21.5.05

Boycotter le Pew?

Le Pew Internet & American Life Project, bien connu pour ses études sur l’utilisation d’Internet et ses effets, publiait le 16 mai dernier les résultats d’une étude sur la place qu’occupent les blogues sur la scène politique aux États-Unis, notamment le rôle qu’ils ont joué au cours de la dernière présidentielle. Intitulée «Buzz, Blogs and Beyond: The Internet and the National Discourse in the Fall of 2004» (communiqué de presse et rapport complet (PDF)), l’étude présente deux constatations principales.

D’une part, les blogues auraient été autant initiateurs qu’amplificateurs d’informations ou de rumeurs (buzz). Ils auraient néanmoins servi de «guide à l’univers d’Internet» pour une bonne partie des médias traditionnels (MT). On cite à cet égard des textes de Dan Gillmor et de la prestigieuse revue Foreign Policy. Selon les auteurs du rapport, «Les blogueurs démontrent une grande aptitude à déceler des informations d’intérêt; ils incluent dans leurs textes des liens de sorte que cette information puisse être vérifiée et corroborée, ils font preuve d’esprit et de passion dans leurs commentaires.» Ceci expliquerait qu’aux États-Unis du moins, une nouvelle lancée par des blogueurs attire l’attention des MT.

D’autre part, la contribution principale des blogueurs au discours politique durant la campagne présidentielle aurait été de fournir un espace de discussion libre et ouvert sur l’affaire du Rathergate (Dan Rather, présentateur vedette de la chaîne CBS, histoire des fausses notes de service sur les antécédents militaires de George Bush). C’est à notre avis un champ qui n’est pas propre aux blogues, les forums de discussion sont nombreux et installés depuis longtemps sur Internet.

Pour le Dr Michael Cornfield, conseiller principal à la recherche au Pew, «La blogosphère est certainement un ajout de taille dans le discours national. Mais nous devons faire preuve de prudence envers l’influence qu’exercent certains blogueurs politiques. Cette influence est modulée en fonction de l’information qui est disponible, du comportement des médias, et de la tendance des formes et formats de contenus Internet qui peuvent évoluer très rapidement.»

Le rapport du Pew a fait l’objet de nombreux commentaires. Par exemple, la notion d’«amplificateurs» est retenue par Guy Therrien sur Tactiques. Dans Business 2.0, on s’attarde aux passages de l’étude qui tendent à diminuer la force politique des blogueurs en raison de l’évolution rapide du médium qui pourrait fragiliser la forme avant qu’elle n’ait atteint un stade de maturité, et la propension des blogueurs à diffuser de l’information assimilée à des rumeurs.

Mais Duncan Riley du Blog Herald a formulé une critique très sévère à l’égard de l’étude du Pew. Le lendemain de la publication des résultats, Riley a remis en question le très petit échantillon de blogues qui a servi à l’étude peut-être moins de 40 selon Riley. Michael Cornfield du Pew a été prompt à répondre, sur le site même de Riley, que l’échantillon était de 40 blogues, pas un de moins.

Riley est revenu à la charge est écrivant que si le Pew se basait sur un échantillon si limité pour juger que l’effet des blogues était circonstanciel, se limitait à modérer des discussions, et ne remplaçait pas en partie certaines fonctions autrefois échues aux MT, il fallait boycotter le Pew. Boycotter le Pew?

Ma réponse à Duncan, «Tu écris “En défense de la blogosphère, voici ce que je propose. Nous boycottons Pew Internet...” Comment envisages-tu ce boycott? Ne pas parler des prochains rapports du Pew? Déconstruire leur méthodologie? Ça me semble être un concept abstrait de boycotter un organisme de recherche, quelle que soit la base flouée de ses conclusions.»
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