26.3.04

«Le journalisme n’appartient à personne»

C’est sous ce thème que Jay Rosen, professeur de journalisme à l’Université de New York , essayiste et critique médias, place sa prochaine intervention à l’occasion de la conférence BloggerCon qui se tiendra sur le campus de la faculté de droit de l’Université Harvard le 17 avril prochain. La conférence porte sur les blogues en journalisme, éducation, science, politique et affaires.

Plus formellement, son intervention (toujours en cours d’élaboration) porte le titre de «What is Journalism? And What Can Weblogs Do About it?», ou librement traduit, «De l’essence du journalisme et de l’effet possible des blogues». Rosen campe son sujet : il parle de l’exercice de la fonction journalistique, et non de la profession (ou du métier, diraient certains). Il distingue aussi journalisme et médias : on sait à qui appartiennent les médias; le journalisme n’appartient à personne.

Il rejette l’idée que l’avènement des blogues constitue une révolution, estime que l’expression «blogosphère» est inélégante, mais reconnaît que les blogues sont un élément nouveau et important avec lequel le journalisme, et ceux et celles qui le pratiquent, doivent composer.

Vingt questions et un lien... lors de ma plus récente consultation de la page de son «plan de martch» pour la conférence, Rosen exprimait le souhait de dresser une liste de vingt questions à soumettre à la réflexion collective. Importance relative (et relativisée) des blogues par rapport au journalisme traditionnel. Potentiel des blogues pour le journalisme. Nouvelles avenues ouvertes par la puissance et le caractère distinct (interactivité?) de la technologie. Comment interpréter l’indépendance revendiquée par les blogueurs si l’essentiel de l’activité consiste à copier/coller les grands médias et à se citer l’un l’autre? Il n’en avait que dix, et invitait les lecteurs à compléter la liste.

Et le lien? Une lecture suggérée, celle d’un texte de James W. Carey, ex-professeur de journalisme à l’Université Columbia, The Struggle Against Forgetting, ou librement «La lutte contre l’oubli». Carey a livré ce texte, en 1955, lors de la cérémonie d’admission des nouveaux inscrits au programme de journalisme de l’Université Columbia. Il leur rappelait que le roman de John Steinbeck «Les raisins de la colère», qui valut à son auteur le Prix Pulitzer, était né d’une série d’articles qu’il avait écrits pour le magazine Time à l’époque de la grande dépression des années trente. S’inspirant de Kundera qui écrivait dans «Le livre du rire et de l’oubli» que la lutte de l’Homme contre le pouvoir est celle de la mémoire contre l’oubli, Carey disait que «Le journalisme est né en réaction à une autorité illégitime au nom d’un pacte social plus large, de la formation d’un espace de vie publique, et d’une véritable opinion publique.»

Menu costaud, donc, le 17 avril au BloggerCon pour la séance animée par Jay Rosen. Personnellement, je formulerais ma question ainsi : Comment les blogues, qui s’inspirent du journalisme, peuvent-ils contribuer à façonner l’opinion publique, créer un espace d’échange de l’opinion citoyenne et, dans un médium où règne l’éphémère, à lutter contre l’oubli?
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