18.4.04

Shoot down the pop-up

Depuis que la publicité a investi le Web (et non investi dans le Web), elle a été source de polémique. Les puristes y voyaient l’invasion d’un espace réservé à la communication et à l’échange, les réalistes comme un mal nécessaire au financement de contenus originaux, et les publicistes comme un nouveau véhicule qui amènerait à chaque cycle évolutif de nouvelles possibilités techniques.

Peu de sujets font l’unanimité en matière d’Internet et de Web, sauf peut-être l’omniprésence des publicités «pop-up» et «pop-under», la multiplication à l’infini de l’ouverture de fenêtres qui s’interposent entre le lecteur et le contenu, ou polluent l’arrière-plan de l’espace de travail. D’une part, l’ouverture inopinée d’une fenêtre pub distrait le lecteur de sites à contenu. On peut d’ailleurs dire la même chose des publicités clinquantes qui s’affichent parallèlement à un paragraphe qu’on tente de lire.

Un des spécialistes de cette technologie intrusive est à coup sûr Matt Drudge, qui publie le désormais célèbre Drudge Report. Non seulement nous sert-il deux nouvelles fenêtres de pub sur son site, mais le code HTML de sa page prévoit son «rafraîchissement» aux quatre minutes, ce qui occasionne chaque fois l’ouverture de deux nouvelles fenêtres.

Les publicitaires du Web estiment qu’en général, le «taux de clic» sur un bandeau publicitaire statique d’une page Web est d’environ 1 %. Pour sa part, le «pop-up» attire 12 % de plus de clics qu’un bandeau statique. Ça ne fait quand même que 1,12 % comme taux d’interaction.

Va pour les chiffres, mais examinons l’effet négatif sur l’expérience Web des utilisateurs. Et prenons un exemple tiré du «monde réel».

Samedi matin, grasse matinée, vous sortez au resto du coin pour prendre un café et lire un journal. Vous consultez la première page, et voilà qu’un démarcheur passe et dépose sans vous demander, sur «votre» journal, un dépliant publicitaire. Vous écartez le dépliant, ouvrez en page 2, et voilà qu’un autre démarcheur vient à son tour déposer son dépliant sur votre journal. Il est suivi de peu par un autre qui, lui, glisse un dépliant sous votre journal. Agaçant. Et le manège se poursuit chaque fois que vous consultez une autre page. Dans ce monde réel, on serait frappé par un tel manque de civilité; sur le Web, c’est monnaie courante. Énervant. Irritant.

On peut certes interdire l’ouverture de nouvelles fenêtres, ou désactiver la fonction javascript du fureteur avec le même résultat, mais alors on se prive de fonctionnalités transactionnelles ou de consultation. Une comparaison avec le pourriel est même permise. Une technologie (le courriel) qui vise à une meilleure et plus efficace communication est accaparée à ce point par le démarchage publicitaire non sollicité (pourriel) qu’il en vient à occuper une plus grande place que les communications de bon aloi.

Le mois dernier, le journal étudiant de l’Université Wayne (Michigan) publiait un article sur la camnpagne publicitaire du Parti républicain sur le Web qui a recours aux «pop-up». Le professeur de communication à UCLA Tim Groeling exprimait son étonnement de la décision des stratèges républicains. «Ce n’est pas que les “pop-up” soient illégaux, mais si vous les utilisez les gens n’éprouveront pas d’empathie pour vous» disait-il.

Si un des buts de la publicité est de créer une image sympathique d’un produit, service, entreprise ou candidat, pourquoi les annonceurs persistent-ils à utiliser les «pop-up»? Pour une marge de 12 % sur un hypothétique 1 %? Tant de contrariétés pour si peu?

Il ne faut donc pas s’étonner que les nouvelles versions de fureteurs comme Firefox offrent à l’utilisateur la possibilité d’interdire l’ouverture non souhaitée de nouvelles fenêtres, que Microsoft dotera ses prochaines versions de fonctions semblables, que la barre d’outils de Google les bloque et qu’il existe des logiciels auxiliaires comme Popup Killer aux mêmes fins.

Avec tant de fenêtres ouvertes, on comprend que les utilisateurs commencent à avoir froid.
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