17.1.05

La presse en dépression

Merci à mediaTIC pour nous avoir souligné le texte de José-Manuel Nobre-Correia paru dans la revue Politique, livraison de décembre 2004, sous le titre Journalisme : une certaine mort annoncée. Selon l’auteur, après avoir effectué des bonds en avant avec chaque nouvelle technologie qui apparaissait, l’art d’informer s’est heurté à des mécanismes de freinage et de distorsion et risque maintenant un retour en arrière.

À propos d’Internet, Nobre-Correia estime que «jamais comme aujourd’hui, tout un chacun a eu la possibilité d’émettre des messages à des coûts si bas, tout en parvenant à toucher une audience potentielle si vaste. Les médias et les éditeurs “traditionnels”, tout comme les journalistes “classiques” ont ainsi perdu leur “monopole” séculaire de la fonction d’informer. La récente vague des “weblogs” est à cet égard significative.»

La conclusion est sombre : «Autrement dit : tout porte à croire que le journalisme comme métier d’information de masse est en voie de disparition. Restera toutefois le journalisme comme métier d’information des élites ou du moins de groupes sociaux restreints. D’autres techniques, immémoriales, reprendront du service, telle la rumeur; d’autres, très anciennes, retrouveront le terrain perdu, telle la propagande; d’autres encore, plus récentes sur les formes que nous leur connaissons aujourd’hui, gagneront encore de l’importance, telle la publicité. Des techniques qui ne relèvent pas du métier d’information, mais qui ont toujours prétendu et prétendront encore informer.»

Autre son de cloche, plus réconfortant pour la presse celui-là, celui du chroniqueur William Safire dans l’édition du 17 janvier du New York Times (inscription requise). Safire reconnaît que la fonction journalistique traverse une période difficile; la crédibilité des médias est mise en cause, les juges veulent forcer les journalistes à dévoiler leurs sources, le président «Yahoo» (l’expression est de Safire) se moque de la presse, et que dire de l’arrivée en masse des blogueurs dans le champ d’attention du grand public.

Or, selon Safire, le journalisme traditionnel (mainstream journalism) est promis à un avenir meilleur. Pour ce qui est des blogueurs, les perspectives de revenus les feront «rentrer dans le rang» et leurs activités s’assimileront à celles des journalistes traditionnels sur le plan de l’actualité locale. En matière de nouvelles nationales ou internationales, les médias traditionnels n’ont rien à craindre des blogues. Safire aborde les autres questions qui hantent le journalisme de nos jours et n’y trouve pas de problème insurmontable. Il faudrait, selon lui, attendre le retour du balancier.

Et si l’avenir s’inscrivait entre le pessimisme de Nobre-Correia et les lunettes roses de Safire? L’enjeu est cependant de taille car comme le souligne le premier, «L’histoire a en effet mis clairement en évidence la parfaite interdépendance entre les avancées du système démocratique et le degré d’autonomie de l’information. Et il est pour le moins douteux que l’avenir de nos sociétés puisse échapper à un tel principe...»
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