14.10.05

États-Unis : Blogues et politique

Si certains doutaient encore de l’influence que peuvent avoir les blogues et leurs auteurs sur la politique étasunienne, l’affaire Mehlman/Miers est un exemple de l’attention que les politiciens prêtent aux commentaires qui circulent dans la blogosphère.

Miers, BushLa semaine dernière, George W. Bush annonçait la désignation de Harriet Miers au poste de juge à la Cour suprême. Miers, une juriste texane, était avant cette annonce conseillère juridique du président. Le Parti démocrate a alors affirmé qu’il s’opposerait à la nomination de Miers (qui doit être avalisée par le Sénat), estimant ses positions politiques trop à droite. Avec le décès du juge en chef Rehnquist et la démission de la juge O’Connor, il y avait donc deux postes à pourvoir. La stratégie des démocrates a alors consisté à ne pas trop s’opposer à la nomination de John Roberts (reconnu de droite) au poste de juge en chef, espérant la désignation d’une personne d’allégeance libérale pour le second poste à pourvoir. Bien compté, mal calculé.

Mais sitôt la désignation de Miers, la blogosphère de droite politique a vivement critiqué son manque d’expérience car elle n’a jamais de toute sa carrière occupé un poste de juge. Les blogueurs ont estimé que même si c’est une proche conseillère du président, ils ne disposaient donc pas d’un dossier sur les décisions rendues, ses positions sur des enjeux de société comme l’avortement, la peine capitale, l’immigration, et estimaient qu’elle pourrait être influencée par les forces politiques libérales.

Deux jours après sa nomination, un sondage CNN/USA Today/Gallup révélait que 44 % des répondants estimaient que le choix de Miers était «bon ou excellent», et 41 % «convenable ou mauvais». Les blogueurs conservateurs n’ont pas désarmé et ont continué à s’en prendre à la fragilité de la candidature de Miers. Tant et si bien, en fait, que quelques jours plus tard, un autre sondage, cette fois de SurveyUSA, révélait que seulement 12 % des répondants croyaient que le choix de Miers était une brillante décision, et 31 % que c’était une grave erreur.

Mercredi, le président Bush dans une entrevue accordée à la chaîne de télévision NBC s’est senti forcé de défendre le choix de Miers, mais de son côté Ken Mehlman, président du Republican National Committee (la haute instance du Parti du président Bush) s’engageait dans une opération de rattrapage pour le moins inusitée. Comme le rapporte le Financial Times, Mehlman a organisé un appel conférence pour discuter avec certains acteurs influents de la blogosphère de droite, pour parler, entre autres choses, du choix de Harriet Miers, et en expliquer les motifs. Un des blogueurs, le professeur de droit commercial à UCLA Stephen Bainbridge, résume les points abordés au cours de l’appel qui a duré un peu plus de 25 minutes. En plus de Bainbridge, soulignons Lori Bird de PoliPundit, Pat Hynes de anklebitingpundits, Matt Margolis de BlogsForBush, et Ed Morrissey de Captain’s Quarters.

Colmatage efficace? Oui dans le cas de Morrissey qui dit maintenant tendre à appuyer le choix de Miers, non dans le cas de Bainbridge qui affirme que son opinion adverse à Miers n’a pas changé, «beaucoup d’assurances et pas de faits» commente-t-il.

Efficace ou non, et ne tenant pas compte des sondages, l’opération de Mehlman prouve une chose, soit que l’administration Bush perçoit le pouvoir qu’ont les blogueurs d’influer sur l’opinion publique, qu’elle n’hésitera pas à leur demander leur appui.
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