26.11.04

Pséphologie ukrainienne

En lisant l’article de Ian Traynor (US campaign behind the turmoil in Kiev) dans The Guardian ce matin, j’ai eu l’occasion d’enrichir mon vocabulaire avec la phrase suivante : «US pollsters and professional consultants are hired to organise focus groups and use psephological data to plot strategy.» Traduction libre : On retient les services de sondeurs et conseils professionnels étasuniens pour organiser des groupes-témoins et utiliser des données pséphologiques pour élaborer la stratégie.

Selon Wordsmith, la pséphologie est l’étude des élections et des scrutins, et leur analyse statistique en vue de prévoir des résultats. Le mot vient du grec psephos (caillou) et de logos (étude); les grecs utilisaient des cailloux comme bulletins de vote. La déclinaison pséphocratie désigne un gouvernement installé à la suite d’une élection.

Mis à part l’enrichissement de vocabulaire, le contenu de l’article est toutefois révélateur d’un certain état de choses en Ukraine. D’après les images que l’on voit, on croirait en une vaste mobilisation populaire, la «révolution orange», pour contrer de présumées malversations électorales. Or, la Pora (mouvement des jeunes), fer de lance de l’opposition, serait fortement appuyée par le National Democratic Institute (organisme du parti démocrate étasunien), le International Republican Institute, le State Department des États-Unis, l’agence de développement international USAID, et la Freedom House, l’ONG du milliardaire George Soros.

Selon The Guardian, on a retrouvé les mêmes «partenaires» récemment à l’oeuvre en Serbie, en Géorgie et au Belarus. Ces jours-ci, c’est Kiev, l’issue demeure incertaine, mais Ian Traynor nous dit de garder l’oeil sur la Moldavie et sur d’autres régimes autoritaires de l’Asie Centrale au cours des prochains mois.

Yulia TymoshenkoPar ailleurs, toujours dans The Guardian, un article de James Meeks sur Yulia Tymoshenko, la vice-première ministre que l’on voit constamment aux côtés du candidat de l’opposition Viktor Yushchenko. Une proche de l’ex-premier ministre Pavlo Lazarenko qui a accédé à ce poste en 1996, elle aurait, avant d’entrer dans l’arène politique, largement profité du système de troc instauré par Lazarenko pour contrer la pénurie de devises. L’entreprise de Madame Tymoshenko, la United Energy System, aurait rapporté à sa propriétaire une fortune colossale, on parle de 11 milliards de dollars. En échange de comptant, d’actions ou de biens, la UES était autorisée à approvisionner en gaz naturel des entreprises ukrainiennes.

La situation en Ukraine serait donc plus complexe que ne le laisse croire l’image pséphologique de la «révolution orange» que véhiculent nos médias.

Et quelques blogues, évidemment, suivent de près la situation, comme celui de la journaliste Veronica Khokhlova, du Sabot Post-moderne (en anglais), de Windowglass, du collectif Volodymyr (basé à Londres), et enfin de Tulipgirl.
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