29.9.06

Le prix d’un «terroriste»?

Cinq mille dollars selon Amnesty International qui publie ce matin un rapport accablant, Pakistan : Disparitions forcées dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme» dont voici un extrait :

En coopérant à la «guerre contre le terrorisme» conduite par les États-Unis, le gouvernement pakistanais a systématiquement violé les droits fondamentaux de centaines de Pakistanais et de ressortissants étrangers.  La pratique des disparitions forcées s'est répandue, et des personnes ont été arrêtées et mises au secret dans des lieux tenus secrets, leur détention n'étant pas officialisée.  Ces personnes risquent la torture et le transfert illégal dans un pays tiers.

«La route de Guantánamo débute littéralement au Pakistan», a déclaré Claudio Cordone, directeur de recherche à Amnesty International.

«Des centaines de personnes ont fait l'objet d'arrestations massives, un grand nombre d'entre elles ont été vendues aux États-Unis comme "terroristes" sur la seule foi de ceux qui les avaient capturées, et des centaines ont été transférées à Guantánamo Bay, sur la base aérienne américaine de Bagram ou dans des centres de détention secrets gérés par les États-Unis.»

Les récompenses de plusieurs milliers de dollars offertes en échange de la remise d'individus soupçonnés de terrorisme ont favorisé les arrestations illégales et les disparitions forcées.  Les chasseurs de primes, parmi lesquels des policiers et de simples citoyens, ont capturé des personnes de différentes nationalités, le plus souvent au hasard semble-t-il, et les ont vendues aux Américains.  Plus de 85 p.  cent des détenus de Guantánamo Bay ont été arrêtés non par les soldats américains, mais par l'Alliance du Nord afghane au Pakistan, quand des récompenses pouvant aller jusqu'à 5 000 dollars des États-Unis étaient versées pour chaque «terroriste» remis aux forces américaines.  Souvent, leur détention reposait uniquement sur les allégations de leurs ravisseurs, qui avaient tout à gagner de l'arrestation de ces personnes.


Ces «chasseurs de primes» étaient recrutés par la diffusion de tracs par les autorités étasuniennes dont AI présente un fac-similé sur lequel on peut lire : «Devenez plus riche et puissant que vous n’avez jamais rêvé de l’être.  Aidez les forces anti-Taliban à débarrasser l’Afghanistan des meurtriers et terroristes.» À l’endos, on lit : «Vous pouvez recevoir des millions de dollars en aidant les forces anti-Taliban à capturer des meurtriers Talibans et d’Al-Qaïda.  C’est suffisamment d’argent pour suffire aux besoins de votre famille, de votre village, de votre tribu jusqu’à la fin de vos jours.  Payez pour le bétail, les médecins, les livres d’école et le logement de tous les vôtres.»

Mais il n’y a pas que les chasseurs de primes dans le portrait.  Plus tôt cette semaine, le Times de Londres publiait des extraits des mémoires du président pakistanais Pervez Musharraf (In the Ligne of Fire) dans lequel il affirme que son gouvernement a secrètement reçu de la CIA des millions de dollars en échange de 369 personnes soupçonnées d’appartenir à Al-Qaïda (voir 'America paid us to hand over al-Qaeda suspects', Times, 25 septembre 2006). 

Un porte-parole du ministère de la Justice des États-Unis a dit tout ignorer de ces paiements, et que des primes n’étaient versées qu’à des particuliers pour aider à retracer des suspects figurant sur la liste des terroristes recherchés par le FBI.

À la CIA, on refuse de divulguer le montant des primes versées, mais on se montre agacé par les révélations de Musharraf.  Un haut responsable a déclaré : «Nos rapports avec des chefs d’État étrangers ne font pas partie des sujets que nous abordons.  Nous nous attendons à ce qu’ils fassent de même.»
|