18.8.06

Les leçons préliminaires de la guerre

Antyhony H.  Cordesman de la chaire en stratégie Arleigh A.  Burke du Center for Strategic and International Studies de Washington vient de publier une analyse détaillée des aspects stratégiques et tactiques des 33 jours de conflit entre Israël et le Hezbollah Preliminary “Lessons” of the Israeli-Hezbollah War (format PDF).  La version que je cite ici est celle du 17 août 2006, le texte de 25 pages est qualifié d’ébauche ouverte à commentaires, une version finale pourrait être publiée sous peu.

La première partie du texte analyse le degré d’atteinte des cinq objectifs déclarés d’Israël pour déclencher les hostilités. 

1) S’emparer d’une plate-forme d’opération pour l’Iran avant qu’il ne dispose de l’arme nucléaire.

2) Rétablir la crédibilité d’Israël comme force de dissuasion après le retrait du Liban en 2000 et celui de Gaza en 2005, et changer la perception selon laquelle il faisait preuve de faiblesse et avait été forcé de se retirer de ces territoires.

3) Forcer le Liban à devenir et à agir en État responsable, et mettre un terme au statut d’«État dans l’État» dont jouit le Hezbollah.

4) Porter atteinte ou paralyser le Hezbollah, tout en admettant qu’il était impossible de le détruire comme force militaire et qu’il continuerait d’être un acteur important sur la scène politique.

5) Récupérer sains et saufs les deux militaires enlevés par le Hezbollah sans échange majeurs de prisonniers tel qu’exigé par le leader du mouvement, certainement pas les milliers de prisonniers cités par Nasrallah.

Le premier objectif n’a pas été atteint, et Cordesman estime qu’Israël aurait dû tirer des leçons du Vietnam et de l’Iraq.  S’emparer d’une région et en chasser l’ennemi nécessite trop d’effectif pour trop longtemps, coûte trop cher en pertes humaines, et requiert une action civique et des relations civilo-militaires impossibles à mettre en oeuvre dans la pratique.

Israël pourra difficilement prétendre avoir renforcer son pouvoir de dissusasion quand on connaîtra les résultats d’enquêtes sur les erreurs stratégiques ou tactiques commises par ses leaders, et/ou que le gouvernement tombe à cause de sa mauvaise gestion du conflit.

Le maintien du statut d’«État dans l’État» dont jouit le Hezbollah sera tributaire de la réaction de la population; le Hezbollah sera-t-il reconnu pour avoir pris fait et cause pour la lutte des Arabes, ou sera-t-il blâmé pour la dévastation des infrastructures du pays et le nombre élevé de victimes civiles? Quant à un gouvernement responsable, il ne pourra agir que si on lui donne les moyens de sa politique.

Les forces armées israéliennes n’ont certainement pas démontré qu’elles avaient porté atteinte à la capacité opérationnelle militaire du Hezbollah, ni créé une situation en vertu vertu de laquelle il lui est impossible, à terme, de faire l’acquisition d’armes plus perfectionnées.

Quant au retour des deux militaires enlevés, bien qu’il soit partie intégrante du traité de cessez-le-feu, tout reste à voir.

Si force est de constater que les objectifs d’Israël n’ont pas été atteints, Cordesman voit tout de même une leçon que les États-Unis pourraient tirer de l’issue du conflit, c’est-à-dire l’empressement à établir une ou des responsabilités pour son échec.

Il écrit : «Des experts israéliens, tant au gouvernement que dans la société civile, ne se sont pas entendus sur l’étendue de la mauvaise gestion du conflit par le gouvernement ou les forces armées, mais aucun n’a prétendu que les choses avaient tourné rondement.  La plupart des experts à l’extérieur du gouvernement croient que les problèmes sont suffisamment sérieux pour faire l’objet d’un examen par une ou des commissions d’enquête, et établir les faits.»

Cette attitude contraste vivement à celle que l’on perçoit aux États-Unis selon lui.  «Aux États-Unis on est lent à critiquer, et lorsqu’on le fait on blâme le président de manière partisane.  Le pays n’a pas une tradition de commissions d’enquête et de transparence totale (en Israël, toutes les réunions du cabinet et les réunions stratégiques sont enregistrées sur vidéo). 

Plus grave encore, les chefs militaires ont tendance à faire enquête et à punir à partir de la base[...] les États-Unis n’ont pas adopté le principe en vertu duquel les officiers et hauts gradés ainsi que les responsables civils doivent être tenus responsables de leurs échecs, et que les leçons clés d’une guerre comprennent un examen sévère et impartial des grandes stratégies et politiques.»

Un passage intéressant de l’analyse de Cordesman qui a ewffectué un séjour en Israël pendant le conflit porte sur les liens entre l’Iran, la Syrie et le Hezbollah.  Aucun responsable politique, agent de renseignement ou officier militaire qu’il ait rencontré ne croyait que le Hezbollah agissait sous les ordres des iraniens ou des syriens.

«Il est clair que l’Iran et la Syrie ont grandement contribué à armer le Hezbollah depuis plus de cinq ans, que des 747 cargo iraniens ont systématiquement livré des armes sur des aéroports syriens, et que la Syrie a fourni des camions pour transporter des armes et des véhicules armés par le nord et en empruntant la vallée de la Bekka.  L’Iran avait des conseillers, révélé par la présence d’éléments de Al Qud auprès du Hezbollah, on a mis la main sur certains de lkeurs documents, mais il n’y avait pas de Syriens présents.»
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