20.8.06

Urgences environnementales au Liban

Revenons d’abord sur la question de cette marée noire en Méditerranée provoquée par le bombardement par l’aviation israélienne, entre le 13 et le 15 juillet derniers, d’une centrale électrique libanaise à 30 kilomètres au sud de Beyrouth.  Selon diverses sources, entre 10 000 et 15 000 tonnes de carburant se sont répandues et contaminent maintenant les côtes libanaises, et dans une moindre mesure syriennes, sur une distance de 150 kilomètres (dont le port historique de Byblos).

Lors d’une réunion tenue à Athènes il y a quelques jours, des experts et responsables des Nations Unies, de l’Organisation maritime internationale, de la Commission européenne et de pays de la région ont endossé un plan d’action pour d’une part procéder au nettoyage des côtes et tenter d’éviter que cette marée noire ne se propage davantage (Voir Clean Up Strategy for Oiled Lebanese Coast Given Green Light, Programme des Nations Unies pour l’Environnement, 17 août 2006).

On évalue à environ 50 millions d’euros le coût de ce plan d’action cette année, et on prévoit qu’il sera nécessaire d’y affecter des crédits supplémentaires en 2007. 

Marée noireÀ l’aide de simulations informatiques, les experts croient que près de 20 % du carburant se serait évaporé, que 80 % s’est fixé sur la côte, et qu’une partie minime (0,25 %, environ 40 tonnes) serait toujours en surface.  Or, des images satellites récentes et des rapports de témoins sur place indiqueraient qu’une partie beaucoup plus importante de carburant serait toujours en surface et menacerait d’atteindre les côtes d’autres pays.  La DG Environnement de la Commission européenne, à la demande du ministère libanais de l’Environnement, a confié au centre d’information satellite sur les situations de crise (organisme allemand) le mandat de documenter la situation.  Les images, disponibles pour téléchargement en format JPG et KML (Google Earth) sont probantes.

Une autre source d’inquiétude des experts serait la possible présence de polluants organiques persistants (POP) comme des bi-phénols polychlorés (BPC) car le carburant provient d’une centrale électrique. 

Au ministère libanais de l’Environnement, le bilan est sombre.  Tant sur le plan de la santé publique, de la biodiversité, du tourisme et de l’économie, les effets de cette marée noire seront désastreux et prendront des années à se résorber.  Et s’ajoute à ces effets la pollution de l’air car durant des jours le pétrole qui ne s’échappait pas vers la mer brûlait et dégageait une colonne de fumée perceptible sur les photos satellites (voir le site du ministère libanais de l’Environnement).

Puis, dans les zones bombardées des villes et villages libanais, que les autorités civiles tentent de dégager, il y a une autre menace, soit celle des particules en suspension dans l’air.

Selon l’agence de presse du bureau de coordination des Affaires humanitaires de l’ONU, la destruction de 10 500 résidences, de 900 immeubles publics et privés ainsi que de nombreux ouvrages d’infrastructure comme des ponts et des routes ont provoqué le dégagement de particules de poussière et de substances chimiques pouvant provoquer des problèmes respiratoires et des cancers (voir Toxic air a major health hazard, IRIN, 16 août 2006).

Rappelons un phénomène semblable à New York après l’effondrement des tours jumelles du World Trade Center.  À l’époque, comme l’a démontré une enquête interne publiée en 2003, la Maison Blanche avait exercé des pressions sur l’agence de protection de l’environnement (EPA) pour qu’elle émette des rapports rassurants sur la qualité de l’air à New York et omette certaines données, exigeant même que tous les communiqués de l’agence soient soumis à l’approbation du conseil national de sécurité (voir EPA's 9/11 Air Ratings Distorted, Report Says, Los Angeles Times, 23 août 2003).

Selon Wael Hmaidan, coordonnateur de l’organisme environnemental Greeline à Beyrouth, et Zeina al-Hajj de Greenpeace, le bombardement de manufactures de produits plastiques, de verre et de produits alimentaires a entraîné le dégagement dans l’air de particules, de dioxines et de bi-phénols polychlorés (BPC), et près de deux millions de Libanais (la moitié de la population) y seraient exposés.  Ces produits sont bio-accumulatifs dit al-Hajj, et ils peuvent provoquer des cancers, ajoutant que les bombes elles-mêmes sont une source de pollution.  «Avec tous les produits qu’elles contiennent, et le grand nombre qui ont été larguées, ça constitue en soi un désastre écologique.»

En fait, la situation est si chaotique au Liban qu’aucune évaluation précise de la situation d’ensemble, ni des coûts de réhabilitation, n’est possible pour le moment.  A-t-on utilisé des obus à l’uranium appauvri (néanmoins radioactifs) comme le soupçonne le ministère libanais de l’environnement?  Qu’en est-il de la couverture végétale mise à mal par des incendies de forêts déclenchés par des bombardements?

Si le Liban a devant lui un vaste chantier de reconstruction, celui de la réhabilitation de l’environnement n’en est pas moins considérable.
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