26.9.06

Perdre l’Afghanistan

Le blogueur du Monde Diplomatique, Alain Gresh, attire notre attention sur une analyse inquiétante de la situation en Afghanistan sous le titre Perdre l’Afghanistan.

«La presse anglo-saxonne est très alarmiste sur la situation en Afghanistan et le retour des talibans, malgré le succès annoncé de l’opération Medusa.  L’hebdomadaire américain Newsweek titre en Une, dans son édition de cette semaine, sur «Losing Afghanistan» (perdre l’Afghanistan).  L’article en page intérieure s’intitule The Rise of Jihadistan (La montée du Jihadistan).  Newsweek“À Ghazni et dans les six provinces du sud et dans d’autres points chauds à l’Est, le gouvernement Karzai n’existe pratiquement pas.  Le noyau dur des forces des talibans a rempli le vide en s’infiltrant à partir des zones tribales pakistanaises qui échappent au contrôle central et où il s’était réfugié à la fin de 2001.  Une fois de retour en Afghanistan, ces commandants et combattants talibans très déterminés, aidés par des sympathisants qui étaient restés à l’arrière, ont recruté des centaines, voire des milliers de nouveaux adhérents, beaucoup en les payant.  Ils se sont nourris de la désillusion de la population, déçue par l’absence de progrès économique, de justice et de stabilité que le gouvernement Karzai, l’OTAN, Washington et la communauté internationale avaient promis.» En passant, notons que la page couverture de Newsweek pour ses éditions destinées à l’Europe, à l’Asie et à l’Amérique latine montre en gros plan un combattant Taliban, alors que pour l’édition destinée aux États-Unis on accorde la page couverture à la photographe portraitiste Annie Leibovitz (excellent article au demeurant et présentation de nombreuses photos tirées de son plus récent livre «A Photographer's Life: 1990-2005» publié chez Random House).

Par ailleurs, dans le San Francisco Chronicle, la journaliste Anna Badken rapporte que l’intensification des attaques terroristes en Afghanistan serait attribuable à l’infiltration de jihadistes venus d’Irak.  Badken écrit : «L’an dernier, diverses informations ont été recueillies à l’effet que des ex-combattants de l’insurrection irakienne après que des appels à aider les Talibans soient apparus sur des forums Internet islamistes.  (Voir Foreign jihadists seen as key to spike in Afghan attacks, San Francisco Chronicle, 25 septembre 2006.)

Elle cite Rita Katz du SITE Institute (Search for International Terrorist Entities), un organisme de recherche sur le terrorisme, selon qui des vidéos et des publications ont circulé et dont le message essentiel était «Arrêtez d’aller en Irak, venez en Afghanistan, nous avons besoin de vous ici, nous allons porter l’intensité des combats à un niveau tel que nous l’avons fait en Irak.» Il y aurait une funeste «répartition des tâches» selon les observateurs entre Talibans et jihadistes.  Les Talibans mènent les opérations militaires, mais le suicide ne fait pas partie de leur culture; les attentats suicides seraient donc perpétrés par les jihadistes.

Pour ce qui est des forces de l’OTAN en Afghanistan, les perspectives sont sombres.  On lit dans Le Figaro d’aujourd’hui : «Pour mater l’insurrection, dont l’intensité a surpris les responsables de l’Otan, le général James Johns, chef militaire de l’Alliance, réclame un “bataillon” de réserve supplémentaire, soit 2 500 hommes environ.  Jusqu’ici son appel n’a pas été suivi d’effets.  L’Otan a déployé 10 000 soldats dans le Sud.  Après une rencontre entre chefs d’état-major à Varsovie, une réunion de "génération de forces" s’est tenue hier, au Shape, le quartier général de l’Alliance.  Les représentants militaires des 26 États membres ont réagi avec la plus grande prudence aux demandes de renforts de l’Otan.  “Ils disent tous qu’ils n’ont plus de réserves!”, résume un diplomate.» (Voir L’Otan peine à trouver des renforts pour l’Afghanistan, Le Figaro, 26 septembre 2006.)

Puis, dans le Journal de Québec, J. Jacques Samson nous parle de ce qui a été perçu par plusieurs comme un faux-pas du président afghan Hamid Karzaï lors de sa visite ici il y a quelques jours : « Le président de l'Afghanistan, Hamid Karzaï, a levé le nez sur une occasion privilégiée de s'adresser aux soldats du 22e Régiment, basés à Valcartier, qui seront déployés dans son pays dans quelques mois et à leurs familles qui les attendront dans l'angoisse au Québec.[...] M. Karzaï a certes rencontré brièvement quelques haut gradés de l'armée canadienne, samedi matin, à Montréal.  Mais les troupions de Valcartier, leurs conjoints et enfants auraient sans doute aimé connaître les réponses à des questions de ce type.  C'est bien beau payer de vies de jeunes soldats canadiens pour faire le ménage chez vous, Excellence, et payer de nos impôts pour rebâtir, mais au Québec, quand on demande de l'aide sociale, on doit au moins remplir les formulaires et répondre aux questions.  Il en va de même quand on demande une aide internationale aussi coûteuse.» (Voir Votre Excellence, Journal de Québec, 25 septembre 2006.)
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