31.1.06

Haïti : sondage et révélations

L’agence haïtienne d’information AlterPresse publie un article sur un sondage visant à évaluer les chances des candidats à l’élection présidentielle du 7 février prochain (voir Trois candidats à la présidence se détachent du lot). Citons ce qui suit : «Selon ce sondage, réalisé entre le 5 et le 12 décembre 2005, l’ancien chef d’État René Préval conserve une grande avance avec 37 % des intentions de vote, suivi de l’industriel Charles Baker avec 10 % et l’ancien Président Leslie Manigat avec 8 %. Les 32 autres candidats se partagent les 45 % restants, mais les pourcentages respectifs n’ont pas été mentionnés dans le rapport consulté par AlterPresse.»

Le sondage a été mené par le cabinet de recherche CID-Gallup basé à San Jose (Costa Rica), filiale de la maison Gallup, et les résultats ont été publiés par Angus Reid Consultants. Ajoutons cette note d’AlterPresse, «Selon les données fournies, 1 200 adultes ont été interrogés durant cette enquête. Aucune marge d’erreur n’a été fournie. Le commanditaire de ce sondage n’a pas non plus été mentionné.» Résumons-nous : commanditaire inconnu, pas de méthodologie, pas de marge d’erreur.

Comment une maison de sondage peut-elle dévoiler quelque chiffre que ce soit quand, de l’avis de personnes sur place, de larges secteurs de la capitale Port-au-Prince et du reste du pays demeurent des enclaves que même les forces de sécurité hésitent à investir? Les sondeurs ne peuvent donc pas avoir accès à ces zones, ce qui fausserait en théorie la représentativité. Les entrevues téléphoniques? Dans ce pays de sept millions d’habitants, selon les chiffres de la CIA pour 2002, le réseau téléphonique par fil (quand il fonctionne) ne serait composé que de 130 000 abonnés (on compterait aussi 120 000 portables).

Par ailleurs, dans son édition de dimanche dernier, le New York Times rapporte les propos de Brian Dean Curran, ex-ambassadeur des États-Unis à Port-au-Prince (2001/2003) qui dénonce les agissements du International Republican Institute en Haïti (voir New York Times, Mixed U.S. Signals Helped Tilt Haiti Toward Chaos). Curran n’est pas le premier ex-diplomate à critiquer ouvertement les politiques de ses employeurs en Haïti, voir à cet égard Relève de la garde (diplomatique) en Haïti (2005/08/10) et Haïti : Foley se vide le coeur (2005/08/14).

Selon Curran, l’IRI aurait miné les tentatives de réconciliation après les élections sénatoriales disputées de 2000, largement financé les groupes d’opposition au président Aristide, et organisé en République dominicaine des séances de «formation» politique pour ces groupes. L’IRI serait aussi associé aux groupes armés qui ont provoqué le départ d’Aristide. Le très long article du Times signé par Walt Bogdanich et Jenny Nordberg se lit comme le scénario d’un thriller politique qui met en vedette Stanley Lucas (directeur de l’IRI à l’époque, issu d’une famille de grands propriétaires terriens), et dans les rôles de soutien des noms biens connus dans ce dossier comme Roger Noriega, Otto Reich, Elliott Abrams, Guy Philippe, Louis Jodel Chamblain.

L’IRI n’a pas tardé à réagir par la voix de son président Lorne Cramer (Statement by IRI President Lorne Craner Responding to The New York Times Article, format PDF) qui réfute évidemment toutes les allégation de l’ex-ambassadeur.
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