14.7.05

Succession présidentielle aux États-Unis

Les dispositions constitutionnelles régissant le remplacement du président des États-Unis en cas de son renvoi, de sa démission ou de son décès ont été remises à l’ordre du jour après que les attentats du 11 septembre 2001 eurent démontré la possibilité de «décapitation» des corps législatif et exécutif. Il est facile d’imaginer l’ampleur du bouleversement que créerait une attaque massive et simultanée sur la Maison blanche et le Capitole à Washington où sont situés la Chambre des représentants et le Sénat.

Le service de recherche de la Bibliothèque du Congrès vient de publier un aperçu et une analyse des divers projets de lois à l’étude visant à assurer la continuité gouvernementale en cas de désastre majeur. Le document, Presidential Succession: An Overview with Analysis of Legislation Proposed in the 109th Congress (format PDF) a été préparé par Thomas H. Neale de la division Gouvernement et Finance de la Bibliothèque du Congrès.

Les dispositions courantes veulent qu’en cas de renvoi, de démission ou de décès du président, il soit remplacé par le vice-président. D’histoire récente, on se souviendra que c’est Gerald Ford qui remplaça Richard Nixon quand il démissionna en 1974, et que Lyndon Johnson accéda à la présidence après l’assassinat de John Kennedy en 1963. Si le poste de vice-président devient vacant, c’est le président qui désigne son successeur, un choix qui doit obtenir l’aval d’une majorité de votes aux deux chambres du Congrès. C’est de cette manière que Gerald Ford avait remplacé Spiro Agnew qui avait démissionné en 1973, et que Nelson Rockfeller succéda à Gerald Ford dans les circonstances que l’on sait.

En vertu du Succession Act de 1947, si ces deux postes (président et vice-président) sont vacants, c’est le président de la Chambre des représentant qui devient président. Et si ce poste est vacant, c’est le président du Sénat à qui revient la présidence. Enfin, si tous ces postes sont vacants, il existe une liste hiérarchique de membres du Cabinet à qui reviendrait la présidence qui sont, dans l’ordre : les secrétaires d’État, au Trésor et à la Défense, l’Attorney General (Justice), puis les secrétaires d’État à l’Intérieur, à l’Agriculture, au Commerce, au Travail, à la Santé et aux Services sociaux, à l’Habitation et au Développement urbain, au Transport, à l’Énergie, à l’Éducation et aux Anciens combattants.

Malgré toutes ces dispositions, s’il y a des projets de lois visant à amender le processus de succession à la présidence, c’est qu’il y a eu création en novembre 2002 d’un nouveau poste au Cabinet, celui de la Sécurité intérieure (Homeland Security). Or, la loi disposant de la création de ce nouveau poste (P.L. 107-296) ne prévoyait pas d’inclure son titulaire dans la liste hiérarchique des successeurs possibles au président, et aucune mesure permettant de la faire n’a été prise depuis.

Deux projets de loi (S. 422 et H.R. 1455) prévoient de remédier à la situation. Les deux projets ont en commun qu’ils placeraient le titulaire du poste de secrétaire à la Sécurité intérieure au huitième rang de la chaîne de succession présidentielle, immédiatement après l’Attorney General, et non au dix-huitième rang comme le voudrait la convention.

Selon l’analyste de la Bibliothèque du Congrès, cet écart avec la tradition voulant que le titulaire de tout nouveau poste au Cabinet soit ajouté en bas de liste des successeurs possibles est attribuable à des inquiétudes ravivées sur la continuité de gouvernement. «On souligne qu’il y aurait deux avantages à la position prévue du secrétaire d’État à la Sécurité intérieure dans la chaîne de succession. Premièrement, le Secrétariat à la Sécurité intérieure sera un des plus gros ministères et un des plus importants du corps exécutif, et bon nombre de ses attributions ont trait directement à la sécurité et à la capacité de réaction de la nation. Ces deux arguments jouent pour lui attribuer un rang élevé dans la liste hiérarchique. Deuxièmement, comme le titulaire de ce poste aura en ces matières des responsabilités importantes, il possédera des connaissances et des compétences qui justifient qu’il ait préséance sur dix autres secrétaires d’État si un désastre sans précédent s’abattait sur le corps législatif.»

L’auteur du rapport de recherche souligne cependant la possibilité de critiques à l’endroit de ces projets de loi. D’une part, on pourrait taxer leurs auteurs d’alarmisme injustifié. D’autre part, accorder un rang si élevé dans la hiérarchie de succession à ce secrétariat constituerait un précédent et semblerait lui accorder un statut de «super ministère» incompatible avec sa loi constituante.

En septembre 2003, un comité sénatorial a tenu des audiences sur la question de la succession présidentielle. John C. Fortier, directeur exécutif de la Commission sur la continuité du gouvernement de l’American Enterprise Institute (cellule de réflexion rendue très visible par un de ses directeurs, Richard Perle) y est allé d’une suggestion qui a étonné plusieurs législateurs. Le Congrès créerait un certain nombre de postes officiels (quatre ou cinq) dont le mandat des titulaires consisterait à se tenir prêt, au besoin, à occuper la présidence par intérim. Les titulaires de ces postes seraient désignés par le président et leur nomination devrait recevoir l’aval du Sénat. Il pourrait s’agir d’anciens présidents ou vice-présidents, gouverneurs, membres du Cabinet ou du Congrès, bref des personnes ayant une bonne connaissance des rouages gouvernementaux. Ils seraient ponctuellement informés des dossiers courants et pourraient servir de conseillers au président.

Selon Fortier, ils ne seraient pas nécessairement résidants de Washington, un avantage en cas de tentative de «décapitation» de l’appareil gouvernemental. Leur rang dans la chaîne hiérarchique de succession serait plus élevé que certains membres du Cabinet, peut-être au sixième rang après le secrétaire d’État à la Sécurité. Variante proposée par Fortier : la création de postes d’assistant vice-présidents dont les responsabilités seraient identiques à celles des postes que créerait le Congrès.

Pour sa part, toujours devant le comité sénatorial, le professeur Howard Wasserman de la faculté de Droit de la Florida International University a proposé la création d’un poste de premier secrétaire du président, qui serait nommé par le président et confirmé par le Sénat. Ses responsabilités seraient les mêmes que celles des titulaires de postes suggérés plus haut. «Cette personne devrait être en contact avec le président et son administration, un membre actif du Cabinet, au courant et investi dans l’élaboration et la mise en oeuvre des politiques» disait Wasserman. Cette suggestion ne tient pas compte de la vulnérabilité du premier secrétaire en cas de tentative de «décapitation» de l’appareil gouvernemental, vu l’importance accordée à une certaine proximité du président.

Pour l’auteur du rapport, Thomas H. Neale, il est assuré que le Congrès inscrira le secrétaire d’État à la Sécurité dans la liste hiérarchique de succession présidentielle. Après tout, le poste a été créé en novembre 2002 et il serait temps de remédier à l’oubli. Pour ce qui est des autres propositions, il est moins certain qu’elles soient sérieusement examinées à court terme, malgré que le débat soit lancé sur leur pertinence.
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