31.3.04

Les gagne-petit enrichissent les gros

La BBC nous apprenait dimanche dernier que selon une étude la Banque interaméricaine de développement (BID), les travailleurs latino-américains expatriés envoient annuellement à leurs familles et leurs proches dans leurs pays d’origine 38 milliards de dollars. Ces envois d’argent viennent principalement des États-Unis (31 milliards) et du Japon (3 milliards).

Les principaux bénéficiaires sont le Mexique (13,2 milliards) et le Brésil (5,2 milliards). La BID estime que le chiffre de 38 milliards est probablement une sous-estimation des sommes réelles, certains experts parlent de 150 milliards. Néanmoins, la somme de 38 milliards dépasse celle des investissements directs et de l’aide publique au développement dans les pays récipiendaires. La difficulté d’établir des données précises repose sur le recours par un grand nombre de travailleurs à des réseaux de transfert informels pour réaliser des économies.

La BID observe toutefois que sur des transferts de 38 milliards, six milliards (22,8 %) ont été versés à titre de frais de transfert à des institutions financières et des banques. Le chiffre se passe de commentaire.

Par ailleurs, l’analyste des affaires latino-américaines du Miami Herald, Andres Oppenheimer, traite de la question de ces transferts sous un autre angle : la récupération politique.

Au Salvador se tenaient des élections il y a une dizaine de jours. On prévoyait une chaude lutte entre la gauche (Front national de Libération Farabundo Marti) représentée par Shafick Handal et la droite (ARENA, souvenez-vous de Roberto d’Aubuisson) avec à sa tête Tony Saca. Quelques jours avant le vote, l’ARENA a lancé une campagne publicitaire télévisée dont l’essentiel du message était : l’élection d’un gouvernement de gauche nuira aux relations du Salvador avec les États-Unis; les travailleurs salvadoriens seront expulsés; il n’y aura donc plus de transferts d’argent vers le Salvador. On parle ici d’une somme annuelle de 2,2 milliards. Le résultat est probant, le coude à coude entre les deux partis s’est transformé en une victoire de l’ARENA qui a recueilli 58 % des voix exprimées.

Résumons-nous. Des millions de travailleurs immigrants, souvent sans papiers, triment dur dans des économies prospères en occupant des emplois dont personne ne veut. De leurs maigres salaires, ils parviennent à envoyer à leurs familles et proches dans leurs pays d’origine au moins 38 milliards de dollars par année. Nos banques prélèvent en frais de services 22,8 % de cet argent durement gagné. En Amérique latine ce phénomène des transferts sert de levier politique à des partis de droite dont les programmes ne contiennent aucune mesure sociale et qui prônent l’ultra-libéralisme.

Et ensuite, on se demande pourquoi...

Ajout, 12h45.

Sur le thème des transferts au Salvador, le vénézuélien Henry Nava, directeur national du syndicat national des travailleurs, et observateur lors des élections au Salvador. «But the principal terror is based on the theme of remittances and repatriation for Salvadorians. Remittances are the money that Salvadorians who live outside send to their families and, to explain, this small country maintains itself with these remittances because neo-liberalism has failed so much that it hasn't even been able to develop an economic system in which the country can sustain itself with its own income. Then imagine a campaign for more than two months, everyday, “if the FMLN win the elections you won't have access to your remittance, vote for a secure country”.»

Et toujours de la BBC, mais cette fois sur l’importance des transferts pour le Mexique : «Remittances from Mexicans in the US have become one of Mexico's most important sources of income, second only to oil and surpassing the traditional tourism industry. According to Roberto Suro, director of the Pew Hispanic Center in Washington "remittances have probably benefited Mexico more than Nafta" (the North American Free Trade Agreement between Canada, the US and Mexico).»
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