3.9.06

Les armées privées de Washington (2)

Il y a deux semaines, je vous parlais de l’escalade des coûts imputables aux armées privées déployées en Irak pour assurer la sécurité de certains quartiers ou de diplomates occidentaux, voire participer directement aux combats contre des milices armées qu’elles soient chiites ou sunnites.

J’écrivais «En mars 2006, le directeur de l’association des entreprises privées de sécurité en Irak a estimé qu’il y avait maintenant 181 entreprises disposant d’un effectif de 48 000 employés.»  Suite à un commentaire, je précisais que bon nombre des «mercenaires» à l’emploi des agences de sécurité privées étaient d’ex-combattants qu’on recrutait dans d’autres zones de conflits sur le globe.  L’avantage pour les agences est que ces effectifs coûtent moins cher que les ressortissants étasuniens ou britanniques, bien que leurs services soient facturés au plein prix au State Department des États-Unis (qui passe ces marchés), et constituent donc en quelque sorte un «cheap labor» de la sécurité.

Bill Sizemore du Virginian-Pilot dans la livraison du 2 septembre rapporte une dispute salariale entre une des plus importantes agence de sécurité en Irak, Blackwater USA, et un groupe d’employés colombiens.  Ces derniers disent qu’ils ne touchent que 34 $ par jour pour leurs services, environ 1 000 $ par mois, alors que les agents recruteurs de Blackwater leur avaient promis des honoraires de 4 000 $ par mois; le salaire des agents privés étasuniens ou britanniques peut s’élever à 10 000 $ ou plus par mois (voir Blackwater and Colombian workers clash over pay scale, Virginian-Pilot, 2 août 2006).

Un porte-parole de Blackwater explique qu’il y a eu transition d’un contrat à un autre liant la firme au State Department, et que les honoraires ont été révisés à la baisse. 

Sizemore souligne que d’ex-militaires des Philippines, d’Afrique du Sud et du Chili sont employés par des agences comme Blackwater et ses concurrents.  Officiellement, le gouvernement des Philippines interdit à ses ressortissants de travailler en Irak, alors que le parlement sud-africain étudie un projet de loi qui interdirait à ses ex-soldats de participer à quelque conflit que ce soit sans au préalable obtenir la permission du gouvernement.

Un chroniqueur du NewsBlog décrit ce qui équivaut à un véritable système de caste qui régit les salaires versés aux mercenaires employés par les agences, et ce selon la provenance des effectifs recrutés (voir Some people die cheaper, NewsBlog, 3 août 2006). 

Au haut de l’échelle salariale on trouve les anciens combattants des forces spéciales d’élite Delta, SAS et SBS.  Les éléments qui proviennent des forces Delta sont des gardes du corps parfaits, lourdement armés et disposant de matériel de haute technologie, mais très visibles et peu subtils.  Ceux des SAS possèdent les mêmes qualités, mais sont plus discrets, ce qui constituerait une qualité recherchée.

Viennent ensuite les agents privés des États-Unis, les anciens commandos ou parachutistes australiens et néo-zélandais, les commandos sud-africains, et les ex-membres du GIGN français.  Ici, tout dépend de leur maîtrise de l’anglais, ce qui ne semble pas pour le chroniqueur être un problème autant que les retombées politiques possibles.  «Des morts français, ce n’est pas bon pour la couverture médiatique» écrit-il.

Suivent les ex-membres de l’infanterie et des services de sécurité.  Un bon rapport qualité/prix toujours selon ce spécialiste, mais qui peuvent compter quelques crétins dans leurs rangs car la vérification des compétences et expériences n’est pas toujours approfondie pour ce groupe.  On leur confie surtout des tâches de sécurité périmétrique, d’escorte de convois ou de chauffeurs.

Au bas de l’échelle on trouve les mythiques Ghurkas népalais, puis les Colombiens, Chiliens, Argentins et autres.  Ces éléments sont généralement expérimentés et bien entraînés, mais ils touchent moins que les autres mercenaires car ils proviennent de pays pauvres...

De conclure le commentateur, ce n’est jamais payant d’être pauvre, même en Irak.
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