tous sont des hommes âgés entre 25 et 35 ans. 

Il y aurait, toujours selon le Post, un «noyau» d'une dizaine de prévenus ayant eu des contacts directs avec les terroristes, sans pour autant avoir participé aux attentats.  Autour de ce noyau, dix-sept personnes (dont une femme) qui avaient des liens moins étroits avec les présumés responsables des attaques.  Pour le reste des détenus, on ignore pourquoi ils ont suscité l'intérêt des enquêteurs.

Mardi, 6 novembre, le Post poursuit son enquête et relève le manque de cohérence des autorités.  La Maison-Blanche, par la voix de son porte-parole Ari Fleisher, affirme que la plupart des prévenus ont été relâchés.  Faux, selon le ministère de la Justice, qui établit à 1 182 le nombre de personnes arrêtées et détenues depuis le 11 septembre.  On confirme que 185 d'entre elles ont été remises aux services d'immigration, mais on refuse de préciser le nombre de personnes relâchées.

Et pourquoi pas la torture pour délier les langues et faire progresser l'enquête? On s'était étonné de voir la possibilité évoquée par certains responsables du FBI dans le Times de Londres il y a quelques semaines.  Mais comme une confession recueillie sous la torture n'est pas admissible devant un tribunal aux États-Unis, on suggérait en haut lieu une astuce : la déportation des prévenus dans des pays où l'on est moins sensible à ces techniques musclées d'interrogation.

L'idée revient, cette fois dans l'hebdomadaire étasunien Newsweek sous la plume du chroniqueur Jonathan Alter qui écrit : «Bon, d'accord, pas de décharges électriques ou de coups de boyau d'arrosage, du moins pas ici aux États-Unis, mais au moins quelque chose pour donner un coup de pouce à l'enquête qui piétine.» Et de poursuivre Alter : «Nous ne pouvons légaliser la torture physique; c'est contraire à nos valeurs.  Mais alors que nous continuons de dénoncer les abus des droits de la personne sur la planète, nous devons faire preuve d'ouverture d'esprit quand il s'agit de lutter contre le terrorisme.  Et nous devrons songer au transfert de certains suspects chez nos alliés moins tatillons, même si c'est hypocrite.  Personne n'a dit que ce serait une partie de plaisir.»

Sérieux écarts de langage ou préparation de l'opinion publique? Le problème, comme le souligne le International Herald Tribune, est que l'option de la torture pour obtenir des confessions des prévenus est de plus en plus fréquemment évoquée dans la grande presse aux États-Unis.

Avis à ceux et celles qui doutaient d'un profond changement des valeurs depuis le 11 septembre.

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  En bref : le réseau s'embourbe; Nimda nouveau; les listes de courriel protégées
Que s'est-il passé samedi dernier, 3 novembre, alors que les échanges de données sur les principales dorsales ont à toutes fins pratiques atteint le point mort? L'accès à de nombreux sites était d'une lenteur pénible alors que certains autres ne répondaient carrément pas.  Selon le Internet Traffic Report, service de veille en temps réel de la fluidité de la circulation des données sur le réseau, l'indice de rendement a chuté à 15 (sur un maximum de 100) et le pourcentage de perte de paquets de données a atteint plus de 10 %.  Même phénomène ce lundi, 5 novembre.  Étrange.

Au New York Times, mardi dernier, on a cru à une attaque de déni de service quand la plupart des systèmes informatiques branchés au réseau ont été inondés de fausses requêtes.  L'agence Reuters rapporte qu'il s'agit plutôt d'une infection à une variante du ver informatique Nimda, la souche Nimda.E, qui serait à l'origine de la panne.  Le service d'accès Internet du personnel du Times était entièrement rétabli mercredi matin, et les opérations du site Web n'ont pas souffert de la perturbation.  On ne croit pas à une attaque délibérée contre le quotidien newyorkais (qui a été victime, plus tôt, d'un canular relatif à des lettres contenant des bacilles de la maladie du charbon), le ver Nimda choisissant ses cibles au hasard.

Une des voies privilégiées de la transmission de virus et vers informatiques sont les listes de discussion et de diffusion par courriel.  D'un coup, un code malicieux peut se retrouver dans des centaines, voire des milliers de boîtes aux lettres.  La société L-Soft, qui fabrique le logiciel de gestion de listes LISTSERV, a annoncé une entente avec la société F-Secure qui fabrique un logiciel de détection et de suppression de virus informatiques, dans le but de doter les exploitants de listes d'une protection antivirale.  Ces derniers, en vertu des mises à jour prévues dans la licence d'utilisation de LISTSERV, auront accès gratuitement au logiciel de F-Secure pour protéger leurs listes.  Une fois installé sur un serveur de courrier (Win2000 ou Linux), le logiciel détecte les messages porteurs de virus et en empêche la diffusion.  On estime que le logiciel LISTSERV est utilisé par 90 000 exploitants de listes de diffusion et rejoint plus de 60 millions d'utilisateurs.

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  Sept ans, et collaboration à Multimédium
C'est cette semaine que nous célébrons le septième anniversaire du premier envoi par courriel des Chroniques de Cybérie, l'arrivée sur le Web devait se faire quelques mois plus tard.  Nous tenons à remercier tous nos partenaires, et tous ceux et celles qui ont collaboré à notre travail au cours de ces sept années, mais surtout vous, lecteurs et lectrices de ces chroniques. 

Nous sommes également heureux de vous annoncer que nous tiendrons désormais une chronique hebdomadaire, publiée le jeudi, dans le netmag Multimédium.  En guise de premier texte, nous nous sommes penchés sur l'avenir des cités technologiques au Québec, «Des cités plus modestes».  Rendez-vous chaque jeudi, donc, sur Multimédium.

Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et toutes une excellente semaine.

Site personnel de Jean-Pierre Cloutier

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