15.5.04

L’effet Google

Tenons pour acquis la domination de Google dans le marché des moteurs de recherche. Marc Duval du Service de recherche documentaire DSI, citant Indice DR (indice des outils de recherche sur l’Internet québécois), nous apprenait cette semaine que «Google est la destination privilégiée des 59 % des Canadiens français, suivi par MSN avec 14,9 % et Yahoo! à 9,8 %.» Tenons également pour acquis que pour quiconque publie sur Internet des contenus étroitement liés à l’actualité, Google amène un fort achalandage. Mais quel achalandage?

Dans l’affaire des photographies de prisoners irakiens, bref rappel chronologique. Le 29 avril, l’émission 60 Minutes II de la chaîne CBS diffuse les premières images de détenus maltraités.

Le 1er mai, le journaliste Seymour Hersch publie dans The New Yorker un long article sur l’affaire. Aussi le 1er mai, le quotidien britannique Daily Mirror publie des photos qui illustreraient des scènes de torture de détenus aux mains de militaires britanniques. Ces photos s’avéreront par la suite fausses.

Le 7 mai, le Wall Street Journal diffuse sur son site Web un rapport du Comité international de la Croix-Rouge selon lequel les mauvais traitement infligés aux détenus de la prison de Abu Ghraib sont monnaie courante, bien qu’entre 70 % et 90 % auraient été arrêtés par erreur.

L’affaire prend une telle ampleur que pour la semaine se terminant le 10 mai, Goggle rapporte que l’expression «iraqi prisoner photos» arrive au cinquième rang dans son indice de popularité, et que le nom de «lynndie england», jeune militaire impliquée dans l’affaire, au huitième rang. Il sera bon de vérifier si «la tendance se maintient» au prochain relevé zeitgeist de Google.

Pour sa part, Isabelle Hontebeyrie note ce samedi 15 mai que sur son blogue Google se déchaîne :

«Depuis le 13 mai, les référencements de Google ont littéralement explosé et ont doublé en moins de 24 heures. [...] je me suis aperçue d'une montée assez impressionnante des recherches concernant l'Irak/Iraq, Lynndie England et Nicholas Berg.» Suit la liste des 10 phrases les plus utilisées lors des recherches qui ont mené vers son blogue. Elle fait un constat similaire pour les recherches effectuées directement sur son blogue.

Le phénomène est identique pour le blogue que vous lisez en ce moment, mais les utilisateurs qui arrivent ici par l’entremise de Google et de mots clés que l’on suppose trouveront-ils ce qu’ils cherchent, c’est-à-dire les photos en question? Non, et c’est une des failles de la recherche sur le Web.

Prenons un exemple : une recherche sur Google sur une sordide histoire de sexe, de viols, d’accusations et d’un nom connu. Et vlan, on aboutit sur cette page de mon blogue. Reprenons la démarche Google à l’aide de quelques mots clés, et constatons le résultat :

+sexe +viols +accusations +cloutier

On arrive bel et bien sur la page, mais dans quel contexte?

Sexe
Haïti occupe 16 minutes dans les grands bulletins au cours de la semaine, derrière les primaires du Wisconson (19 min.), les efforts de reconstruction en Irak (18 min.), et le débat sur la légalisation du mariage entre personnes du même sexe (18 min.).

Viols
Toujours selon la même commission, toutes les caractéristiques de la répression se développent : exécutions sommaires ou extrajudiciaires (3 010 cas officiellement), disparitions, tortures, viols

Accusations
La BBC mentionne que de telles accusations avaient fait surface au sujet du régime de Jean-Claude Duvalier, et du régime Cedras après le renversement d’Aristide en 1991.

Cloutier
Jean-Pierre Cloutier : Le blogue

Force est de constater que celui ou celle qui est à la recherche de détails sur l’affaire sordide n'en trouvera pas ici quelque mention que ce soit, sauf pour le présent billet. Et pas de photos des prisonniers irakiens ou autres non plus.
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