14.8.05

Haïti : Foley se vide le coeur

À la veille de son départ d’Haïti (voir le billet Relève de la garde (diplomatique) en Haïti), l’ambassadeur des États-Unis à Port-au-Prince James B. Foley a qualifié de «scandale» la libération par la justice haïtienne de Louis Jodel Chamblain, ancien membre des escadrons de la mort sous le régime Cédras et un des leaders de l’insurrection qui a mené au départ du président Jean-Bertrand Aristide. Il a de plus vertement critiqué le gouvernement intérimaire pour la détention de l’ex-premier ministre sous Aristide, Yvon Neptune, arrêté en juin 2004 et détenu depuis «sans enquête, sans jugement et sans qu'aucune charge précise n'ait été retenue contre lui» a déclaré le diplomate (Voir Reuters et AHP).

Louis Jodel Chamblain est un ex-officier des Forces Armées d’Haïti, et un des leaders du groupe paramilitaire FRAPH (Front pour l’avancement et le progrès populaire haïtien) à qui on impute 3 000 disparitions et assassinat de 1991 à 1994 alors que le général Raoul Cédras avait renversé le président Aristide et installé un régime militaire. Après le retour d’Aristide en 1994, Chamblain avait été jugé et condamné par contumace pour sa participation dans l’assassinat, en 1993, de l’homme d’affaires Antoine Izméry, un proche du mouvement Lavalas, pour l’assassinat du père Jean-Marie Vincent à la même époque, et pour sa participation au «massacre de Raboteau» (Gonaïves) en 1994 qui avait fait une vingtaine de morts.

Chamblain faisait partie des insurgés qui ont renversé le président Aristide en février 2004. Il s’était constitué prisonnier en avril 2004 après avoir eu des entretiens avec les autorités du gouvernement intérimaire, dont l'ancien ministre de la justice Bernard Gousse. Lors des assises criminelles spéciales organisées en août 2004, il avait été acquitté dans le cadre du dossier de l'assassinat du père Jean-Marie Vincent. Il a été libéré cette semaine après que la cour de Cassation eut cassé le verdict du procès du massacre de Raboteau.

Pour ce qui est de Yvon Neptune, premier ministre sous Aristide, l’ambassadeur Foley a souligné qu’il avait «privilégié les intérêts du pays sur ses intérêts particuliers». Après le départ précipité d'Aristide le 29 février 2004, il était resté à la primature jusqu'à la nomination du premier ministre intérimaire et avait aidé à la composition du comité tripartite qui allait donner naissance au Conseil des sages. «C'est dommage qu'on ait choisi d'ignorer cette contribution» a-t-il dit.

Yvon Neptune a été arrêté en juin 2004 en vertu d’allégations selon lesquelles il aurait été impliqué dans un massacre, 11 février 2004, dans la localité de La Scierie (Saint-Marc). C'est une organisation réputée proche de l'ancienne opposition au gouvernement Aristide, la NCHR/Haïti, qui avait la première accusé M. Neptune d'implication dans ce dossier, ce que dément Neptune. L'organisation affirmait qu'une cinquantaine de personnes avaient été tuées. Des journalistes sur place avaient tenté de reconstituer les événements, mais en vain. Pour expliquer l'absence de corps, la NCHR/Haïti avait alors prétendu que des chiens les avaient tous dévorés.

«Il y a des gens qui ont parlé de génocide, de massacre et de tuerie, le 11 février 2004, qu'est-ce qu'il y a de réel dans tout ça?», s'est-interrogé l'ambassadeur, ajoutant que le fait que Neptune se trouvait deux jours auparavant dans cette localité, ne peut en rien justifier les allégations à son endroit et qu’«ils» agissaient par rancune à son endroit pour son association à Aristide, sans préciser qu’il s’agissait des autorités en place.

Les propos de Foley au cours de son dernier point de presse avant de quitter Haïti contrastent vivement avec ceux qu’il tenait encore avant l’annonce de son rappel, soit l'expression d'un appui sans réserve au gouvernement intérimaire.
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