19.9.06

L’affaire Arar et la censure du rapport

La Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar a publié hier son rapport préparé par l’Honorable Dennis R.  O’Connor, juge en chef adjoint de l’Ontario. 

En bref : Maher Arar, citoyen canadien, revenait de Tunisie le 26 septembre 2002, et lors d’une escale à New York il a été arrêté puis détenu par les autorités étasuniennes.  Le 7 octobre, pour citer le rapport, «le directeur régional de l’Immigration and Naturalization Service (INS) a conclu que M.  Arar était un membre d’Al-Qaïda et ordonné qu’il soit renvoyé des États-Unis.  Le 8 octobre, toujours détenu par les Américains, M. Arar a été mis à bord d’un avion à destination de la Jordanie.  Peu de temps après, il a été conduit en Syrie où il a été incarcéré pendant près d’un an.»

Pendant sa détention en Syrie, M. Arar a été torturé physiquement et psychologiquement.  Dans le communiqué final de la Commission, on lit : «“Aucun élément de preuve n’indique que les responsables canadiens ont participé ou acquiescé aux décisions américaines de détenir M.  Arar ou de le renvoyer en Syrie, et aucun élément de preuve n’établit que des responsables canadiens – la Gendarmerie royale du Canada (GRC), le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) ou d’autres – se soient fait complices de ces décisions.” Le commissaire note cependant aussi qu’“en prenant les décisions de détenir M. Arar puis de le renvoyer en Syrie, les autorités américaines se sont très probablement appuyées sur l’information concernant M.  Arar que leur avait fournie la GRC.[...] Le commissaire a aussi jugé qu’aussi bien avant qu’après la détention de M. Arar aux États-Unis, la GRC a transmis aux autorités américaines de l’information sur M.  Arar qui était inexacte, qui dressait de lui un portrait injuste et qui exagérait l’importance qu’il revêtait pour leur travail d’enquête.  Une partie de cette information inexacte pouvait créer de graves conséquences pour M. Arar compte tenu des attitudes et des pratiques des autorités américaines à ce moment.»

On connaît la suite, sinon il y a un bon résumé dans Cyberpresse

Il y a des passages véritablement kafkaïens dans ce rapport, et aussi des analyses révélatrices de la façon de fonctionner des autorités canadiennes.  Pas de quoi être fier, et pas de quoi être rassuré quand on voit comment procèdent les institutions chargées de nous protéger.

Toutefois, le rapport rendu public hier n’est pas complet comme le souligne la mise en garde contenue au début des divers documents : «Le rapport de la Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar, tel qu’il a été présenté à l’origine au gouverneur en conseil, comprenait de l’information qui a été omise de la présente version publiée.  Les omissions (signalées par des astérisques [***] dans le texte) sont motivées par des raisons liées à la sécurité nationale, à la défense nationale ou aux relations internationales.  Les décisions quant à ces omissions relèvent du gouvernement du Canada et ne traduisent pas les opinions de la Commission d’enquête.»

Dans le communiqué émis par la Commission, son avocat principal de la Commission Paul Cavalluzzo explique comme suit la situation : «Certaines parties ont été expurgées du rapport public parce que le gouvernement a demandé la confidentialité pour des raisons de sécurité nationale.  Cependant, le commissaire est d’avis que cette information devrait être rendue publique.  Le commissaire presse le gouvernement de renvoyer à la Cour fédérale ce litige pour qu’il puisse être réglé rapidement et que le public puisse bénéficier d’une divulgation maximale.»

De quoi parle-t-on? Dans le volume I (508 pages), 47 ratures dont la section 4.1.1 au complet qui porte sur un voyage d’agents du SCRS en Syrie, et dans le volume II (400 pages) 5 ratures.  Ces deux premiers volumes relatent les faits entourant l’affaire.  Pour ce qui est de l’analyse et des recommandations (412 pages), on constate 17 passages raturés.

Selon la Presse canadienne : «Les avocats de la commission ont accepté que le rapport soit en partie censuré pour qu'il puisse être enfin rendu public.  Mais ils n'ont aucunement l'intention de se satisfaire de cette situation.  Malgré tout, après une bataille de 17 mois contre le gouvernement sur cette question de censure, les deux parties se sont beaucoup rapprochées, ont indiqué des sources.»

On attend donc la suite.
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