26.5.04

Le New York Times, Chalabi et Judith Miller

Dans son édition du 26 mai, le New York Times présente ses excuses pour le manque de rigueur de nombreux articles traitant de la situation irakienne depuis 2001. Dans certains cas, l’information qui faisait alors l’objet de controverse, et qui semble maintenant discutable, n’a pas été suffisamment vérifiée.

La rédaction du Times écrit : «Les articles faisant problème ont été écrits par divers journalistes, portaient sur différents sujets, mais avaient un trait commun. Ils reposaient, du moins en partie, sur de l’information provenant d’un petit groupe d’informateurs, de transfuges et d’exilés irakiens militant pour un “changement de régime” en Irak, des personnes dont la crédibilité a été entachée au cours des récentes semaines. (Le militant anti-Saddam le plus en vue, Ahmad Chalabi, a occasionnellement été cité comme source dans des articles du Times depuis 1991, et a été l’intermédiaire entre des journalistes du Times et d’autres exilés. Il était devenu un favori des partisans de la ligne dure au sein de l’administration Bush, et un courtier d’information rémunéré pour des renseignements sur d’autres exilés irakiens, jusqu’à ce que l’administration mette un terme aux paiements la semaine dernière.) Ce qui a compliqué la situation pour les journalistes, c’est que l’information fournie par ces exilés était souvent confirmée avec véhémence par des responsables gouvernementaux des États-Unis persuadés de la nécessité d’intervenir en Irak. Certains de ces responsables reconnaissent maintenant qu’ils auraient pu être victimes de désinformation de la part de ces exilés. Tout comme d’autres organismes de presse, en partculier celui-ci.»

Cette note de la rédaction du Times a été publié en page A 10 de l’édition papier du journal, et cite comme exemple de désinformation six articles.

Mais comme le souligne Greg Mitchell du site Editor & Publisher (site de veille des médias), la journaliste Judith Miller n’est nullement mentionnée dans la note du Times, bien qu’elle ait écrit deux des articles cités, et en ait co-écrit deux autres. Cette critique vient de ce que E&P avait, il y a un an déjà, demandé au Times de vérifier l’authenticité des informations publiées par Miller.

En juillet 2003, le travail de Miller était contesté par ses pairs. William Jackson, ex-directeur du General Advisory Committee on Arms Control (GAC), écrivait que la journaliste avait agi comme intermédiaire entre l'unité des forces armées à laquelle elle était affectée en Irak (embedded) et Ahmad Chalabi. Elle avait également été à l'origine d'articles sur les mystérieux tubes d'aluminium que l'on croyait servir à la fabrication d'armes de destruction massive, et de la défection d'un présumé scientifique irakien qui incriminait Saddam Hussein.

Fin mars 2004, Bill Keller, un des hauts responsables de la rédaction du Times défendait la qualité du travail de Miller : «Comme bien des journalistes agressifs, en particulier ceux et celles qui travaillent sur des dossiers délicats, elle a parfois brusqué des gens, mais c’est loin d’être un motif à réprimande. C’est l’évaluation que j’ai fait lorsque nous avons travaillé ensemble, et rien qui n’ait été publié dans ce journal depuis que j’en suis chef de la rédaction ne pourrait me faire croire autrement.»
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