21.10.04

Les visages de la répression en Haïti

Arrestation de trois anciens parlementaires du parti Fanmi Lavalas (pro-Aristide) qui venaient de participer à une revue de l’actualité de la semaine sur les ondes d’une radio locale. Selon Haïti-Progrès, «C’est sur ordre du gouvernement de facto que les agents de la PNH fortement armés et portant des cagoules ont encerclé pendant environ six heures de temps la station, avant d’y pénétrer par effraction en présence du juge Gabriel Ambroise pour arrêter les trois ex-sénateurs.»

Six cent morts en deux semaines selon le journaliste Kevin Pina qui est sur place (transcription d’une entrevue du 15 octobre). La plupart des victimes étaient des partisans du président en exil Jean-Bertrand Aristide.

Arrestation du père Gérard Jean-Juste, religieux oeuvrant dans les quartiers défavorisés, et détention illégale depuis une semaine pour «trouble à l’ordre public», un délit entraînant une amende maximum de 0,40 $ US (source, Bill Quigley, professeur de droit à l’université Loyola de Nouvelle-Orléans).

Concernant le rôle des forces dites de «stabilisation» des Nations Unies, la MINUSTAH, Brian Concannon, avocat étasunien et membre du Bureau des Avocats Internationaux (BAI) qui s’intéresse à Haïti depuis 1996 commente : «L’implication de la force des Nations Unies ne se limite pas à tolérer que ces choses arrivent, elles les appuie directement. Elle fournit un soutien à ces gens [civils en cagoules qui se disent de la police nationale] lorsqu’ils investissent les quartiers pauvres, c'est elle qui a dressé un périmètre de sécurité autour de la station de radio pour les arrestations. C’est beaucoup plus qu’un laisser-faire. Elle joue un rôle actif.»

De l’Associated Press : «Les États-Unis ont décidé de lever un embargo sur les armes imposé à Haïti depuis treize ans, selon des responsables haïtiens. [...] Les autorités américaines n’ont pas immédiatement confirmé la levée de l’embargo sur les ventes d’armes à Haïti mais le département d’État américain a affirmé qu’il considérerait au cas par cas les commandes d’armes passées par le gouvernement haïtien.»

De l’Agence haïtienne de presse : «Le Conseil des sages a fait mercredi des recommandations au gouvernement intérimaire en vue de mettre un terme au climat de violence qui secoue la capitale haïtienne depuis plus de deux semaines. [...] “Les autorités intérimaires devraient mettre sur pied un service de renseignement qui leur permettraient de frapper les auteurs intellectuels des violences”, a fait savoir M. Rouseau qui déclare rejeter l'opinion selon laquelle la pauvreté est source de violence.»

De Daniel Lak de la BBC : «Dans un immeuble de quatre étages à proximité du marché de Pétionville, j’ai trouvé ce qui semble être une petite armée, une centaine d’hommes en tenues de combat toutes neuves, plusieurs armés de fusils d’assaut. Leur commandant, Rammissanthe Ravix, un ex-officier des forces armés haïtiennes (Ndlr. Chef des “démobilisés”), propose de “nettoyer” Port-au-Prince si la police et les forces de l’ONU s’en montrent incapables. “Nous avons beaucoup d’armes, elles sont cachées, et nous avons deux plans très efficaces” m’a-t-il dit. “Nous mettrons fin à la violence en supprimant les hommes de violence.»

On se résume : le gouvernement intérimaire est engagé dans une vague de répression tous azimuts, appuyée par la force de «stabilisation» des Nations Unies, les États-Unis (qui ont appuyé le renversement d’un chef d’État dûment élu) songent à lever l’embargo des livraisons d’armes vers Haïti, le «Conseil des sages» propose ni plus ni moins de reconstituer les tonton macoutes pour espionner les intellectuels, et les militaires «démobilisés» qui réclament le retour d’une force armée nationale, tout en opérant au vu et au su de tous, promettent de «nettoyer» la capitale.

Pendant ce temps le Canada envisage pour décembre une réunion des forces de la diaspora, Marthe Lapierre de l’organisme Développement et Paix profite de la tribune complaisante de la radio publique pour accuser les partisans de Jean-Bertrand Aristide de fomenter les violences récentes, et il est question qu’Amnesty International, que l’on a vu plus empressée dans d’autres cas, dépêche en Haïti une mission d’enquête la semaine prochaine.
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