18.8.06

Dark Alliance : dix ans déjà

Il y a de ces nouvelles qui ne nous rajeunissent pas. Le Los Angeles Times de ce matin nous rappelle qu’il y a dix ans jour pour jour paraissait le premier article de la série «Dark Alliance» de Gary Webb (voir The CIA-Contra-Crack Connection, 10 Years Later, Los Angeles Times, 18 août).

Petit rappel.

«Aux États-Unis, c'est reparti, la CIA risque de se retrouver de nouveau au centre d'une controverse, et ce en pleine campagne présidentielle américaine. C'est qu'une série d'articles publiés à la fin août dans les éditions imprimées et Web du San Jose Mercury News, intitulée Dark Alliance, établit un lien direct entre l'entrée du crack (drogue composée à partir de cocaïne) sur le marché de San Francisco et une opération de financement des contras nicaraguayens qui se serait déroulée avec l'aide d'agents de la CIA. La drogue entrait aux É.-U. avec la complicité de la CIA qui, avec les produits de la vente, procédait à l'achat d'armes destinées à renverser le gouvernement sandiniste. Les arguments sont solides, les preuves semblent irréfutables, il n'en fallait pas plus pour que des leaders de la collectivité noire (dont Jesse Jackson), durement frappée par les proportions endémiques du problème du crack, demandent une enquête officielle.»
Chroniques de Cybérie, 12 septembre 1996

«Nous vous parlions le 12 septembre dernier d'un dossier choc, Dark Alliance, publié dans les pages et sur le Web du San Jose Mercury News, journal californien de la Silicon Valley. Le dossier établissait un lien direct entre l'entrée du crack (drogue composée à partir de cocaïne) sur le marché de San Francisco et une opération de financement des contras nicaraguayens, qui se serait déroulée avec l'aide d'agents de la CIA. La drogue entrait aux États_Unis avec la complicité de la CIA qui, avec les produits de la vente, procédait à l'achat d'armes destinées à renverser le gouvernement sandiniste. Depuis lors, à Washington, trois enquêtes distinctes sont en cours sur cette présumée sombre alliance. Mais voilà qu'un débat fait rage dans les milieux journalistiques américains. Initialement, les grands journaux et médias n'avaient pas repris le dossier, refusaient même de l'aborder. Puis, en septembre, le Washington Post, le New York Times et le Los Angeles Times se mirent à défendre la crédibilité des responsables de la CIA qui niaient évidemment toute l'affaire, et à discréditer les méthodes journalistiques du San Jose Mercury News. Voilà que l'organisme Fairness and Accuracy in Reporting (FAIR) prend la défense du SJMN et accuse ces trois journaux de n'être que l'écho des communiqués de presse officielle et de jouer la carte raciale pour dissiper l'affaire. La communauté noire américaine, fortement atteinte par l'épidémie de consommation de crack, avait vivement réagi aux découvertes du SJMN et avait insisté pour la tenue d'enquêtes officielles, ce que certains "grands journaux" ont appelé un réflexe traditionnel de paranoïa. Le dossier de FAIR paraîtra dans le numéro de janvier de son périodique EXTRA!, mais est déjà disponible sur son site Web. Pour sa part, le SJMN ne lâche pas prise et continue de suivre le dossier crack/CIA.»
Chroniques de Cybérie, 27 décembre 1996

Puis, le 13 décembre 2004, une triste nouvelle.

Gary Webb«Le journaliste Gary Webb a été retrouvé sans vie à son domicile de Carmichael (Sacramento County, Californie) vendredi dernier, 10 décembre. Le corps portait une blessure d’arme à feu à la tête; le bureau du coroner local traite l’affaire comme un suicide. Ce sont des déménageurs qui ont alerté la police après avoir découvert sur sa porte une note sur laquelle il était écrit “Prière de ne pas entrer. Appelez le 911 et demandez une ambulance”. En 1996, Webb avait publié dans le San Jose Mercury News une série d’articles intitulée “Dark Alliance” dans laquelle il établissait un lien direct entre l’entrée du crack (drogue composée à partir de cocaïne) dans les quartiers noirs de San Francisco, et une opération de financement des contras nicaraguayens qui se serait déroulée avec l'aide d'agents de la CIA. La drogue entrait aux É.-U. avec la complicité de la CIA qui, avec les produits de la vente, procédait à l'achat d'armes destinées à renverser le gouvernement sandiniste.»
Suicide de Gary Webb, 13 décembre 2004

«Le journaliste Robert Parry, auteur de Secrecy & Privilege: Rise of the Bush Dynasty from Watergate to Iraq et Lost History: Contras, Cocaine, the Press & 'Project Truth' écrit dans Consortium News : “Le décès de Webb devrait nous rappeler que sa grande contribution à l’histoire des États-Unis a été, avec l’aide de citoyens de race noire en colère, de forcer le gouvernement à admettre certains des pires crimes jamais commis par une administration étasunienne, soit la protection du trafic de drogue aux États-Unis dans le cadre d’une guerre clandestine contre un État, le Nicaragua, qui ne constituait aucune menace réelle pour notre pays.”»
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