15.8.06

L’heure des comptes

Le chef du Hezbollah crie victoire.  George Bush dit que le Hezbollah a été vaincu.  Ehud Olmert avoue que la campagne libanaise s’est heurtée à «certaines difficultés».  Un peu partout l’heure est aux bilans et on parle du côté israélien de possibles enquêtes pour tenter de comprendre ce qui s’est réellement passé.

À commencer par les transactions boursières du chef d’état-major Dan Haloutz qui ont poussé la députée travailliste Colette Avital à exiger sa démission, et le leader du PNR Zevouloun Orlev à demander l’ouverture d’une enquête (Arouts, 15 août 2006).

David Geller explique : «Les fonctions de chef d'état_major semblent très avantageuses lorsque l'on aime spéculer en bourse.  En effet, le quotidien Maariv révèle ce mardi que le général en chef Dan Haloutz s'est empressé de vendre toutes ses actions, d'une valeur d'environ 120 000 shekels [Ndb.  Environ 31 000 dollars canadiens], peu après l'enlèvement des soldats Ehoud Goldwasser et Eldad Reguev à la frontière Nord le 12 juillet dernier.  Le journaliste Yehouda Sharoni, qui publie ce scandale, précise que le chef d'état-major a téléphoné ce même jour à midi à son conseiller financier, trois heures après le début des événements dramatiques dans le Nord du pays, dont les détails n'avaient pas encore été entièrement autorisés à la publication par la censure militaire.  Les indices de la bourse de Tel Aviv ont ensuite sérieusement chuté (- 8 %) suite aux combats et aux tirs de roquettes sur les localités du Nord.»

Le général confirme qu’il a effectué la transaction, mais qu’il avait décidé de liquider son portefeuille après avoir subi certaines pertes récemment.  «Je souligne que ceci n'avait donc strictement rien à voir avec la situation au Nord car à ce moment je ne savais pas encore que nous allions entamer une guerre au Liban", a répondu le chef d'état-major au Maariv.» (Arouts, 15 août 2006).

Mis à part cette étrange histoire du général boursicoteur, une partie de la classe politique israélienne réclame une enquête sur la gestion par le gouvernement de Ehud Olmert de la campagne israélienne, et la création d’un gouvernement d’unité nationale pour se préparer au prochain conflit. 

Selon le Jerusalem Post de ce matin, trois commissions d’enquête sectorielles sont en voie d’être créées.  Un comité des forces armées sera mis sur pied par le ministre de la Défense Amir Peretz, le vérificateur d’État Micha Lindenstrauss examinera les préparatifs à la campagne du Liban, et le comité de la Knesset sur les Affaires extérieures et la Défense mènera une enquête parlementaire (Politicians take aim at Olmert, Jerusalem Post, 15 août 2006).

On dit que Olmert n’est pas préoccupé par ces enquêtes, mais cherche à éviter une commission d’enquête officielle comme la Commission Orr formée pour enquêter sur certains événements survenus alors que Ehud Barak était chef du gouvernement.

En octobre 2000, la police israélienne avait réprimé avec violence une manifestation d’Israéliens arabes qui protestaient contre le traitement des Palestiniens à Gaza; il y avait eu 13 morts.  Barak confia au juge de la cour suprême Theodore Orr le mandat d’enquêter sur ces événements.  Après avoir entendu 377 témoins en trois ans, Orr publia son rapport.  Il blâmait la police pour usage excessif de la force, mais accusait aussi l’establishment israélien de discrimination à l’endroit de la minorité arabe en Israël (plus d’un million de personnes, environ 20 % de la population).  Selon Orr, l’insensibilité de l’establishment par rapport à cette minorité créait une atmosphère explosive qui ne pouvait que conduire à la violence (voir Orr Panel? Finds Decades Israeli Discrimination, Scoop, 4 septembre 2003).

Un de ceux qui réclament une commission d’enquête sur la gestion du conflit est le président du parti Meretz, Yossi Beilin, qui veut en savoir davantage sur l’état de préparation au conflit et sur la prise de décision du déclenchement des hostilités.  Il ajoute qu’au nord du pays, il n’y avait pas d’abris contre les bombardements dans les collectivités arabes israéliennes, que les démunis avaient été négligés et que la guerre avait exacerbé les tensions sociales internes.

Yana Dlugy du Middle East Online estime qu’il y a trois questions auxquelles le gouvernement doit répondre : pourquoi les militaires ne sont-ils pas parvenus après plus d’un mois de combats à faire cesser les lancements de missiles par le Hezbollah; pourquoi l’État n’a-t-il pas assuré une protection adéquate aux résidants du nord du pays qui ont été visés par plus de 4 000 tirs de roquettes du Hezbollah; qu’est-ce qui a été accompli par ce conflit qui a suscité l’indignation de la communauté internationale et qui a fait 1 100 victimes au Liban, la plupart des civils (voir Israeli leaders face political fire, Middle East Online, 14 août 2006. 
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