31.12.04

Poynter, l’année 2004, les blogues, et la mise en perspective



En parcourant le survol de l’année 2004 en journalisme et nouveaux médias de l’Institut Poynter, recensement des grandes questions traitées au cours de l’année écoulée, on remarque que dans les titres ou résumés des articles publiés, la première utilisation du mot «blog» en  2004, sur une demie douzaine d’articles, remonte au 27 février. Il s’agit d’un article sur Doug Clifton, éditeur du quotidien The Plain Dealer de Cleveland, qui avait lancé son blogue le 15 janvier.

Vérification faite, Doug Clifton a cessé d’alimenter son blogue le 27 septembre dernier. Clifton explique que son blogue lui prenait trop de temps, que le lectorat atteignait au maximum la centaine de consultations par jour, et qu’il ne reçut aucun commentaire en juin lorsqu’il cessa de publier pour cause de vacances. «Je vais laisser ça aux pros» conclut-il dans son dernier billet.

Pour ce qui est du survol de l’année 2003 du Poynter, deux articles seulement. D’abord, trois courtes pages sur la centaine que compte le Nieman Report, juillet 2003 (format PDF, 3Mo), puis, un article de Mallory Jensen A Brief History of Weblogs publié dans l’édition septembre/octobre 2003 du Columbia Journalism Review. Le survol de l’année 2002, pour sa part, ne contient pas de référence aux blogues.

Dans ce Nieman Report de 2003, le professeur de journalisme Larry Pryor disait voir dans les blogues un bon outil de formation pour les apprentis journalistes, sans plus. Mallory Jensen, pour sa part, témoignait d’un certain engouement pour la formule des blogues, sans évoquer la possibilité qu’ils se taillent une part importante du marché de l’attention médiatique.

Certains, dont je suis, croient que l’année qui vient verra le phénomène blogue prendre encore plus d’importance qu’en 2004 dans ce marché de l’attention. Nous pourrions nous tromper, c’est vrai. Les notions de journalisme horizontal, participatif ou de proximité sont encore très jeunes. L’environnement est encore volatile, il peut y avoir des tentatives de récupération, certains éléments envahissent les sections commentaires avec des contenus commerciaux, on vient même de repérer un service de détournement de flux RSS (fil Web) à des fins publicitaires. Bref, rien n’est achevé, tout (ou presque) reste à faire.

Il n’en demeure pas moins que tout est question de perspective. La lecture des archives de 1969 de l’Institut Poynter (résumés des imprimés mis en ligne) revêt un charme particulier. En 1969, on annonce que dans le cadre d’un projet de recherche gouvernemental étasunien, quatre ordinateurs ont été reliés, et que ce réseau porte le nom d’ARPANET. La BBC met à l’essai un nouveau médium interactif, le videotex, appellation générique qui comprend le teletext. La société Intel, fondée en 1968, lance sur le marché une puce de mémoire vive de 1Mo. Et évidemment, un humain marchait sur la Lune.

C’est une question de rapport au temps. Et tant qu’à secouer les vieilleries de l’Institut Poynter, je vais ressasser les miennes. Mai/juin 1997, dans Planète Internet Québec : «“Objects in mirror are closer than they appear”. C'est la mise en garde gravée dans le rétroviseur de la plupart des véhicules. C'est que pour offrir une perspective plus large on doit introduire une certaine distorsion optique, un “effet grand angle”, ce qui nous fait percevoir comme plus éloignés des objets pourtant rapprochés. Et c'est un peu cette distorsion, mais temporelle, qui nous arrive avec l'Internet. [...] le développement durable, pérenne, ne se fait qu'au moyen de technologie adaptée et intégrée qu'il faut donner à la masse, critique ou non, le temps d'absorber.»

Un des souhaits, pour l’année 2005, est que l’on se donne collectivement le temps d’absorber les acquis et de déterminer la suite des choses. Il sera abondamment question en 2005 de cette suite, et des visions plurielles que l’on peut y donner, mais évitons l’emballement, l’effet de bulle.
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