25.8.05

Haïti : nouveau sommet dans la violence contre les civils des quartiers populaires

En fin de semaine dernière se tenait dans un zone périphérique de Port-au-Prince nommée Grand’Ravine un match de soccer sous l’égide de l’agence étasunienne de développement international (USAID) et du gouvernement intérimaire. Soudainement, la foule a été entourée par un détachement de la Police nationale d’Haïti (PNH) et a reçu l’ordre de s’étendre au sol. Selon le reporter de l’agence Reuters qui cite un travailleur communautaire local, «C’est alors qu’un groupe d’hommes habillés en civil et armés de machettes qui était venu avec les policiers a commencé à identifier certaines personnes, à les accuser d’être des “bandits”, et à les frapper à coups de machettes.» L’opération selon certaines sources aurait fait une trentaine de morts. (Voir Reuters, 24 août.)

Ce nouveau cas d’exécutions sommaires encadrés par la PNH suit de quelques jours des cas similaires, cette fois dans les quartiers populaires de Bel-Air et de Solino où là aussi des hommes armés de machettes, opérant au vu et au su des agents de la PNH qui les accompagnaient, ont procédé à la décapitation d’une vingtaine de personnes. (Voir Reuters, 18 août.)

On nage en plein surréalisme quand on lit le communiqué de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) sur les «présumés» cas de lynchage à Port-au-Prince : «La MINUSTAH reconnaît que de nombreux efforts doivent encore être accomplis en vue de renforcer les capacités de la Police Nationale d’Haïti (PNH) et d’améliorer le fonctionnement du système judiciaire. Conformément à son mandat, elle continuera d’appuyer les autorités de transition dans leurs efforts en vue de réformer et renforcer ces institutions.» (Voir MINUSTAH, 16 août, format PDF.) Notons que dans les deux cas de lynchage «présumés», un cameraman de Reuters était sur place et a filmé les événements.

Pour la PNH, il s’agirait de cas d’«auto-défense», rejetant ainsi le blâme sur la population civile qui s’en prendrait à des «bandits». En point de presse, «Parallèlement au communiqué de la direction générale de la PNH, la porte-parole de l'institution, Gessy Cameau Coicou, a fait savoir qu'elle ne disposait toujours pas d'éléments pour réagir sur le drame de Grand' Ravine, 5 jours après la perpétration des violences meurtrières.[...] Le porte-parole de la CIVPOL, Jean-François Vézina, s'est déclaré mercredi inquiet face à la recrudescence des pratiques de justice expéditive dans plusieurs quartiers de la capitale haïtienne. Pour sa part, le lieutenant colonel Philipe Espié, chef de l'unité de la police des Nations Unies en charge de la réforme et de la restructuration de la police haïtienne, a condamné le drame de Grand'Ravine et annoncé qu'une enquête est diligentée pour fixer les responsabilités dans cette affaire. Les résultats des enquêtes annoncées sur un ensemble de drames dont les massacres du pénitencier national et du Fort national perpétrés à Port-au-Prince vers la fin de l'année 2004 n'ont toujours pas été publiés.» (Voir Agence haïtienne de presse, 24 août.). Autre conséquence de ces violences, plusieurs habitants des zones visées ont abandonné leurs demeures de peur d'être lynchés.

On en revient donc aux vielles pratiques de recours à des «attachés» de police, utilisées par les régimes militaires successifs depuis le départ de Jean-Claude Duvalier en 1986 et maintenant reprises par un gouvernement intérimaire toujours appuyé par Paris, Ottawa et Washington, pour installer un climat de terreur. (Voir mon article Towards a rebirth of the militia, juin 1988.)

Comme le souligne l’hebdomadaire Haïti Progrès de cette semaine (version imprimée), «Dans de nombreux États d’Amérique latine, les escadrons de la mort travaillent de concert avec la police, mais discrètement, et surtout la nuit. En Haïti, la collaboration entre les forces de répression officielles et officieuses s’étale au grand jour.» En complément d’information, de l’édition en ligne de Haïti Progrès du 17 août, et concernant la première vague le lynchage, Lynchage à la «rwandaise» : PNH et Minustah assurent la logistique.
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